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    Steve Bannon acclamé, médias hués, injures racistes : un aperçu du «nouveau» FN dédiabolisé

    L'ex-conseiller de Trump, régulièrement taxé de racisme et d'antisémitisme, a été acclamé par les militants frontistes au congrès de Lille. Tandis qu'un vigile a accusé l’assistant parlementaire de Marine Le Pen, Davy Rodriguez, d’injures racistes.

    (De Lille). Ce week-end du 10 et 11 mars, Marine Le Pen a invité les militants du Front national à plancher sur la refondation du parti. Le but : se lancer en vue des prochaines élections européennes de 2019 avec un FN «refondé» et toujours «dédiabolisé» pour espérer une large victoire. Un nouveau nom sera également proposé au cours de ce congrès. «Le Front national est devenu adulte. Le Front national aujourd'hui a changé de nature. Il est passé d'un parti d'abord de protestation dans sa jeunesse, puis d'un parti d'opposition à un parti de gouvernement», a déclaré Marine Le Pen sur France 2. Lors de ce week-end frontiste pourtant, les traces de cette refondation semblaient bien discrètes.

    Le sulfureux Steve Bannon, invité star du congrès

    C'était la surprise de la journée de samedi. Steve Bannon, ancien conseiller stratégique de Donald Trump, congédié de la Maison Blanche en août 2017, est venu s'exprimer près de 40 minutes pour expliquer comment «la victoire est possible». Selon le New York Times, il effectue une tournée en Europe dans le but de bâtir une «infrastructure pour le mouvement populiste mondial». Jean-Marie Le Pen a, lui, déclaré qu'il avait une certaine «sympathie» pour lui, en estimant par ailleurs qu'il ne représentait «pas exactement la définition de la dédiabolisation».

    En plus d'être chaudement remercié par Marine Le Pen, Steve Bannon a eu le droit à de nombreux applaudissements et deux standing ovation.

    Cette invitation peut toutefois surprendre. L'ancien bras droit de Donald Trump a en effet un pedigree qui tranche avec la supposée dédiabolisation du FN.

    En 2012 par exemple, il avait repris les rênes de Breitbart News (qu'il a quitté en janvier 2018), un site accusé de propager de nombreux articles racistes, antisémites ou complotistes, comme le montrait BuzzFeed News. Quand il le dirigeait, on pouvait lire ce genre d'articles :

    • «La contraception rend les femmes laides et folles»
    • «Le politiquement correct protège la culture du viol des musulmans»
    • «Hissez-le haut et fier : le drapeau confédéré proclame un héritage glorieux»


    Steve Bannon est aussi soutenu par la frange américaine la plus radicale. ll a ainsi été félicité par David Duke, ancien responsable du Ku Klux Klan ou par le parti Nazi Américain de Rocky Suhayda, pointait l'Express. En 2010, Bannon déclarait aussi : «L'islam n'est pas une religion de paix. L'islam est une religion de soumission. Islam veut dire soumission.»

    L'ancien conseiller stratégique de Donald Trump avait également exposé sa vision du monde lors d’une conférence au Vatican en 2014. BuzzFeed News y était. Sur l'islam il disait : «Si vous regardez la longue histoire de la lutte de l’Occident judéo-chrétien contre l’islam, je crois que nos ancêtres ont tenu fermement leur position, et je pense qu’ils ont eu raison. (...) Ils ont pu nous léguer une Église et une civilisation qui [sont] réellement le fleuron de l’humanité.» Au sujet de Vladimir Poutine il disait que sa défense des «valeurs traditionnelles» et son soutien du nationalisme étaient de bonnes choses.

    En 2016 cette fois, plusieurs organisations juives s'inquiétaient de l'arrivée de Bannon à la Maison Blanche et dénonçaient «son antisémitisme déguisé». Tout cela n'a pas empêché les militants frontistes d'acclamer Steve Bannon, et notamment après ce conseil :

    «Tous les jours nous devenons plus forts, et eux plus faibles. Laissez-les vous traiter de raciste, de xénophobe. Portez-le comme une médaille d'honneur. Parce que tous les jours nous devenons plus forts et ils s'affaiblissent. "God bless America" et vive la France

    L'assistant de Marine Le Pen accusé d'avoir proféré des injures racistes à un vigile

    Davy Rodriguez, numéro 2 du Front national de la Jeunesse (FNJ) et assistant parlementaire de Marine Le Pen et du député Sébastien Chenu, a été filmé à la sortie d'un bar à Lille la veille du congrès. Dans cette vidéo postée sur Twitter et que nous avons pu authentifier, on le voit s'énerver devant un bar, et on entend quelqu'un lancer l'insulte raciste «nègre de merde». Le videur, qui témoigne en vidéo auprès de BuzzFeed News, évoque une litanie d'insultes racistes proférées par ce frontiste. Il annonce qu'il va porter plainte.

    Joint par téléphone par BuzzFeed News dimanche 11 mars, Davy Rodriguez a nié en bloc toutes les accusations portées contre lui, et évoque une «cabale politique». Sébastien Chenu a annoncé que Marine Le Pen a accepté «la suspension à titre conservatoire de Davy Rodriguez» et qu'il «sera entendu dans les jours qui viennent par les instances du FN».

    Des médias interdits ou hués

    Ce samedi, le FN n'avait pas non plus perdu ses habitudes. Deux médias (Mediapart et Quotidien) étaient toujours interdits d'accès pour couvrir ce congrès.

    Cette année encore, le FN interdit à @mediapart et @Qofficiel de faire leur boulot. L’équipe de Quotidien est tout de même présente devant. #CongresFN2018 https://t.co/GoZnq66Grx

    Lors du discours, les militants frontistes ont aussi pris quelques secondes pour huer la presse présente dans la salle, après ces déclarations de Bannon :

    «Les médias de "l'establishment" sont les chiens du système. (...) Nous avons dû faire face à l'opposition des médias de l''establishment'", a-t-il souligné. D'ailleurs, où sont les médias de l'opposition (à l''establishment') dans la salle ?»

    Le moment où Steve Bannon fait siffler les médias présents dans la salle. #CongresFN2018

    Un ex-candidat FN épinglé pour ses propos racistes, présent

    Lors de cette journée de refondation, on a aussi pu apercevoir Bernard Sironneau, un ex-candidat investi par le FN dans la Dôme pour les élections législatives de juin dernier.

    Comme nous l'écrivions à l'époque, il est connu pour ses comptes Facebook et Twitter, qui regorgent de messages et commentaires racistes et islamophobes. Parmi les nombreux exemples, en voici un sur son compte Twitter où il se fendait d'un jeux de mots raciste sous-entendant que Christiane Taubira est un singe :

    La «GUD connexion», encore et toujours présente

    Enfin, Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet, deux proches de Marine Le Pen sont aussi venus assister à ce congrès. Ils sont tous deux renvoyés en correctionnelle dans l'affaire du financement des campagnes de 2012. Ils font aussi partie de ce que Mediapart appelle la «GUD connexion» et qui tirerait «aujourd’hui toutes les ficelles financières du Front national».

    Enfin dans le livre, Marine est au courant de tout (Flammarion) de Marine Turchi et Mathias Destal, des témoins dont l’eurodéputé ex-FN Aymeric Chauprade, accusaient Frédéric Chatillon d’antisémitisme, voire de vouer une admiration pour le pouvoir nazi.

    Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet, tous deux mis en examen dans le cadre de l'enquête sur le financement des campagnes électorales de Marine Le Pen, arrivent au #CongrèsFN2018 https://t.co/sCuEHtyTPD