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    L'été de la désinformation sur l'immigration

    De nombreuses fausses affirmations sur l'immigration en France circulent. Décryptage.

    1. La fausse comparaison avec les SDF.

    Oui, 40% des personnes sans domicile fixe en France ne perçoivent aucune aide, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).

    L'affirmation selon laquelle «100% des clandestins» en perçoivent n'a en revanche aucun fondement. Notamment à cause des critères d'attributions des aides, mais aussi parce que beaucoup d'immigrés ne demandent pas les aides auxquelles ils pourraient avoir droit.

    D'une manière générale, il y a bien une «surreprésentation des immigrés dans les dispositifs d'aide sociale», selon un rapport les migrations et la protection sociale de 2010... Mais l'un des auteurs expliquait à L'Expansion en 2012 que «quelle que soit l'année retenue, l'impact financier de l'immigration est toujours relativement neutre», voire positif.

    2. Jean-Pierre Pernhoax.

    Le présentateur du JT du midi de TF1 a relayé sur Facebook un montage qui a beaucoup circulé dans les réseaux d'extrême droite.

    Sauf qu'il s'agit d'un message mensonger, pour deux raisons:

    1. La photo a été prise en Espagne, comme le relève le site Debunkers de Hoax.

    2. Il est faux de dire qu'un immigré peut toucher une retraite à taux plein «sans avoir jamais cotisé». Il s'agit en réalité de l'Aspa (Allocation de solidarité aux personnes âgées).

    Cette aide vient compléter les revenus de toutes les personnes défavorisées âgées de plus de 65 ans (françaises ou non). Son montant maximum s'élève à 800 euros par mois, mais diminue en fonction des revenus de celui qui la demande. L'affirmation selon laquelle un étranger peut toucher, grâce à cette aide, plus d'argent qu'un Français sans avoir travaillé est fausse car aucun Français de plus de 65 ans ne peut toucher moins que cette aide.

    De plus, contrairement à ce que l'extrême droite laisse entendre, cette aide n'est pas ouverte à tous. Les étrangers qui souhaitent en bénéficier doivent répondre à certains critères:

    3. Morano s'embrouille dans les chiffres.

    Interrogée sur Europe 1 ce mercredi, l'ex-ministre a déploré que si peu de demandeurs d'asile qui voient leur demande rejetée quittent la France. Le problème, c'est que son chiffre est pour le moins discuté.

    «Officiellement, il n'existe pas de statistiques», relevait Libération en novembre 2014, mais «les responsables politiques ne se gênent pas pour en donner»... Avec une fourchette large: de 5% (Eric Ciotti) à 33% (Roger Karoutchi). Tout juste le ministère de l'Intérieur affirmait-il à l'époque que la vérité devait se trouver entre les deux...

    Rebelote en avril 2015: Florian Philippot, numéro 2 du FN, affirme cette fois que ce sont seulement 1% des demandeurs d'asiles déboutés qui seraient reconduits à la frontière. C'est vraisemblablement sur cette même statistique que se base Nadine Morano. Le problème, c'est que la Cour des comptes, à l'origine de ce calcul, a mis en garde contre «une lecture partielle et partiale d'un rapport non définitif».

    Interrogé par Metronews, le ministère de l'Intérieur estime que ce seraient plutôt «10% des non-régularisés» qui seraient reconduits.

    4. Les erreurs de Contribuables Associés.

    Le think tank anti-impôts Contribuables Associés dénonce «la logique du tourisme médical» et le coût de l'aide médicale d'État (AME).

    Le problème, c'est que le think tank accumule les erreurs:

    1. L'AME ne coûte pas 1 milliard d'euros par an à l'État. En 2014, cette aide a coûté 760 millions d'euros à l'État, qui prévoit un coût de 677,5 millions d'euros à ce titre pour l'année 2015.

    2. Il est tout à fait possible pour un immigré en situation irrégulière de cotiser en occupant un emploi, comme l'explique Le Monde, sans oublier d'autres types d'impôts (impôts locaux, TVA...).

    3. Le phénomène du «tourisme médical» agité par les détracteurs de l'AME reste marginal. «Moins de 5% des migrations en Europe se font pour des motifs thérapeutiques», estimait fin 2014 Jean-François Corti de Médecins du monde pour La Croix.

    5. Au FN: vrais chiffres, mais grosses ficelles.

    Le FN a dénoncé lundi le «laxisme» de la droite et de la gauche face à l'immigration depuis «quinze ans» dans un communiqué. Les chiffres qui y sont mentionnés sont corrects: de 2004 à 2012, entre 180.000 et 240.000 immigrés sont entrés en France chaque année, selon l'Insee.

    Le parti de Marine Le Pen va en revanche un peu vite quand il s'en prend à une «immigration massive», présentée comme anormalement élevée. Car la France accueille en réalité plutôt moins d'immigrés que beaucoup de pays développés, selon les chiffres de l'OCDE.

    En 2012, les arrivées en France ont représenté l'équivalent de 0,4% de la population du pays, contre 0,5% en Allemagne et au Royaume-Uni, 0,9% en Suède ou 1,6% en Suisse -la moyenne des pays de l'OCDE est de 0,6%.

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