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    Révisez le bac de philo avec Beyoncé

    Uh, oh, oh, c'est pour bientôt.

    1. Me, Myself & I

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    Le pitch: après s'être faite avoir par un homme peu scrupuleux, Beyoncé décide de devenir «sa propre meilleure amie.» Parce qu'on ne peut compter que sur soi-même.

    La notion du programme: le sujet.

    L'homme est un sujet en ce qu'il dispose d'une conscience. Elle permet à l'homme d'entretenir un discours intérieur et de produire des idées. Elle le rend aussi responsable de ses actions et capable de prendre des décisions. Beyoncé, elle, décide de lâcher l'idiot qui la trompe.

    2. Ego

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    Le pitch: Beyoncé est une artiste de génie, et elle le sait bien. Cette conscience exacerbée de son talent lui fait dire que son ego est «trop gros», mais ça n'a pas l'air de la déranger.

    La notion du programe: la conscience.

    Chez l'Homme, la conscience permet l'introspection. En cela, elle permet la découverte de l'identité, du Moi, et est selon Descartes la seule façon de prouver son existence. Chez Beyoncé, le niveau d'introspection atteint des sommets inespérés: elle est non seulement consciente de son existence (et plus encore, de son talent) mais s'applique à le faire comprendre à son public.

    3. Sweet Dreams

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    Le pitch: Beyoncé souffre. Elle rêve chaque nuit de la même personne, qu'elle doit quitter, à regret, une fois le jour venu.

    La notion du programme: l'inconscient.

    Certaines pensées sont inconnues à la conscience. D'après Freud, les comportements humains que la conscience n'explique pas trouvent leur origine dans le refoulement. Les rêves, les actes manqués, seraient ainsi des manifestations de désirs inconscients que seule la psychanalyse serait à même d'expliquer.

    Pour certains, l'analyse freudienne est une entrave à la liberté de l'Homme. Beyoncé, elle, a tout compris: elle voit quelqu'un en rêve et ne cherche pas à se l'expliquer, mais simplement à le rencontrer, chaque soir.

    4. Déjà Vu (feat. Jay-Z)

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    Le pitch: Beyoncé est en hallu totale et a l'impression de voir Jay partout.

    La notion du programme: la perception.

    Pour la philosophie empiriste, nos idées proviennent de nos sens: c'est parce qu'on voit le soleil se lever chaque jour que nous vient l'idée qu'il se lèvera demain. Il semblerait pourtant que l'inverse soit aussi vrai: c'est parce que Beyoncé n'a de cesse de penser à son amoureux qu'il se matérialise sous ses yeux.

    Notre perception est par ailleurs utilitaire et conditionnée par nos habitudes: Bey voit Jay parce qu'il fait partie de son environnement quotidien, mais elle veut aussi le voir parce qu'elle l'aime et veut lui montrer.

    Le réel se joue quotidiennement de nous et nous rend la vie d'autant plus difficile qu'on ne pourra jamais quitter notre propre perception. Afin de ne pas péter un plomb, Beyoncé doit donc confirmer soit par la raison que Jay est là ou non («Est-ce-qu'on a mangé ensemble aujourd'hui?», «Il est pas en concert ce-jour là?», «Je crois bien qu'il devait voir sa mère ce lundi...»), soit faire appel à autrui.

    5. If I Were A Boy

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    Le pitch: Beyoncé est prête à se mettre dans la peau d'un garçon, even just for a day.

    La notion du programme: autrui.

    Dans son analyse de l'état de nature, Hobbes montre que le rapport à Autrui (une conscience, un sujet, différent de moi) est conflictuel. Une lutte pour la survie dont Beyoncé n'a en vérité pas grand chose à foutre.

    Dans sa chanson, Queen B estime au contraire que se mettre dans la peau d'un garçon lui permettrait de mieux comprendre ce qu'aimer une fille veut dire. Ici autrui semble donc contribuer à l'élaboration de sa propre conscience. Par ailleurs, Beyoncé offre ici au garçon auquel elle s'adresse un regard extérieur sur la condition masculine que sa propre conscience lui aurait refusé.

