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Mariage pour tous : 5 marié-e-s racontent les moments les plus émouvants de leurs cérémonies

Ils et elles ont pu se dire oui grâce à la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, dont on fête les 5 ans ce 23 avril. Ils nous racontent les moments les plus émouvants de leurs mariages.

Le 23 avril 2013, la France devenait le 14e pays au monde à autoriser le mariage entre personnes de même sexe. Depuis l’adoption de la loi Taubira, environ 40 000 couples homosexuels se sont dit oui. Cinq d’entre eux ont accepté de partager leurs plus beaux souvenirs de ce moment.

Brigitte et Dominique, mariées le 6 juillet 2013 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)

Brigitte et son épouse étaient les premières lesbiennes mariées à Clermont-Ferrand, peu de temps après la promulgation de la loi. Elles avaient demandé à leurs invité-e-s de s’habiller en blanc, «sauf les accessoires, aux couleurs de l’arc-en-ciel, ça donnait de l’allure». Ce jour-là, Brigitte a eu droit à une énorme surprise à laquelle elle ne s’attendait pas.

«Lorsque j'avais 30 ans, j'espérais bien pouvoir fêter un jour mes 60 ans. En revanche, je n'avais alors jamais imaginé pouvoir un jour me marier avec la femme que j'aime depuis bientôt 35 ans. Et pourtant, c'est exactement ce qui s'est passé le 6 juillet 2013 !

Ce jour-là, 200 personnes, toutes vêtues de blanc, nous ont accompagnées Dominique et moi à la mairie pour que l'adjointe au maire célèbre officiellement notre union. Son discours aussi républicain que chaleureux a marqué nombre des participants.

«Je n'avais alors jamais imaginé pouvoir un jour me marier avec la femme que j'aime depuis bientôt 35 ans.»

Lorsque nous sommes sorties de la mairie pour nous rendre au vin d'honneur, c'était merveilleux ; le bonheur rayonnait, le soleil aussi était au rendez-vous. Tout était bien calé, le timing arrêté, il ne restait plus qu'à faire la fête ; c'était sans compter LA surprise qui m'attendait…

J'avais sollicité Géraldine, la fille de Dominique, pour qu'en tant que témoin privilégié de notre amour depuis plus de 27 ans, elle fasse un petit discours au début du vin d'honneur…

Alors qu'on lui passe un micro et que chacun attend un petit mot, Géraldine me tend une enveloppe en papier kraft et une autre blanche, plus petite, dans laquelle se trouve une "recette pour fonder une famille". Géraldine me demandant de lire, j'imagine alors qu'elle souhaite me voir annoncer qu'elle est enceinte ou qu'elle va se marier… Je m'exécute donc et lis à voix haute, mais sincèrement et pour tout dire, je trouve cela totalement déplacé et ne comprends pas ce qui a pu passer par sa tête.

Ce n'est qu'en bas de la carte que je frémis lorsque je découvre qu'il est conseillé de "laisser mitonner pendant 28 ans" ! Géraldine m'interrompt alors pour me révéler devant tous nos amis réunis qu'elle accepte que je l'adopte ; le dossier d'adoption dûment rempli qu'elle vient de nous remettre sera son premier cadeau de mariage.

L'émotion est palpable dans toute la salle, certains s'exclament, beaucoup pleurent, tous applaudissent et me demandent de reprendre le micro pour partager mon émotion, chose impossible à cet instant.

Aujourd'hui, mon bonheur est toujours intense mais son expression est plus fluide : cinq ans après, je peux le dire : le jour de mon mariage aura été un jour exceptionnel. Dominique et moi étions enfin reconnues comme citoyennes à part entière et Géraldine, notre fille, m'offrait la joie de devenir, officiellement, sa mère.»

Antoine et Victor, mariés le 23 juin 2017 à Paris

Antoine et Victor se sont mariés civilement à Paris, et c’est un mois plus tard, le 23 juillet 2017, qu’ils fêtaient leur union en Dordogne avec familles et ami-e-s. Un discours en particulier a fait de leur cérémonie laïque un moment inoubliable : celui du père d’Antoine. Il raconte.

