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    Au pied d'iTélé, «c'est David contre Goliath»

    Alors que les salariés d'iTélé entament leur 9e jour de grève, journalistes et téléspectateurs se sont rassemblés pour «défendre le journalisme et ses valeurs».

    Au milieu des tours grises de Boulogne-Billancourt, au pied de l'immeuble où se côtoient les équipes de Canal +, C8 et iTélé, autour de 300 personnes se sont réunies ce mardi 25 octobre vers 13 heures pour le 9e jour de grève des salariés de la chaîne d'information.

    Le rassemblement commence avec une bonne nouvelle: la direction de la chaîne accepte de recevoir les représentants des salariés. «Le principe d'une réunion est acté, mais pour l'instant je ne sais pas quand elle aura lieu ou avec qui», explique à BuzzFeed News Antoine Genton, président de la société des journalistes (SDJ) d'iTélé. Prévue initialement en fin de journée, elle aura finalement lieu mercredi.

    Pour les salariés, il s'agit toutefois d'un signe positif, après plusieurs jours de silence et de crispation. «On va un peu avancer puisque notre demande de rencontrer la direction a été acceptée», constate Brice, un des 107 salariés qui a voté en faveur de la grève ce mardi. «Ça faisait quand même trois jours qu'on avait pas de nouvelle». Seule décision de la direction d'iTélé, la suspension de Morandini Live jusqu'à la fin de la grève «a été vécue par beaucoup comme une provocation, un bras d'honneur», poursuit Brice.

    Les salariés restent toutefois dans l'incertitude, et se préparent si le conflit devait s'inscrire dans la durée. Lundi, une cagnotte a été créée. «Pour l'instant, c'est une cagnotte interne», précise Elorri Manterola, une gréviste en charge de coordonner la collecte. «Les plus bas salaires sont autour de 1500 euros net, donc au 9e jour de grève, ça devient compliqué. On s'organise de manière à ce que les plus bas dans la grille n'aient pas à voter contre la grève pour des raisons financières.»

    Une écrasante majorité de journalistes, pour la plupart salariés ou anciens de la chaîne d'info, compose les rangs de la manifestation. On y trouve aussi des figures médiatiques comme Roselyne Bachelot, ancienne ministre et chroniqueuse dans une émission du groupe Canal +, Stéphane Guillon, chroniqueur sur Canal +, ou Éric et Quentin de Quotidien, anciens de la chaîne.

    Laurence Ferrari, journaliste tête d'affiche de C8 et iTélé, est également présente pour la première fois. Elle s'était exprimée dimanche sur le sujet:

    Des téléspectateurs ont aussi fait le déplacement après avoir exprimé leur soutien sur les réseaux sociaux. Une Américaine résidant à Paris, qui souhaite rester anonyme parce qu'elle travaille dans la communication, est choquée de voir aussi peu de personnes venir en soutien des journalistes. Venue avec son fils, elle se dit «surprise de voir à quel point, en France, les gens ne comprennent pas l'importance de la liberté de la presse». «Même si je ne suis pas une fan, la situation d'iTélé est connectée à beaucoup de problèmes que posent les oligarques.»

    Cette américaine, qui souhaite rester anonyme, se dit choquée qu'il n'y ait pas plus de téléspectateurs français au… https://t.co/afzzyYzd2a

    Antoine, un étudiant dijonnais qui a fait l'aller-retour à Paris pendant ses vacances pour manifester, n'est pas non plus un «fan» d'iTélé, mais il est venu «pour le principe». «Je fais une formation de monteur, et je me demande ce que va donner le métier plus tard. Si on ne manifeste pas maintenant, ça peut vite découler sur les autres médias», déplore-t-il. L'étudiant, qui a pris contact avec les grévistes via Twitter et a pu rencontrer quelques journalistes, est toutefois assez pessimiste. «J'ai l'impression qu'ils sont un peu désabusés, qu'ils sentent que c'est David contre Goliath», dit-il à BuzzFeed News.

    Dans la bouche des téléspectateurs comme dans celle des journalistes, Jean-Marc Morandini est loin d'être le point central du conflit. «Morandini, c'est l'étincelle», rappelle Antoine Genton de la SDJ, «mais le malaise à iTélé est plus profond, sur les questions des moyens, de l'indépendance, de la rigueur, de la confiance.» Plusieurs journalistes et soutiens citent le récent édito de Libération, qui présente le mouvement de grève comme «un combat fondamental pour toute la presse». Dans sa déclaration à la presse, le président de la SDJ parle d'ailleurs d'un combat qui les «dépasse». La SDJ, avec les syndicats des journalistes d'iTélé, a envoyé un courrier lundi au CSA.

    Déclaration d'Antoine Genton, président de la sdj d'@itele

    «Ce mouvement enfin, a une dimension qui nous dépasse. (...) Il tend aussi à défendre le journalisme et ses valeurs, il ouvre un débat sur ce qu'est et ce que devient l'information en France, sur sa place dans la cité, un débat politique donc, fondamental pour la démocratie.»

    Alors que le conflit est susceptible de s'enliser, les grévistes tentent de s'appuyer sur les soutiens médiatiques et populaires. Grévistes et soutiens se relaient face caméra pour une vidéo qui devrait être publiée mercredi ou jeudi.

    Beaucoup de salariés d'iTélé et de soutiens se sont relayés pour tourner une vidéo qui sera diffusée "demain ou apr… https://t.co/u09zVe1eCt


    Thomas Jarron, un des journalistes à l'origine de l'initiative, explique: «On fait une vidéo pour les gens qui sont venus nous soutenir. C'est léger ou pas, drôle ou pas, mais l'idée c'est de montrer qu'il y a plein de visages différents dans cette mobilisation.»