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    Entre climatosceptiques et extrémistes, voici pourquoi le gouvernement Trump fait peur

    Un climatosceptique à la tête de l'Agence de protection de l'environnement, un va-t-en-guerre au ministère de la Défense, un homme qui a fait une blague raciste pour le ministère de la Justice...

    Les 538 grands électeurs vont élire ce lundi le 45e président des États-Unis. Malgré les pétitions et les appels de célébrités implorant les grands électeurs à ne pas élire Trump, ce sera Trump.

    Depuis l’élection du 8 novembre, et en attendant la passation de pouvoir du 20 janvier avec Barack Obama, Donald Trump reçoit beaucoup de monde dans les bureaux de sa Trump Tower à New York. Chaque jour il nomme ses conseillers, ses futurs ministres et des directeurs d'agences américaines, dessinant peu à peu les contours du gouvernement qui prendra les manettes du pouvoir dans un mois.

    Il ne reste plus que quelques postes à pourvoir. Certaines nominations devront être confirmées par le Sénat mais d’ores et déjà, ce qui frappe c’est l’amateurisme des profils sélectionnés. Et leur radicalité. Principalement masculins, blancs et riches (la fortune totale des plus riches membres de ce cabinet est supérieure à celle, cumulée, du tiers des Américains), ces ministres, conseillers et directeurs d’agence ont peu d’expérience politique et traînent de nombreuses casseroles racistes et sexistes.

    Jeff Sessions, ministre de la Justice

    Son CV: Sénateur de l'Alabama, 69 ans. Premier sénateur républicain à avoir soutenu Donald Trump durant la campagne électorale.

    Pourquoi il fait peur: Jeff Sessions est considéré comme l’un des élus les plus conservateurs du Sénat, notamment sur les questions d'immigration. Dans une interview pour le site d'extrême droite pro-Trump, Breitbart, il s'est dit «ouvert» à la proposition de Trump d'interdire l'entrée des musulmans aux États-Unis. Hostile au mariage gay et à l'avortement, climatosceptique, partisan de l'usage de la torture par l'armée américaine, il a aussi été accusé de racisme. En 1986, sa nomination comme juge fédéral avait été rejetée à la suite des propos racistes qu'il avait tenu (voir sa déclaration plus bas). Plus récemment, lorsque Donald Trump a dit dans une vieille vidéo remontée à la surface pendant la campagne que «les femmes, on peut les attraper par le sexe», Jeff Sessions a déclaré: «Je ne qualifierais pas cela d'agression sexuelle.»

    Déclaration: «Je pensais que ces gars (le Ku Klux Klan, ndlr) étaient corrects jusqu'à ce que j'apprenne qu'ils fumaient de la marijuana.»



    James Mattis, ministre de la Défense

    Son CV: Ancien membre des Marines, 66 ans. Connu pour son franc-parler, il est surnommé «l'enragé».

    Pourquoi il fait peur: Si James Mattis est confirmé au poste de ministre de la Défense, il deviendra le premier général retraité à la tête du Pentagone depuis plus un demi-siècle. En mai 2004, il avait donné l’ordre de bombarder «l’abri d’un combattant étranger» à Mukareeb, un petit village irakien. Mais à l’endroit ciblé se tenait en fait un mariage et l'opération avait fait 42 morts dont des femmes et des enfants venus assister à la cérémonie. L'année d'après, il déclarait: «Vous savez, vous débarquez en Afghanistan, et vous avez des mecs, ça fait cinq ans qu'ils tabassent leurs femmes parce qu'elles ne veulent pas mettre de voile. Des mecs comme ça ne sont plus vraiment des hommes. Donc c'est vraiment sympa de leur tirer dessus.»

    Une déclaration: «Soyez polis, soyez pro mais ayez toujours en tête un plan pour tuer tous les gens que vous rencontrez» (message délivré aux Marines en Irak).


    Rex Tillerson, ministre des Affaires Étrangères

    Son CV: Originaire du Texas, 64 ans. Patron du groupe pétrolier Exxon Mobil. Proche de Vladimir Poutine. Aucune expérience politique.

    Pourquoi il fait peur: Dans une interview pour Fox News Donald Trump le présente comme «le PDG de la plus grande entreprise du monde» et souligne l'une de ses qualités: «il connaît beaucoup de dirigeants». Sa nomination poserait des problèmes de conflits d'intérêts entre ses activités à Exxon et son futur rôle diplomatique. Surtout, ce qui inquiète, ce sont ses liens étroits avec Vladimir Poutine. Le futur chef de la diplomatie américaine a en effet reçu du président russe l'Ordre de l'Amitié en 2013, l'une des plus hautes distinctions pour les civils en Russie. Il a aussi dirigé une société russo-américaine de 1998 à 2006, selon de récentes révélations du Guardian. Rien d'illégal en soi, mais cela risque de soulever encore plus de questions sur la relation qu'il entretient avec la Russie.

