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    Suspendre Robert Ménard? Comment le gouvernement esquive la question

    Alors que de plus en plus de politiques demandent la suspension de Robert Ménard, le gouvernement botte en touche et ne souhaite pas aborder ce sujet. Plusieurs associations, dont SOS Racisme, ont porté plainte contre le maire.

    De plus en plus d'hommes et femmes politiques exigent que le gouvernement suspende le maire de Béziers, Robert Ménard, depuis qu'il a avoué (puis nié devant la justice) lister les enfants musulmans de sa ville «à partir de leurs prénoms».

    Cécile Duflot a été la première à lâcher l’idée.

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    A l'occasion d'une question posée mardi au Premier ministre Manuel Valls, l'écolo rappelait à son ancien collègue:

    La loi vous permet de suspendre un maire afin de mettre fin à des comportements dont la particulière gravité des faits est avérée. Il y a des précédents.

    Et l'idée dépasse largement les clivages politiques. Sur BFMTV mercredi, c'était au tour de Jean-Luc Mélenchon de demander une sanction exemplaire. Tout comme le député UMP Gérald Darmanin, qui souhaite que Manuel Valls prenne «ses responsabilités» et suspende Robert Ménard.

    Le destituer est possible dans la loi, c'est une décision qui peut être prise mais ce n'est pas à moi qu'il appartient de la prendre.

    SOS Racisme annonce ce jeudi soir porter plainte contre Robert Ménard. Dans un communiqué, l'association ajoute que si la justice lui donne raison, elle «demanderait au gouvernement d'étudier la possibilité de suspendre ou de destituer Robert Ménard de sa fonction de maire».

    Et en effet, suspendre Robert Ménard est tout à fait possible.

    Si le conseil municipal ne peut pas prendre cette sanction contre son chef, les ministres ou le Président de la République peuvent, eux, parfaitement agir.

    L'article L2122-16 du code des collectivités précise bien que «le maire et les adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par arrêté ministériel motivé pour une durée qui n'excède pas un mois.»

    Contacté par BuzzFeed France, l'avocat de droit public Daniel Tasciyan complète:

    La suspension est davantage une décision politique car les textes ne sont pas précis. Un maire peut être suspendu après avoir commis une faute pas forcément très grave. A l'inverse, pour révoquer un maire (et les exemples passés sont nombreux), cette sanction doit être prise en Conseil des ministres et doit être motivée.

    Le député écologiste Noël Mamère en a d'ailleurs fait les frais en 2004, lorsque le Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, avait décidé de le suspendre un mois après qu'il a célébré un mariage homosexuel dans sa mairie de Bègles (Gironde).

    En mai 2009, le maire PS d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Gérard Dalongeville avait subi la même sanction juste après sa mise en examen pour son implication dans un système de fausses factures.

    La loi donne même la possibilité au Président de la République de "révoquer" un élu municipal. Le maire d'une commune de Nouvelle-Calédonie avait été révoqué à la fin des années 1970 pour avoir dénoncé publiquement les massacres des Kanaks et l'ingratitude de la France au cours de la cérémonie du 11 novembre.

    Quoi qu'il en soit, Robert Ménard, qui a assuré sur un plateau télé se rendre coupable d'un fichage illégal et qui a été entendu par la police, semble réunir tous les critères pour qu'un gouvernement puisse décider de le sanctionner. Surtout que l'édile, habitué des coups médiatiques, a persisté mardi en déclarant qu'il y avait «trop d'immigrés» dans sa ville.

    Mais si le gouvernement a unanimement condamné les propos de Robert Ménard, il évite consciencieusement de se prononcer sur une sanction.

    D'abord face à Cécile Duflot à l'Assemblée, donc: le Premier ministre a botté en touche et a laissé la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem répondre à sa place. Cette dernière a préféré ne pas aborder la question d'éventuelles sanctions contre le maire d'extrême droite.

    Sollicité à de nombreuses reprises par BuzzFeed France, le ministère de l'Intérieur refuse d'aborder le sujet. Dans un sms laconique, un conseiller nous renvoie vers un communiqué. Et si le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve condamne bien les propos de Robert Ménard, qui a même «franchi une ligne jaune» selon lui, il se garde d'aborder le sujet d'une punition administrative.

    Même silence radio au sein du ministère de l'Education nationale, qui met en avant la présentation du plan numérique par François Hollande ce jeudi pour ne pas s'exprimer sur le sujet. Ils finissent par nous répondre:

    Si Najat Vallaud-Belkacem n'a pas répondu à Cécile Duflot à l'Assemblée nationale, elle ne vous répondra pas.

    En attendant que le gouvernement adopte une position, SOS Racisme, le Mrap, la Licra et la «Maison des potes, maison de l'Egalité» ont porté plainte.

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