    6. Drunk In Love (feat. Jay Z)

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    Le pitch: vraiment?

    La notion du programme: le désir.

    Le désir est motivé par la conscience. Beyoncé a envie de son mari (dans la cuisine, dans le salon, sur la banquette arrière, partout) et elle le sait. Dans sa recherche de satisfaction au moyen d'un objet (désolé Jay), Mrs. Carter exprime pleinement sa liberté humaine.

    Beyoncé est bourrée mais son désir n'est pas inconscient. Il est en revanche bien possible qu'elle en dépende plus qu'elle n'en soit maîtresse: de son propre aveu, elle a du mal à comprendre pourquoi elle n'arrive pas à ôter ses mains de son mari. Lorsqu'il est plus corporel que spirituel, le désir peut être subi et aliénant.

    7. End Of Time

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    Le pitch: Beyoncé se jure d'aimer inconditionnellement et jusqu'à la fin des temps.

    La notion du programme: l'existence et le temps.

    La conscience permet à l'homme de se positionner dans le temps, de relier son passé à son présent et d'anticiper son avenir. Beyoncé, elle, a un projet bien établi: aimer jusqu'à la fin des temps.

    Dans End Of Time, Queen B demande à 26 reprises qu'on lui promette de ne jamais la laisser tomber. Comme nous, simples mortels, il semblerait qu'elle soit impuissante face au temps. Préoccupée par ses projets d'avenir, Beyoncé prend toutefois le risque de ne jamais être heureuse dans le présent qu'elle «rate».

    8. Pretty Hurts

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    Le pitch: Beyoncé condamne notre obsession de la perfection.

    La notion du programme: la culture.

    L'homme naît muni de facultés humaines (conscience, capacité de langage, sens esthétique...) mais c'est l'éducation qui le mène à l'humanité. Le rôle de la culture est de libérer l'homme de sa condition naturelle de «moindre animal» (Lucien Malson).

    L'homme doit boire, manger et dormir, mais c'est sa capacité à le faire d'une façon qu'il a choisie qui le rend humain. Dans Pretty Hurts, Beyoncé enchaîne les régimes, fait du sport à outrance et se prive pour atteindre un niveau de perfection par ailleurs créé par la culture.

    À travers le monde, les cultures se ressemblent en ce qu'elles consistent toutes en une complexification des règles de vie naturelles. Si le fait de devenir blonde semble inoffensif, la chirurgie et la rigueur auxquelles Queen B astreint son corps dans Pretty Hurts semblent en revanche contraire à la vocation libératrice de la culture: elles représentent, comme l'instinct naturel, une nouvelle aliénation.

    9. Speechless

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    Le pitch: son amoureux lui revient après une longue absence, et Beyoncé n'a plus de mots pour exprimer son bonheur.

    La notion du programme: le langage.

    Le langage est le propre de l'homme. Si les animaux sont à même de communiquer entre eux, l'échange animal est néanmoins un phénomène mécanique. Chez l'homme, les mots permettent de produire une infinité de discours. Et Beyoncé ne pipe mot.

    Toute déesse qu'elle est, il est impossible pour Bey de penser sans mot. Pour Hegel, c'est une expérience vaine et absurde: les mots sont en effet le lieu de la pensée plus qu'un simple moyen de l'extérioriser.

    Toutefois, il se peut que Mrs. Carter soit limitée par son langage. Les mots renvoient à des généralités et simplifient notre rapport au monde en rendant commun le singulier (Bergson parle d'étiquettes). «Yes» n'est peut être pas suffisant.

    De même, différentes langues correspondent à différents découpages du réel et imposent certaines limites à la pensée. Elle ne peut dire que «yes» puisque c'est tout ce que son langage lui permet. Peut-être qu'en français, ce serait plus facile.