    Pas de quoi rassurer la CIA qui a accusé la Russie d'avoir aidé à porter Donald Trump au pouvoir. La Russie a d'ores et déjà salué cette nomination en disant que Rex Tillerson était «connu de tout le monde» et que le président Poutine a «de bonnes relations business» avec le patron de ExxonMobil.

    Déclaration: «Ma philosophie, c'est de faire de l'argent. Si je peux forer et faire de l'argent, alors c'est ce que je veux faire».


    Rick Perry, ministre de l'Énergie

    Son CV: Ancien gouverneur du Texas, 66 ans. Il a été candidat à la primaire républicaine en 2012 et 2016.

    Pourquoi il fait peur: Pour prendre la tête du ministère de l’énergie, Donald Trump a choisi un homme qui fait campagne depuis des années pour supprimer… le ministère de l’énergie. Quand il était gouverneur du Texas, Rick Perry s'est toujours montré très favorable à l'extraction des énergies fossiles.

    Déclaration: Rick Perry est l'auteur de ce que le New York Times baptise «l'une des plus belles gaffes de l'histoire récente des présidentielles américaines». Pendant un débat de la primaire républicaine de 2011, Rick Perry énonce les trois ministères dont il souhaite la suppression mais il ne parvient pas à trouver quel est le troisième. Ironie du sort c’est le ministère de l’énergie qu’il a oublié.

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    Ben Carson, ministre du Logement

    Son CV: Ancien candidat à la présidentielle, 65 ans. Neurochirurgien à la retraite, il est connu pour avoir réussi la séparation de deux siamoises adultes reliées par la tête.

    Pourquoi il fait peur:
    Conservateur chrétien sans expérience politique, candidat à l'investiture républicaine face à Trump, il est créationniste, a comparé les États-Unis sous Obama à l'Allemagne nazie, qualifié l'Obamacare de «pire chose qui soit arrivée au pays depuis l'esclavage» et affirmé que l'homosexualité était «un choix».

    Déclaration: «Je pense que les chances d'Hitler d'atteindre ses buts auraient été grandement réduites si les gens avaient été armés.»


    Steven Mnuchin, ministre des Finances

    Son CV: Ex-banquier de Goldman Sachs, 53 ans, multi-millionnaire. Il a produit des films à Hollywood.

    Pourquoi il fait peur: Steven Mnuchin a travaillé 17 ans pour Goldman Sachs. C'est un pur produit de l'élite américaine. Celle-là même que dénonçait Donald Trump pendant sa campagne électorale alors que dans l'ombre, Steven Mnunchin occupait le poste de directeur financier de la campagne. En 2008, en pleine crise financière, il fait partie de ces banquiers qui se sont beaucoup enrichis. Selon les Echos, «il a cherché les proies les plus fragiles et racheté une banque californienne en détresse, IndyMac, (...) Il a multiplié les saisies immobilières - jusqu'à provoquer des manifestations devant sa maison de Los Angeles - et laissé l'Etat absorber une partie des pertes».

    Une déclaration: «Je connais le président élu depuis plus de 15 ans. Je croyais en sa politique, et je savais qu'il allait gagner. Il y avait beaucoup de personnes en Californie et à New York qui ne voulaient plus être mes amis. Ils sont tous revenus.»


    Stephen Bannon, stratège en chef


    Son CV: Ancien directeur de campagne de Trump, proche des milieux d'extreme droite, 63 ans.

    Pourquoi il fait peur:
    Ex-militaire passé par Goldman Sachs, Stephen Bannon a été qualifié par le site Bloomberg d'«homme le plus dangereux de la politique aux États-Unis». Il est à la tête de Breibart, un site d'extrême droite, accusé de racisme et conspirationnisme, qui est devenu une référence chez les Américains les plus conservateurs. Lors de sa nomination comme haut conseiller, Stephen Bannon a été félicité par David Duke, ancien responsable du Ku Klux Klan. Il a par ailleurs été accusé par son ancienne épouse Mary Louise Piccard, d'antisémitisme et de violences conjugales.

    Une déclaration: «La peur est une bonne chose. La peur va vous amener à agir.»


    Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale

    Son CV: Général retraité, ancien directeur adjoint du renseignement national, 58 ans. Il a clairement un problème contre l'islam.

    Pourquoi il fait peur:
    Celui qui a fait de la lutte contre l'islamisme l'une de ses priorités semble confondre musulmans et islamistes. En 2016, il a par exemple déclaré que «l'islamisme est un cancer vicieux à l'intérieur des corps de 1,7 milliard de personnes sur cette planète et il doit être excisé.» Selon le New York Times, il aurait aussi dit que la charia se répandait aux États-Unis. Dans des mails «leakés» de l'ex-ministre des Affaires étrangères Colin Powell, on apprend que Mike Flynn serait quelqu'un «d'abusif avec son équipe, qu'il n'écoute jamais, qu'il fait de la mauvaise gestion. Un dingue de droite.»

