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    L'extrême droite défend les droits des femmes pour dénoncer les étrangers

    Le parti de Marine Le Pen évoque peu ce thème... sauf pour dénoncer l'immigration.

    Plusieurs cadres du FN se sont fendus récemment de déclarations pour dénoncer la situation de femmes victimes de violences. Comme Florian Philippot, à propos des agressions sexuelles à Cologne:

    Agressions et viols de Cologne : toute la violence du multiculturalisme imposé aux peuples. Soutien aux femmes victimes de cette horreur.

    Julien Rochedy, ex-président du FNJ (la section jeunes du FN), qui a quitté le parti, compare même l'immigration à un «viol des nations» dans un parallèle douteux:

    L'immigration est un viol des nations : pénètration d'un corps étranger sans consentement. Normal que cela se concrétise comme à #Cologne

    Marine Le Pen s'est également emparée du sujet dans une tribune publiée sur le site de L'Opinion le 13 janvier. En présentant clairement l'immigration comme une menace pour les droits des femmes:

    «A toutes les raisons qui commandent la réduction drastique de l'immigration, s'ajoutent désormais des impératifs qui touchent aux fondements même de la civilisation française : la sécurité de tous, et les droits des femmes.»

    «Les personnes qui ont commis ces crimes étaient presque exclusivement d’origine immigrée», a dit le ministre de l'Intérieur de l'Etat régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie lundi.

    Mais il a également ajouté: «Stigmatiser un groupe [de population] comme des agresseurs sexuels est non seulement une erreur mais aussi dangereux. C'est ce que font les charognards de l'extrême droite, c'est leur seul argument.»

    D'ailleurs Kopetzky Irmgard, qui travaille dans une association qui aide les victimes d'agressions sexuelles et de viols, a dit à Buzzfeed n'avoir observé aucun pic d'appels depuis l'arrivée massive de migrants dans le pays.

    Dans la même ligne que le FN sur Cologne, le site fdesouche.com, très actif début janvier au sujet du viol présumé à Perpignan dont des images ont été diffusées en ligne, fait lui aussi le lien entre migrants et viols en général.

    Pourtant, les suspects dans cette affaire ne sont pas des migrants.

    En juillet 2015, le FN avait également sauté sur l'agression d'une femme en maillot de bain à Reims, lui attribuant un peu vite des motivations religieuses.

    «La charia en bas d'chez soi, c'est maintenant!», avait notamment tweeté Stéphane Ravier, sénateur FN. Des propos, parmi d'autres, qui font que le féminisme est le «cache-sexe de l'islamophobie à droite», écrivait à l'époque Slate.fr.

    Toutes ces déclarations font-elles du FN un parti «féministe»? Non, tranche Pascal Perrineau, politologue et enseignant à Sciences Po, interrogé en décembre dernier dans Cheek Magazine.

    Ce dernier juge les positions du FN sur le sujet «trop timides pour être claires». Il estime également que les membres du parti de Marine Le Pen «se mettent juste à jour pour ne pas être ringards.»

    «Le FN ne dénonce pas les violences des Français "bien de chez nous" et s'en prend uniquement aux immigrés», dit à BuzzFeed Claire Serre-Combe, porte-parole d'Osez le féminisme.

    Dans le cas des agressions à Cologne comme dans d'autres, «il y a une instrumentalisation des droits des femmes.»

    L'un des premiers exemples de cette offensive remonte à 2013 avec une vidéo des jeunes du FN. Cette dernière dénonçait les violences faites aux femmes, qu'elle imputait en grande partie à l'immigration.

    «C'est dangereux, dit Claire Serre-Combe, car cela occulte la réalité des violences. Dans la majorité des cas, la victime connaît son agresseur, on est loin des clichés sur l'homme tapi dans l'ombre et étranger.

    Il y a une indignation à géométrie variable, puisque dans de nombreux cas comme celui de Jacqueline Sauvage, le FN ne dit rien. Avec 84.000 viols ou tentatives de viol par an, il y a pourtant de quoi s'indigner tous les jours.»

    «Le pompon, c'est quand même Marine Le Pen qui cite Simone de Beauvoir dans sa tribune dans L'Opinion», ajoute la féministe.

    Car pour la porte-parole d'Osez le féminisme, la conception des droits des femmes de Marine Le Pen s'éloigne fortement de celle de Simone de Beauvoir:

    «Marine Le Pen propose un salaire parental, alors que pour nous, l'émancipation de la femme passe d'abord par le travail, pas en restant au foyer et en dépendant des subsides de l'État ou de son conjoint.

    Oui, les conditions économiques sont difficiles et les femmes sont très durement touchées, mais ce qu'il faut c'est lutter contre ces inégalités, pas recentrer les femmes sur leur foyer.»

    Le site Les Nouvelles News rappelle quant à lui qu'en novembre 2014, cette citation de Simone de Beauvoir était reprise à l'Assemblée par la secrétaire d'Etat chargée des droits des femmes lors de l'examen d'une proposition de résolution pour réaffirmer le droit à l'IVG. Droit «dont l'extrême droite figure parmi les plus farouches opposants», note le site.

    Candidate à la présidence de la région Paca, Marion Maréchal-Le Pen voulait mettre fin aux subventions du Planning familial.

    Une prise de position parmi d'autres qui illustre bien la ligne d'un parti qui a longtemps lutté contre l'IVG et dont la candidate dénonçait en 2012 les «avortements de confort».

    En 2015, encore, l'eurodéputé FN Dominique Martin prônait pour les femmes la «liberté de rester chez elles» en proposant un salaire parental d'éducation. «Ça aurait l'avantage de libérer des emplois» et «de donner une meilleure éducation à nos enfants», selon lui.

    Le FN a aussi voté contre des mesures favorables aux droits des femmes à l'Assemblée nationale ou au Parlement européen ces dernières années.

    Sur son site, le FN n'a par ailleurs pas d'onglet «Droits des femmes» comme le PS ou EELV, mais un onglet «Famille».

    Le collectif national pour les droits des femmes organise lundi 18 janvier à Paris un rassemblement intitulé «Cologne: contre les violences faites aux femmes, contre le sexisme, contre le racisme!»

    «Nous sommes et restons contre les violences faites aux femmes, quels que soient leurs auteurs, demandeurs d’asile ou pas», dit la description de l'événement.

    «Nous condamnons aussi le détournement et la récupération de ces actes révoltants par des partis de droite et d'extrême-droite.»