«Avec Victor, nous avions décidé très vite d’habiter ensemble. Au bout de trois ans côte-à-côte, nous nous sommes demandé : quelle est l’étape d’après ? Nous avons pensé au Pacs, mais en grand défenseur du mariage pour tous, je me suis dit que je n’avais pas milité aussi ardemment pour, finalement, me pacser. J’en ai parlé à Victor et il m’a tout de suite suivi dans cette idée, qui s’est imposée naturellement.

«Mon père a évolué à tel point qu’il a prononcé un discours extrêmement émouvant le jour de la cérémonie. J’ai pleuré, comme tous les invité-e-s.»

Quand j’ai annoncé notre mariage à mes parents, ils étaient tous deux très heureux. Dès le lendemain, nous allions visiter un château à côté de chez eux pour le lieu de la cérémonie.

Cela n’a pourtant pas toujours été si facile. Le jour de mon coming out, mon père a pleuré ; et les deux-trois années qui ont suivi n’ont pas été tout à fait apaisées avec lui. Il n’a toutefois jamais eu de mots blessants et a évolué au fil des années. J’ai finalement eu la chance d’avoir eu une famille qui m’a plutôt bien accepté. Mes parents m’ont même accompagné à la manifestation pro-mariage pour tous de janvier 2013.

Mon père a évolué à tel point qu’il a prononcé un discours extrêmement émouvant le jour de la cérémonie. J’ai pleuré, comme les invité-e-s je crois, qui nous en reparlent encore parfois, près d’un an après.

Je pense que, ce jour-là, j’ai arrêté d’avoir de la rancœur pour ce qui avait pu se passer. On a effacé toute l’ardoise, pour tout recommencer.»

Extrait du discours du père d’Antoine :

«Très cher Antoine,

C‘est un immense bonheur de nous retrouver dans cet environnement bucolique, pour partager avec vos amis et vos familles, que nous remercions chaleureusement de leur présence, ce moment fort de votre engagement.

Votre mariage civil à Paris était un acte administratif solennel et important. Cette journée symbolise et scelle votre amour devant tous ceux qui vous aiment et ont souhaité accompagner votre union.

Tout n’a pas été simple pour les parents que nous sommes, Antoine.

Tout n’a pas été simple.

Nos origines rurales, modestes, paysannes, notre éducation, notre environnement, notre culture, voire notre manque de culture, rien ne nous prédisposait à l’assimilation facile de ta sexualité simplement différente de nos repères.

Pardon de n’avoir pas su te parler librement avant ton coming out, par maladresse, par pudeur.

Pardon d’avoir autant pleuré au téléphone quand je t’ai appelé après que tu as annoncé ton homosexualité à maman.

Ces larmes n’étaient pas les larmes du chagrin mais d’une libération, de l’affirmation d’un amour bien plus fort qu’une attente sur ton orientation amoureuse.

Pardon d’avoir si souvent et lourdement insisté après cela pour que tu épouses Constance ou Hélène, humour mais aussi probablement derniers soubresauts de mon inconscient judéo-chrétien.

La participation à la manifestation pour le mariage homosexuel a été un déclic, nous y avons vu des couples radieux, des parents sereins.

Le couple que tu formes avec Victor a conclu cette mutation intérieure. Nous vous voyons complices et heureux et votre bonheur a apaisé tous nos doutes et mal être initiaux.

(...)

Nous vous souhaitons le meilleur !»

Emmanuelle et Cécile, mariées le 1er mars 2014 à Cahors (Lot)

En mars 2014, la ville de Cahors célébrait son deuxième mariage homosexuel avec Cécile et Emmanuelle. Elle n’avaient jusqu’alors pourtant jamais rêvé de sceller leur union : pour elles, le mariage était une nécessité. Emmanuelle raconte.

«Avec Cécile, nous n’avions pas du tout l’envie profonde de nous marier. Nous l’avons fait uniquement pour avoir la possibilité de demander l’adoption de notre premier enfant, que Cécile a porté. Mais ça s’est finalement transformé en un grand week-end de fête, que nous n’aurions jamais organisé autrement.

