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    Comment Ménard sait-il qu'il y a «91% d'enfants musulmans» dans une classe de Béziers?

    «Dans une classe du centre-ville de chez moi, il y a 91% d'enfants musulmans», a déclaré sur LCI le maire de Béziers, alors que le «profilage communautaire» est interdit en France.

    Lundi 5 septembre, Robert Ménard était invité sur LCI, où il a expliqué que dans une classe du centre-ville de Béziers, «il y a 91% d'enfants musulmans».

    La journaliste, Audrey Crespo-Mara, demandait au maire de Béziers si, selon lui, être Français, c'est «être blanc». Robert Ménard a alors fait cette réponse:

    Robert Ménard: «Être Français c'est aussi, comme le disait le général de Gaulle, être Européen, blanc et catholique, bien sûr.»

    Audrey Crespo-Mara: «Être Français, c'est être blanc donc?»

    Robert Ménard: «C'est pas que ça. Mais écoutez, dans une classe du centre-ville de chez moi, il y a 91% d'enfants musulmans. Évidemment que c'est un problème. Il y a des seuils de tolérance. On n'ose pas le dire : 91% d'enfants musulmans. Vous ne mettez pas les vôtres dans cette école-là, vous demandez une dérogation à la carte scolaire et vous allez dans le privé. C'est ça la réalité.»

    Mais comment Robert Ménard peut-il connaître le pourcentage d'enfants musulmans? Ce type de statistiques est en effet interdit.

    Sur son site, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précise qu'il est interdit «de recueillir et d’enregistrer des informations faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines "raciales" ou ethniques, ainsi que les appartenances religieuses des personnes».

    Le «profilage communautaire» est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende en application de l’article 226-19 du code pénal.

    Contactée par BuzzFeed News, la mairie de Béziers nous a envoyé la réponse suivante:

    «En mai 2015, sur le même sujet, des propos du maire suscitaient déjà la polémique. Une enquête avait été ouverte pour vérifier l'existence éventuelle de fichiers illégaux à la mairie de Béziers. Cette enquête a été classée sans suite. Le maire ne souhaite donc pas rouvrir une polémique déjà tranchée par la justice.»

    Contacté par BuzzFeed News, Robert Ménard n'a pas non plus donné suite.

    En effet, le lundi 4 mai 2015, sur le plateau de Mots Croisés sur France 2, Robert Ménard avait dit: «Dans ma ville, il y a 64,6% des enfants qui sont musulmans dans les écoles primaires et maternelles».

    Robert Ménard affirme qu'il y a 64,6% d'enfants musulmans dans les écoles de #Béziers

    Interrogé sur sa source, le maire d'extrême droite avait répondu qu'il s'agissait des chiffres de sa mairie, se basant sur les noms des enfants:

    «Ces chiffres, c’est ceux de ma mairie. Le maire il a, classe par classe, les noms des enfants (…) Pardon de vous dire que les prénoms disent les confessions, à part de nier l’évidence, enfin.»

    Cette sortie de Robert Ménard avait provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux ainsi que dans la classe politique. Plusieurs politiques avaient demandé la suspension du maire de Béziers.

    L'esprit de 1939 est de retour, les mêmes vieux démons et ces balafres faites à la République. La même lâcheté sur des enfants. #Béziers ChT

    Au lendemain de l'émission, la ville de Béziers avait publié un communiqué dans lequel elle niait avoir constitué des fichiers concernant les enfants musulmans.

    Facebook: ville.debeziers

    Une enquête préliminaire pour «fichage illégal» avait été ouverte et Robert Ménard avait été entendu par la police le 6 mai 2015.

    Deux mois plus tard, le 2 juillet, le parquet de Béziers avait annoncé avoir classé l’enquête sans suite, estimant qu'il n'y avait pas de preuve.

    Un peu plus tôt, le 11 mai, le tribunal administratif de Montpellier avait rejeté le référé-liberté déposé par une association, qui demandait à la mairie d'arrêter toute collecte d'information concernant la religion des élèves. Le tribunal avait également estimé qu'il n'existait pas de preuve d'un fichage, précisant cependant que des informations sur les élèves «ont été collectées à partir des fichiers recensant les élèves inscrits dans les établissements publics d’enseignement dans lesquels les enfants supposés appartenir à la religion musulmane ont été identifiés par leurs prénoms».

    Le jour de cette rentrée 2016, Robert Ménard avait tweeté qu'il voyait dans la composition des classes «la preuve la plus éclatante du grand remplacement», reprenant ainsi la théorie de l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus.

    Car Robert Ménard «compte les musulmans» en se basant sur des prénoms ou des apparences physiques, et assimile les personnes arabes aux personnes musulmanes, comme il l'expliquait également sur LCI:

    Attendez, pardon, je sais que vous n'êtes pas musulmane. Écoutez, c'est drôle, vous n'êtes pas arabe. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise: ça se voit. Ça se voit sur votre visage. Pardon. Quand vous avez aussi peu de musulmans dans les églises, c'est une invention. Vous, les médias, vous avez filmé le ou la musulmane qui est là. Pardon de vous dire que chaque fois qu'il y a eu des drames ces dernières années, et on les a vus avec les attentats, j'ai fait des rassemblements dans ma ville et les musulmans, les maghrébins, vous les comptiez sur les doigts de la main.