    Michael Flynn est un partisan d'un rapprochement avec Moscou, il a d'ailleurs été vu en 2015 aux côtés de Vladimir Poutine lors d'un dîner organisé par la chaîne pro-gouvernement, Russia Today. Michael Flynn n'aime pas Hillary Clinton, il a demandé à plusieurs reprises qu'elle soit «jetée en prison». En novembre dernier, il a tweeté, puis effacé, une fausse information selon laquelle Hillary Clinton aurait été impliquée dans des crimes sexuels avec des mineurs.

    Une déclaration: «L'islam est une idéologie politique fondée sur une religion.»



    Scott Pruitt, Agence de protection de l'environnement (EPA)

    Son CV: Procureur général de l'Oklahoma, 48 ans. Climatosceptique.

    Pourquoi il fait peur: En nommant Scott Pruitt à la tête de l'EPA, Donald Trump semble vouloir appliquer la politique environnementale qu'il a défendue tout au long de sa campagne: sortir les États-Unis de l'accord de Paris sur le climat et nier l'existence du changement climatique. Mais Trump a surtout nommé un homme qui s'est plusieurs fois battu contre l'EPA, l'agence à laquelle il a été nommé. Sous la présidence de Barack Obama, Scott Pruitt a pris des positions contre la volonté de l'agence de réduire les émissions de gaz à effet de serre et celles des centrales électriques au charbon. Il est aussi réputé pour être proche de l'industrie des énergies fossiles, et des compagnies pétrolières. L'État de l'Oklahoma, où il a exercé le métier de procureur, tire une grande partie de ses richesses de l'exploitation du pétrole.

    Une déclaration: «Les scientifiques continuent d'être en désaccord sur le degré et l'étendue du réchauffement climatique et son lien avec les actions de l'Homme. Ce débat devrait être encouragé à l'école, dans les forums publics, et au Congrès. Cela ne devrait pas être réduit au silence sous menaces de poursuite. La contestation n'est pas un crime.»


    Mike Pompeo, patron de la CIA

    Son CV: Représentant du Kansas à la Chambre des Représentants. Ex-militaire, 52 ans, pro-NSA, ne veut pas fermer Guantanamo.

    Pourquoi il fait peur: Connu pour être un adversaire farouche de l'administration Obama, Mike Pompeo est un fervent défenseur de la NSA et de ses programmes de surveillance. Il a d'ailleurs qualifié l'analyste de l'agence Edward Snowden de «traitre» qui «mérite la peine de mort.»

    Mike Pompeo a tenu des propos décriés, notamment envers les musulmans, comme quand il a déclaré en 2013 que les «leaders musulmans américains qui ne condamnent pas les attaques terroristes sont potentiellement complices». Il s'en est aussi pris à Raj Goyle, un opposant démocrate, en relayant un article sur Twitter offensant et sous-entendant les origines indiennes et musulmanes de l'homme politique. Il s'est par la suite excusé.

    Une déclaration: «Chaque leader musulman doit proclamer sans équivoque que la terreur commise au nom de l'islam viole les principes fondamentaux du prophète Mohammed. Et ils doivent le faire très souvent. Point.»


    «C'est un gouvernement de rupture»
    Paul Schor, historien.

    Ce «cabinet» est-il le plus à droite de l'histoire ? «Avant les années 70, les gouvernements étaient très peu diversifiés et certains étaient très conservateurs. Mais celui qui se dessine constitue une véritable rupture par rapport au gouvernement Obama et celui de Bush», explique à BuzzFeed News Paul Schor, maître de conférences en civilisation américaine à l'université Paris-Diderot. «Avec Trump, ce qui est frappant c’est que beaucoup de nommés n’ont aucune compétence politique. Alors qu’on pensait que le parti républicain allait reprendre la main et qu’on allait avoir des gens plus traditionnels et classiques, il n'en est rien», ajoute le maître de conférences.

    Certaines de ces nominations devront d'abord être examinées par le Sénat, mais cela devrait être une formalité. «Puisque le Sénat possède une courte majorité républicaine normalement, ça devrait passer. On peut cependant s’attendre à ce qu’un certain nombre de candidats passent un mauvais moment notamment lors des auditions publiques où les sénateurs démocrates voudront forcément pointer du doigt leur incompétence», dit Paul Schor.

    «On se demande comment ils vont travailler ensemble car ça part un peu dans tous les sens. Il y a des personnes qui ont des positions similaires à celles de Trump, d’autres qui ont des positions complètement opposées. Il y a un amateurisme extrême.»