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    Ce témoignage raconte les conséquences mortelles des IVG clandestines

    «Ma mère m'a raconté comment, toute la nuit, elle avait essayé de sauver ces deux jeunes femmes de 18 ans, en vain», a raconté Moana dans un texte très partagé.

    Moana est une française actuellement en stage au sein de la délégation de l'Union européenne de l'ONU.

    Le 8 juin, elle a posté sur Twitter un texte en réaction au hashtag #1sur5, lancé il y a quelques jours par des militants contre l'avortement.

    @PayeTaShnek le témoignage de ma mère pourrait vous intéresser... #1sur5 #survivants #IVG

    Dans ce texte, elle confie que sa mère lui a raconté que, au début des années 90, alors qu'elle était interne sur l'île de Futuna, elle avait été témoin, à deux reprises, de la mort d'une jeune femme qui avait pratiqué un IVG clandestin.

    Voici ce que dit le texte:

    «Ma mère est médecin. Hier, alors que je lui expliquais ce qu'il se passait sur Twitter autour du hashtag ‪#‎1sur5‬, elle m'a raconté ce qui lui était arrivé il y a 25 ans, lorsqu'elle était interne en médecine à Futuna. Elle m'a raconté que l'île avait encore une législation spéciale sur l'avortement et qu'y pratiquer l'IVG était, à l'époque, illégal. Elle m'a raconté comment, à deux reprises, elle avait dû se rendre en urgence au chevet de deux jeunes femmes de 18 ans, qui s'apprêtaient à mourir des suites d'un avortement clandestin.

    Elle m'a raconté que plutôt que d'avoir un enfant, ces deux jeunes femmes avaient décidé de s'introduire des plantes dans l'utérus pour évacuer l'embryon. Elle m'a raconté qu'elles étaient entrées en choc sceptique. Elle m'a raconté comment, toute la nuit, elle avait essayé de sauver ces deux jeunes femmes de 18 ans, en vain. Elle m'a dit "18 ans, tu te rends compte…". À 18 ans on a une famille, des amis, des rêves, des espoirs et des projets. Et pourtant, à 18 ans, on peut mourir de ne pas vouloir d'enfant, dans les bras impuissants d'une jeune interne.

    Elle a ajouté "Tu peux dire à ces gens qui remettent l'avortement en cause, qu'ils étaient les bienvenus pour m'accompagner lors de ces deux nuits de cauchemar. Que ce qu'ils font est criminel. Qu'il est temps pour eux de sortir de leurs beaux milieux aseptisés. Et qu'ils n'ont absolument aucun sens des réalités." Alors voilà, c'est dit.»

    «Je parle souvent à ma mère sur Skype et, lundi, je lui ai parlé de ce hashtag sur les réseaux sociaux et elle m'a répondu que ça l'énervait», raconte Moana Genevey à BuzzFeed News. «C'est là qu'elle m'a raconté ce qu'elle avait vécu.»

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    La jeune femme explique qu'elle a pensé que ce serait bien que ce témoignage soit partagé. Elle l'a donc posté sur Twitter, sans même prévenir sa mère.

    «Ma mère est très contente que son témoignage soit partagé –même si elle était surprise. Elle en a pleuré, parce que ça lui rappelait ce qu'il s'était passé et que c'était dur. Elle a aussi pleuré de colère car ça la met hors d'elle que certains manifestent aujourd'hui contre l'avortement.»

    «Ça a été une grosse douleur pour moi de ne pas pouvoir sauver ces jeunes filles», nous a raconté la mère de Moana.

    «J'avais 26 ans. C'était une expérience extrêmement douloureuse pour moi de me retrouver au petit matin à constater le décès, sans avoir pu sauver ces femmes.»

    Cette médecin explique que, si la loi Veil légalisant l'IVG a bien été votée en 1975, elle n'était pas appliquée à Futuna. «L'influence de la religion catholique était très forte et il n'y avait aucun centre où l'on pouvait mettre fin à une grossesse.»

    «J'ai toujours été féministe et je suis très mécontente de voir qu'il y a une grosse régression sur les droits des femmes. Militer contre l'IVG, c'est se voiler la face. De tout temps, ça a existé et des femmes sont mortes de ça. Et ça, ce n'est pas acceptable.»

    Son témoignage a été retweeté plus de 1000 fois, et a été partagé sur Facebook par la page féministe «Paye ta schnek».

    Facebook: payetashnekleblog

    Moana Genevey déclare qu'elle n'a eu quasiment que des retours positifs et qu'elle ne s'attendait pas à ce que son texte soit autant partagé.

    @moanette @PayeTaShnek Merci mille fois pour ce témoignage !

    Dans les commentaires sur Facebook, de nombreuses personnes la remercient d'avoir partagé ce témoignage.