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    Pourquoi Woody Allen est en train d’être lâché par de plus en plus de monde

    Depuis les années 1990, le réalisateur est accusé par sa fille d'agression sexuelle. Pris dans le tourbillon de l'affaire Weinstein, le chouchou du tout-Hollywood est désormais lâché par ses actrices. Et ses producteurs s'interrogent.

    Wonder Wheel, le dernier film de Woody Allen, est sorti le 31 janvier. À l'affiche, on retrouve Kate Winslet et Justin Timberlake.

    Sorti en décembre aux États-Unis, le film arrive dans un contexte très particulier. L'affaire Weinstein, révélée dans la presse américaine il y a 4 mois, a provoqué un véritable cataclysme à Hollywood.

    Les conséquences de cette affaire sont multiples, et à Hollywood comme dans le reste du monde, les langues se délient pour dénoncer ceux qui ont abusé de leur pouvoir.

    De nombreuses victimes qui n'avaient jamais osé raconter leur histoire ont confié ce qu'elles ont subi, mettant en cause certains patrons de l'industrie du divertissement, des hommes politiques en activité ou à la retraite. BuzzFeed a listé ces révélations et témoignages dans cet article.

    Des accusations d'abus sexuels, portées par sa fille adoptive Dylan Farrow depuis le début des années 1990, planent sur le réalisateur américain.

    Dylan Farrow, née en 1985, a d'abord été adoptée par l'actrice Mia Farrow, alors en couple avec Woody Allen, qui finit par l'adopter également.

    En 1991, alors âgé de 56 ans, le cinéaste entame une relation avec Soon-Yi Previn (21 ans), une fille adoptée par Mia Farrow et son ex-mari André Previn, mais pas avec Allen.

    Une bataille judiciaire s'engage en 1992 pour la garde des enfants. Cette même année, alors qu'elle a 7 ans, Dylan Farrow confie à sa mère que Woody Allen l'a agressée sexuellement.

    Dylan Farrow racontera des années plus tard que la scène s'est déroulée en août 1992 dans la maison de campagne de Mia Farrow dans le Connecticut, aux États-Unis. Selon elle, Woody Allen l'aurait agressée sexuellement pendant qu'elle jouait avec son frère.

    La police se penche sur l'affaire. Woody Allen, lui, nie. En mars 1993, après sept mois d'enquête, une équipe spécialisée dans le protection de l'enfance disculpe Woody Allen.

    En juin 1993, le réalisateur perd le procès pour la garde de ses enfants. Le réalisateur est jugé «égocentrique, indigne de confiance et insensible». Quelques mois plus tard, le procureur du Connecticut affirme qu'il avait de quoi inculper Woody Allen, mais qu'il ne l'a pas poursuivi pour épargner à Dylan Farrow le traumatisme d'un procès public.

    Les années passent, Woody Allen a épousé Soon-Yi Previn, et il continue de tourner avec la fine fleur d'Hollywood. Il reçoit d'ailleurs un prix d'honneur aux Golden Globes en 2014. Le prix de trop pour Dylan Farrow qui publie une lettre ouverte sur le site du New York Times quelques jours après la cérémonie.

    C'est la première fois qu'elle prend la plume pour parler publiquement de ce qu'elle a subi. Elle écrit :

    «Quel est votre film préféré de Woody Allen ? Avant de répondre, vous devriez savoir : quand j'avais sept ans, Woody Allen m'a prise par la main et menée dans un grenier sombre, qui ressemblait à un placard, au deuxième étage de notre maison. Il m'a dit de m'allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Puis il m'a agressée sexuellement.

    Pendant ce temps-là il me parlait, me murmurant que j'étais une bonne petite fille, que c'était notre secret, me promettant que nous irions à Paris et que je serais une star dans ses films. Je me souviens d'avoir regardé fixement le petit train, me concentrant dessus tandis qu'il faisait le tour de la pièce sur ses rails. Aujourd'hui encore, j'ai du mal à regarder des trains en plastique.»

    Dans une tribune publiée quelques jours après dans le New York Times, Woody Allen nie encore les accusations de Dylan Farrow et accuse Mia Farrow de l'avoir manipulée.

    Après avoir exercé les métiers de diplomate et d'avocat, Ronan Farrow, fils naturel de Woody Allen et de Mia Farrow, est devenu journaliste. Il prend la plume à son tour en voyant que le film Café Society fait l'ouverture du festival de Cannes en 2016. Il publie une tribune sur le site du Holywood Reporter intitulée «Mon père, Woody Allen, et le danger des questions tues».

    Puis vint le scandale Weinstein. Et l'un des journalistes qui contribue à faire sortir l'affaire n'est autre que... Ronan Farrow lui-même.

