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    Ce qu'une Hermione noire représente vraiment

    «Au collège, lorsque j'étais confrontée à des gens qui m'appelaient "négresse", je repensais à Hermione qu'on appelait "sang-de-Bourbe" et qui était harcelée par les professeurs et les élèves.»

    Note de la rédaction: cet essai a été publié en anglais en février 2015. Depuis, la comédienne noire Noma Dumezweni a été choisie pour interpréter Hermione dans la suite de Harry Potter au théâtre à Londres.

    En grandissant, la découverte d'Harry Potter a été rien de moins qu'une révélation.

    Cette saga a révolutionné la perception que j'avais du monde, de l'humanité et de moi-même.

    Et comme beaucoup de jeunes filles de l'époque, je me suis beaucoup identifiée au principal personnage féminin de la série.

    En tant que fille métissée grandissant dans une ville très blanche, je me suis sentie particulièrement concernée par l'allégorie sur la valeur du sang dans Harry Potter.

    Je m'identifiais énormément à elle, mais comme avec beaucoup de choses que je regardais ou que je lisais, je ne pouvais pas me voir en Hermione.

    En grandissant j'ai arrêté de me comparer à beaucoup d'acteurs d'Hollywood et j'ai essayé de m'entraîner à ne pas voir le blanc comme couleur par défaut des personnages de fiction.

    Appelez cela maturation, éducation ou apprentissage de l'estime de soi; j'ai commencé à examiner les médias et les histoires sous un jour plus critique et j'ai appris à être plus à l'aise pour m'exprimer quand ces mêmes histoires n'étaient pas suffisamment nombreuses à me représenter.

    Et, comme par miracle, internet a fait de même.

    Pour la première fois, je voyais le discours implicite au sujet d'Hermione devenir explicite.

    Je voyais des parts de moi-même s'exprimer réellement à travers ce personnage auquel je m'étais toujours sentie liée.

    C'était beau, et ça paraissait sensé.

    En plus, c'est difficile de trouver une mention explicite de la couleur de peau d'Hermione dans les livres.

    Elle est souvent décrite par ses cheveux; si ce ne sont pas ses cheveux, ce sont ses dents ou quelque chose qui n'est pas physique. La seule mention directe que j'ai pu trouver, c'est dans Le prisonnier d'Azkaban:

    L'histoire d'Hermione a toujours été celle d'une jeune fille vivant dans un monde qui lui était hostile, en raison même de son existence.

    Écoute, sans nos histoires, sans la vraie nature et la réalité de ce que nous sommes en tant que gens de couleur, ce qu'on appelle la culture fan n'aurait aucune signification. Ce que je veux dire par là, c'est que sans les origines ethniques, X-Men n'aurait pas de sens. Sans la réalité des êtres humains réduits en esclavage dans le Nouveau Monde, Dune n'aurait pas de sens. En l'absence du colonialisme et d'impérialisme, Star Wars n'aurait pas de sens. Sans l'extermination de tant d'Amérindiens, la plupart des histoires de science fiction sur le thème de la première rencontre avec un autre peuple n'auraient pas de sens. Sans nous comme sauce secrète pour lier tout ça, rien de cela ne fonctionne, et il est grand temps que nous comprenions que c'est nous, la Force qui fait tenir l'univers de Star Wars. Oui, nous sommes la Directive Première qui rend Star Trek possible. Nous sommes le serment du Green Lantern Corps.

    La même chose est vraie pour beaucoup d'aspects cruciaux de Harry Potter.

    Pour toutes ces raisons, représenter Hermione comme une fille de couleur, c'est retourner aux sources de l'allégorie.

    Vous avez entendu parler des vampires? ... Vous savez que les vampires ne se reflètent pas dans les glaces? C'est l'idée que les monstres n'ont pas de reflet dans un miroir. Et ce que j'ai toujours pensé, moi, ce n'est pas que les monstres n'ont pas de reflet dans un miroir, c'est que si vous voulez transformer les êtres humains en monstres, refusez-leur tout reflet d'eux-mêmes, au niveau culturel. En grandissant, j'ai moi-même eu l'impression d'être un monstre, en quelque sorte. Je ne me sentais pas du tout reflété. C'était un peu: «Hé, est-ce qu'il y a quelque chose qui ne va pas chez moi, pour que la société toute entière semble penser que les gens comme moi n'existent pas?» Et ce qui m'a inspiré en partie a été ce désir profond de fabriquer quelques miroirs, avant de mourir. De fabriquer des miroirs afin que les enfants comme moi puissent s'y refléter et ne pas se sentir monstrueux.

    Hermione Granger restera toujours une icône, peu importe la couleur de sa peau.

    Le moins qu'on puisse faire est de lui donner la place pour être cette icône.

    Peut-être qu'en chemin, les gens seront plus nombreux à pouvoir contempler leur propre reflet.

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