    10. ***Flawless (feat. Chimamanda Ngozi Adichie)

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    Le pitch: Beyoncé s'est réveillée comme ça, sans défaut.

    La notion du programme: l'art

    L'art désignait originellement le savoir-faire. On le différencie au XVIIIème siècle des Beaux-Arts, domaine de la production de beauté faite pour la seule contemplation. Apprécier la qualité d'une œuvre revient alors à juger de sa beauté. Beyoncé a beau être Beyoncé, son talent irréfutable, sa beauté n'en demeure pas moins une qualité subjective.

    Kant estime toutefois que le jugement de goût est universalisable: en disant d'une chose qu'elle est belle, on présuppose qu'autrui est à même de penser la même chose. En disant d'elle-même qu'elle est sans défaut, Queen B attend de nous qu'on pense la même chose (et elle a bien raison).

    Pour Platon, l'artiste éloignerait les hommes de la vérité. Son travail ne serait en effet qu'une imitation des choses existantes, qui elles-mêmes seraient des imitations des Idées. Hegel oppose à cela que l'artiste qui copie servilement la nature est un artiste frustré. Dans ***Flawless, Beyoncé incarne une vision artistique, idéalisée d'elle-même, qui n'a d'autre fonction que de provoquer une réaction sensible parmi son public. Bien joué.

    11. Ghost

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    Le pitch: Beyoncé est une artiste qui travaille parce qu'elle aime ça. Son âme n'est pas à vendre, son sens artistique non plus.

    La notion du programme: le travail et la technique.

    Le travail a vocation à transformer l'Homme pour le meilleur: en travaillant, il s'éloigne de sa condition animale (il développe sa conscience, son imagination, sa volonté), et la technique améliore son existence. Pour Marx et Beyoncé, le travail est cependant aussi un instrument d'aliénation.

    D'après Marx, le progrès technique a entraîné une dégradation des conditions de travail qui empêche l'homme de s'humaniser, et fait de lui un outil. De même, la division du travail, parce qu'elle aboutit à l'exploitation de certains hommes par d'autres, nuit à sa vocation originelle.

    Dans Ghost, Beyoncé déplore le fait que la musique, qui devrait en tant que produit artistique échapper à une telle aliénation, soit victime de la logique marchande. Par ailleurs, il faudrait selon elle pouvoir travailler pour le plaisir de travailler, et ne pas avoir à «bosser de 9h à 17h juste pour se maintenir en vie.»

    12. Halo

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    Le pitch: Beyoncé a trouvé son ange gardien.

    La notion du programme: la religion.

    Avant de tomber sur cet être divin, Beyoncé n'avait pas l'air trop chaude pour les relations amoureuses. De son propre aveu, elle avait construit des murs autour de son coeur. En tombant sur cet ange gardien et son halo, elle illustre la capacité humaine à admettre la possibilité d'un autre ordre de réel.

    Si la religion est censée revêtir une dimension collective, Beyoncé n'y songe pas une seule seconde: elle l'a trouvé, et il est pour lui. Pour certains philosophes, la religion peut aller jusqu'à l'aliénation de l'homme en ce qu'elle consacre son incapacité à atteindre les qualités divines. Queen B a trouvé le salut («c'est comme si j'avais été réveillée»), mais à quel prix? Elle admet elle-même être devenue «accro à sa lumière».

    Pour ce qui est de l'existence de cet homme parfait, Pascal estime qu'en dépit de la raison, certaines vérités sont senties de manière intuitives («Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.»). Beyoncé sent puis voit ce halo une trentaine de fois tout au long de la chanson, je pense qu'on peut la laisser tranquille.

    13. Best Thing I Never Had

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    Le pitch: Beyoncé se rappelle d'une histoire d'amour foireuse de son passé.

    La notion du programme: l'Histoire.

    La conception positiviste de l'Histoire croit en la possibilité d'une restitution neutre des événements passés, dans leur ordre chronologique. Beyoncé, elle, sait bien qu'une certaine subjectivité est nécessaire au travail de l'historien: dans la sélection des faits comme dans la volonté de comprendre les valeurs du passé. En racontant son propre échec amoureux, Beyoncé n'a d'autre choix que d'être une historienne subjective.