    Après un premier article du New York Times publié le 5 octobre 2017 qui avait révèlé pour la première fois les agissements du producteur renommé, Ronan Farrow dégaine le 10 octobre dans The New Yorker une enquête accablante pour le producteur Harvey Weinstein.

    Woody Allen s'exprime à son tour sur cette affaire. Il se dit «triste pour Harvey» tout en mettant en garde contre le risque de créer «une atmosphère de chasse aux sorcières».

    Woody Allen n'est pas le seul réalisateur a être pris dans le tourbillon de l'affaire Weinstein. C'est aussi le cas du réalisateur Roman Polanski, qui a fui les États-Unis pour échapper à une condamnation pour agression sexuelle, et qui est accusé de plusieurs viols sur mineurs dans les années 1970 et 1980.

    Tout s'accélère encore lorsque Dylan Farrow accorde le 18 janvier 2018, pour la première fois, une interview à la télévision américaine. Elle y réitère ses accusations.

    L'avenir s'annonce très flou pour le cinéaste. Plusieurs acteurs tels que Colin Firth, Greta Gerwig et Rebecca Hall, qui ont travaillé avec lui ont fait savoir qu'ils regrettaient d'avoir tourné avec Woody Allen.

    D'autres comédiens qui figurent dans le prochain long-métrage de Woody Allen, Un jour de pluie à New York, ont annoncé qu'ils reverseraient leurs salaires aux victimes de harcèlement sexuel. C'est le cas de Selena Gomez et de Timothée Chalamet.

    Alec Baldwin, qui a travaillé à de multiples reprises avec le réalisateur, est l'un des rares acteurs a avoir apporté publiquement son soutien. Il rappelle que l'enquête sur les agissements de Woody Allen n'avait rien donné à l'époque.

    Mais l'inquiétude est de plus en plus grande du coté d'Amazon Studios. Les accusations répétées de Dylan Farrow et les revirements de nombreux acteurs inquiètent les dirigeants qui ont produit les derniers films de Woody Allen.

    Selon The New York Times, ils s'interrogeraient sur la poursuite de leur collaboration, et notamment sur son prochain film prévu pour l'hiver 2018. Les regrets publics de plusieurs de ses acteurs et actrices ne sont pas anodines, quand on sait que la promotion des films de Woody Allen capitalise très souvent sur les castings de ses films. Et si Amazon, qui est actuellement son principal producteur et distributeur, était amené à lâcher Woody Allen, la situation du prolifique cinéaste serait très délicate.

    Cette situation est d'autant plus explosive que le chef des studios d'Amazon, Roy Price, a démissionné en octobre 2017 après des accusations de harcèlement sexuel.

    Reste à savoir si en France, pays qui chérit tant les films de Woody Allen, ces événements vont avoir une répercussion. Sorti il y a une semaine, Wonder Wheel a connu un démarrage plus faible que ses précédents films.

    «Wonder Wheel a ainsi démarré à la deuxième place du jour grâce à 20 147 entrées enregistrées dans 264 cinémas, ce qui représente la plus faible journée d’un film du réalisateur en France depuis l'an 2000 (avant, les tops "premier jour" n’étaient pas recensés)», analyse Premiere.

    «Avec son démarrage à 20 000 entrées, Wonder Wheel risque de finir plus bas. Cela représente moitié moins de contremarques écoulées que pour Café Society (52 735), Magic in the Moonlight (50 780), Blue Jasmine (51 537) sur la même durée», ajoute le site.

    Ici, le réalisateur a pu compter sur le soutien de Stéphane Célerier, le PDG de Mars Films qui distribue les films de Woody Allen dans l'Hexagone. Dans une tribune publiée dans Le Point, titrée «Crimes et dénis», il défend le réalisateur.

    «Woody Allen ne doit pas être rangé dans la même catégorie que les prédateurs sexuels récemment dénoncés par le tout-Hollywood et ne doit pas finir sa vie comme un paria dont l’œuvre déjà suspectée sera brûlée», estime-t-il.

    Il n'est pas seul. L'ancien ministre de la Culture, Jack Lang, s'est aussi exprimé avec un tweet de soutien accompagné du hashtag #WoodyAllenForever (Woody Allen pour toujours).

    Marion Cotillard, elle, s'est montrée plus distante. Celle qui a tourné dans Minuit à Paris en 2011 a été interrogée par The Hollywood Reporter. Elle admet que si Woody Allen lui proposait un nouveau rôle, elle y réfléchirait à deux fois :

    «Je ne sais rien de ce qu’il a fait ou n’a pas fait, je vois juste des gens souffrir et c’est terrible. (...)

    Si aujourd’hui il me proposait à nouveau un film, je ne pense pas que cela arrivera parce que l’expérience que nous avons eue tous les deux était très étrange. J’admire une partie de son travail mais nous n’avons noué aucune relation pendant le tournage. Mais si aujourd’hui il me proposait, je me poserais plus de questions, je creuserais davatange.»