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    Ce que personne ne retiendra du livre de Valérie Trierweiler

    Et c'est bien dommage.

    Le jeudi 4 septembre 2014 est paru Merci pour ce moment, le livre-revanche de Valérie Trierweiler. Certes, la rigueur grammaticale laisse à désirer. Certes, le style littéraire évoque par moments un roman de mommy porn.

    Mais au delà des problèmes de forme et des attaques personnelles à l'encontre de François Hollande, ce qu'il faudrait peut-être retenir, c'est la portée féministe de Merci pour ce moment, énième témoignage sur le sexisme qui règne en politique.

    À plusieurs reprises, Valérie Trierweiler y parle du rejet auquel elle a été confrontée, à la fois à l'Elysée, monde de « machos », et dans l'opinion publique, qui selon elle la considérait comme une « femme dominatrice » et une briseuse de couple.

    Un rejet qu'elle n'est pas seule à avoir vécu. Le jour de la passation de pouvoir, Carla Bruni-Sarkozy lui aurait parlé des difficultés liées au rôle de première dame.

    Elle m'explique combien cette période a été difficile pour elle. Elle a les larmes aux yeux.
    - Je ne devrais pas le dire, mais je suis heureuse que tout s'arrête. (...)

    Et ses homologues étrangères ne sont pas en reste.

    Les premières dames étrangères me font aussi des confidences sur le traitement médiatique qu'elles ont toutes subi, à un moment ou à un autre.
    Il y a des reproches récurrents dans les attaques, quel que soit le pays ou les personnalités des unes et des autres. Les femmes de chefs d'État sont presque toujours suspectées de se mêler des affaires de leur mari, d'avoir de l'ambition pour deux et de dépenser l'argent public de manière indue…

    Trierweiler raconte également que lors de la composition du gouvernement Ayrault I, elle aurait suggéré à François Hollande le nom de « Valérie Toranian, directrice du magazine Elle pour le ministère des Droits des femmes. » Voici la réponse :

    François me répond :
    - Je ne peux pas faire ça à Giesbert.
    Franz-Olivier Giesbert, alors directeur du Point, est le compagnon de Valérie Toranian. Dans l'esprit de François, qui connaît le problème pour l'avoir vécu, FOG aurait forcément vécu la promotion de sa compagne comme un camouflet personnel. Solidarité de machos.

    Autre épisode : lors de l'affaire Cahuzac, François Hollande et Manuel Valls estiment que la « dignité » du ministre délégué au Budget est atteinte. Valérie Trierweiler, qui se « fait insulter à longueur de temps » sur Internet, réagit.

    - Et moi ? Quand je me fais traiter de première pute de France, on ne touche pas à ma dignité ?
    D'une même voix, François et son ministre de l'Intérieur se récrient :
    - Ça n'a rien à voir.
    Non, rien à voir, lui est un homme politique drapé dans son honneur et moi une femme sans statut (...).

    Enfin, Valérie Trierweiler évoque la difficulté de concilier sa vie professionnelle avec le rôle de première dame :

    Il m'était inconcevable de ne plus avoir de travail du tout, ni de salaire. (...) Au nom de quoi aurais-je dû renoncer à mon emploi ? Pourquoi aurais-je dû être la seule femme en France qui n'ait pas le droit de travailler ?

    En janvier 2014 - alors que Trierweiler sortait de l'hôpital -, le Guardian publiait un article percutant sur le rôle sexiste et de plus en plus obsolète des premières dames, de Valérie Trierweiler à Michelle Obama :

    Oui, la première dame des États-Unis a un bureau et un attaché de presse, mais elle n'a pas de salaire et la majorité de ses tâches sont résolument superficielles. À travers l'Histoire, le rôle des premières dames du monde entier est principalement d'être des accompagnatrices présentables lorsqu'on a besoin d'elles, et de mettre en valeur leur mari.

    Si le livre de Valérie Trierweiler a été maintes fois critiqué et moqué (y compris sur ce site), il aura au moins eu le mérite d'évoquer la pression et le sexisme auxquels les femmes doivent faire face dans les milieux médiatiques et politiques.

    Et peut-être, de relancer le débat sur un rôle complètement démodé.