    Dans Best Thing I Never Had, Beyoncé se laisse aller à la spéculation philosophique sur un «sens de l'Histoire», soutenant l'idée kantienne d'un «principe de finalité»: elle tire des leçons de l'histoire et nous en informe afin de permettre, à terme, un accomplissement de l'humanité. Lorsqu'elle annonce à l'imbécile qui s'est joué d'elle qu'on «récolte ce que l'on sème», Queen B laisse toutefois peu de place à la liberté humaine de son ex, qu'elle condamne. Tant pis pour lui.

    14. I Was Here

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    Le pitch: Beyoncé tient à ce que l'on se souvienne d'elle après son passage sur Terre.

    La notion du programme: la raison et le réel.

    La raison désigne la capacité de l'homme à installer un rapport de connaissance (et non de sensibilité) avec les choses. Dans le réel, l'exercice de la raison cherche un ordre, une régularité. Dans I Was Here, Beyoncé justifie son passage sur Terre par les actions qu'elle y a menées («en accomplissant telle chose, je prouve mon existence»).

    Pour certains, cet ordre n'est qu'illusion et sert à nous rassurer: le réel est changeant et pour le saisir, il faut savoir appréhender ses apparences multiples, dans l'interprétation. Et Beyoncé l'a bien compris: si ses actions de bienfaisance sont bel et bien là, tangibles, elle aspire avant tout à toucher les cœurs et les esprits à travers son art.

    15. Beautiful Liar

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    Le pitch: Beyoncé et Shakira apprennent qu'elles se sont toutes les deux faites avoir par le même homme.

    La notion du programme: la vérité.

    La vérité ne désigne pas la simple réalité mais la correspondance entre cette réalité et ce que l'on en dit. Si en apparence, l'homme qui s'est joué de Beyoncé et Shakira pouvait bien prétendre qu'il ne sortait qu'avec une des chanteuses à la fois, il mentait à l'une et à l'autre en leur garantissant leur exclusivité.

    Certaines vérités semblent découler de l'évidence. Confiantes, Beyoncé et Shakira auraient pu partir du principe qu'il est impossible pour leur amoureux de les tromper avec une autre. Descartes a néanmoins démontré que la seule vérité qui résiste à l'exercice de doute systématique est la suivante : «je pense, donc je suis».

    D'autres vérités sont subjectives: celle de l'artiste qui exprime son point de vue, par exemple. L'homme mis en cause dans cette chanson pourrait arguer que «pour lui» il n'était en couple qu'avec une d'entre elles, au motif que la notion de vérité simplifie drastiquement la complexité des relations amoureuses.

    Puisque le bonheur consiste en une adaptation de la réalité à nos désirs, il serait désormais impossible pour Beyoncé et Shakira, déçues, endolories, d'être heureuses. Pour Descartes, cependant, la connaissance apporte à l'homme une satisfaction plus profonde que la joie de l'illusion.

    16. Run The World (Girls)

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    Le pitch: les femmes dirigent le monde.

    La notion du programme: la société.

    Rousseau voit dans la société (un groupe d'individus reliés entre eux par le lien social) un instrument de corruption de l'homme. Alors qu'à l'état de nature il est un animal paisible, la naissance de la propriété et le progrès technique font de lui une proie à la rivalité et aux inégalités. Beyoncé n'a pas le temps pour ces inégalités et affirme que ce sont les femmes qui dirigent le monde.

    Pour Hobbes, l'état de nature est un modèle d'insécurité dans lequel l'homme est en lutte permanente pour la survie. Seul le Léviathan (un État au pouvoir autoritaire et absolu) serait selon lui à même d'y mettre un terme. Beyoncé propose de faire un usage légèrement différent de son influence: dominer le monde avec le pouvoir de l'amour.

    Bonnes révisions!

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