Nous avons demandé à un ami, membre du conseil municipal de Cahors, de nous marier. Il savait qu’il n’allait pas repasser aux prochaines élections municipales, c’était le moment où jamais. Il nous a dit : "Si vous voulez que ce soit moi, dépêchez-vous !"

Cécile lui a demandé un discours un peu engagé. Il y avait beaucoup de références historiques, mais j’étais trop émue pour tout suivre. C’était le premier mariage homosexuel qu’il célébrait, et même le premier mariage tout court.

«Le discours de Cécile a rendu hommage à Christiane Taubira, sa loi, la pugnacité avec laquelle elle l'avait défendue envers et contre tout.»

Le discours de Cécile a, lui, rendu hommage à Christiane Taubira, sa loi, la pugnacité avec laquelle elle l'avait défendue envers et contre tout le déferlement de haine de La Manif pour tous (les réacs) et consorts. Il faut dire que cet épisode a laissé tellement de traces, nous a blessées tellement profondément, et continue de le faire puisqu'ils sévissent toujours, nous en tant que personnes, nos enfants, nos familles, nos diversités, nos "communautés" LGBTQI+ (mais aussi les familles monoparentales, bref tout ce qui n'est pas conforme à leur modèle, mais c'est surtout et en premier lieu après nous qu'ils en avaient).

Avec plus de 70 proches, on s’est ensuite invités sur le pont Valentré, classé au patrimoine mondial de l’Unesco, pour prendre l’apéro. C’était assez magique. Puis nous avons loué un grand gîte pour tout le week-end et nous avons fait la fête. C’était une célébration de l’amour !

Petit détail tout à fait anecdotique : il y avait deux moules en chocolat dans les petits sachets de douceurs orange et chocolat que nous avions confectionnées pour tous les convives. Je ne sais pas combien parmi eux ont relevé le clin d'œil, mais elles nous ont bien fait rire, nous, ces moules en chocolat, en plus d'être délicieuses.»

Extrait du discours de leur ami Andréa :

«Mesdames et messieurs, Mesdemoiselles Emmanuelle et Cécile, Monsieur Pablo,

(...) Cécile et Emmanuelle m’ont choisi pour célébrer leur union, après m’avoir fait une demande conjointe en mariage. Ma joie est profonde et sincère. Et je vous remercie de m’avoir fait cet honneur. Comme une revendication aboutie qui en appelle beaucoup d’autres, dans une époque troublée où l’on pourchasse les progressistes, dans cette époque où l’on chasse ceux qui aiment un autre pareil, je veux penser que nous nous éloignons de ce que le poète décrivait comme une aube où se lèvent les révolutionnaires sans révolution… A cet instant, nous sommes à l’aube naissante où se soulèvent les révolutionnaires parmi les révolutions.

(...) Me voici donc devant vous, fièrement drapé de l’écharpe tricolore, pour vous apporter la reconnaissance et la protection de la République, la seule qui fasse loi.

L’arc-en-ciel qui brille dans vos yeux et dans vos cœurs, nous éclaire tous.

Et parce que votre liberté prolonge la mienne : soyez outrageusement fières, atrocement déterminées au bonheur, furieusement, radicalement déterminées à l’amour, soyez vous-mêmes. Soyez vous-mêmes jusqu’au bout. Pour toujours et à jamais. Et ceci, je vous le demande, sous le regard de Marianne, avec sincérité, avec gravité, avec la puissance des mots, avec la grandeur de nos actes militants. Et ceci, je vous le demande : au nom de tous les nôtres. Au nom de tous les miens. Je vous remercie.»

Hélène et Cécile, mariées le 30 septembre 2017 à Toulouse (Haute-Garonne)

Pour Hélène, le mariage était particulièrement émouvant. Elle a perdu sa mère un mois avant le jour J. Ce sont alors les amis du couple qui ont pris le relais pour l’organisation, de ce qui s’est finalement transformé en «mariage de princesses».

«Avec Cécile, nous nous sommes mariées un peu dans la précipitation. Nous avons décidé en juin de nous marier en septembre, pour permettre à ma mère, qui était gravement malade, d’être présente. Elle est finalement décédée un mois avant la cérémonie.

Quand nos témoins l’ont appris, ils ont pris le relais pour l’organisation. Nous avions trouvé le lieu et le traiteur, elles se sont occupées du reste. On peut dire que notre mariage était tout sauf conventionnel !

Le samedi matin, ce sont mes copines qui sont venues me coiffer et me maquiller, et beaucoup d’invités étaient arrivés la veille pour nous aider.

«C’était finalement un peu une cérémonie de princesses, avec ma cousine qui nous a apporté les alliances sur un petit coussin rouge qu’une autre cousine avait cousu.»

À Toulouse, nous avions le droit de diffuser de la musique pour faire notre entrée à la mairie, mais nous n’avions pas réussi à nous décider. On a finalement improvisé une petite danse sur un air de jazz, dans nos robes toutes deux vert émeraude. C’était finalement un peu une cérémonie de princesses, avec ma cousine qui nous a apporté les alliances sur un petit coussin rouge qu’une autre cousine avait cousu.

Nous étions une cinquantaine de personnes, sans aucun prestataire extérieur. C’est par exemple le mari de la sœur de Cécile qui a pris des photos et ce sont nos amis qui ont fait le service à table.

Mon père a fait un discours très court, la gorge serrée, pour dire qu’il était très heureux d’être là et que maman l’aurait été aussi. Elle n’a jamais été à l’aise avec mon homosexualité, mais elle a toujours apprécié Cécile et elle était contente qu’on se marie. Avec mon père, nous avons ri quand il s’est mis à pleuvoir : ma mère adorait l’eau, alors on blaguait en disant qu’elle était avec nous. Et quelque part, elle l’était vraiment.»

Philippe et Arnaud, mariés le 10 septembre 2016 à Bordeaux

Arnaud Alessandrin, sociologue spécialiste du genre et des discriminations, ne pensait pas que son mariage avec Philippe serait repris par des médias d’extrême droite. Eux qui ont demandé à leurs invité-e-s de «permuter leur genre» pour l’occasion en ont pourtant fait la triste expérience, qui n’a heureusement pas suffi à entacher leurs souvenirs d’«un moment apaisé, plein de bienveillance et de joie partagées». Arnaud raconte.

«Dès le lendemain, des groupes d’extrême-droite diffusaient des photos de notre mariage et déversaient des articles homophobes.»

«Nous nous sommes mariés plus de sept ans après notre rencontre, qui n'avait pas (avouons-le) le mariage comme horizon premier. Nous avons invité tou-te-s nos ami-e-s et nos proches. Il y avait du monde, peut-être 150 personnes de mémoire, mais c'est ce que nous souhaitions : être avec toutes les personnes que nous aimions et qui comptaient pour nous. Nous avions fait confectionner, chacun de notre côté, nos robes de mariés, toutes noires, et nous avions demandé à nos ami-e-s de jouer sur leur genre également, ce que tou-te-s ont fait. Après une très belle cérémonie à la mairie de Bordeaux, portée par un maire adjoint, un ami, très entourant, nous sommes partis près de Saint-Émilion terminer la soirée et se faire marier "religieusement" par une sœur de la perpétuelle indulgence.

C'était un moment merveilleux, et épuisant, comme tous les mariages j'imagine. Mais surtout, c'était un beau moment car il n'avait pas grand chose de conventionnel ; ni nos robes, ni nos talons, ni notre mariage religieux. Pouvoir être soit dans une institution, c'est assez précieux.

Comme dans tous les mariages, il y a aussi certaines difficultés. On ne peut pas dire que le nôtre fut exempt d'oppositions puisque, dès le lendemain, des groupes d’extrême droite diffusaient des photos de notre mariage et déversaient des articles homophobes. Être un pédé visible c'est aussi ça. Mais se retrouver dans Rivarol et Minute, ce n'est pas des plus plaisant ! À l'inverse, ce qui m'a beaucoup touché, ce sont les soutiens qu'on a reçus. Sur les réseaux sociaux mais pas uniquement. Le fait que le journal Yagg nous soutienne fut un geste fort important.»