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    Violences du 1er mai: un cadre de la préfecture présent sur place a laissé faire Benalla

    Le 1er mai 2018, Alexandre Benalla, proche collaborateur d'Emmanuel Macron, a été filmé en train de frapper violemment un manifestant. À ses côtés, un policier qui le connaissait bien et était chargé de l'encadrer, l'a laissé agir en toute impunité.

    Alexandre Benalla est au coeur d'une tempête qui secoue l'Élysée. Ce proche d'Emmanuel Macron, qui a longtemps assuré sa sécurité sur de nombreux déplacements, a été placé en garde à vue ce vendredi 20 juillet. Il est accusé d'avoir usurpé l'identité d'un policier pour commettre des violences sur un manifestant le 1er mai dernier, place de la Contrescarpe, à Paris. Il apparaît casqué sur cette vidéo filmée par une témoin de la scène:

    1er mai, à la place de la Contrescarpe. Dommage qu'on ne parle pas aussi de cette jeune femme qui s'est fait violenter, elle aussi, par Alexandre Benalla avant que ce dernier s'en prenne à son ami. #AffaireBenalla #MyFirstTweet https://t.co/IZpon8MnkD

    Via Twitter: @scarletpolyglot

    Un policier passif face aux violences commises par Benalla

    Si les actions d'Alexandre Benalla et de son acolyte Vincent Crase intéressent la justice (ce dernier a aussi été placé en garde à vue vendredi), celles d'un troisième homme, porteur de lunettes sur la vidéo, interrogent elles aussi.

    Il s'agit d'un policier, ce que nous a confirmé la préfecture de Paris vendredi. Selon le Monde, cet homme s'appelle Philippe Mizerski, et est membre de l’état-major de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Cette information nous a également été confirmée par la préfecture de police. Philippe Mizerski était chargé d’encadrer Alexandre Benalla en tant qu’«observateur » de l’Elysée.

    S'il ne participe pas directement aux violences commises par Alexandre Benalla, Philippe Mizerski adopte pour le moins une attitude étrange. Au lieu d'empêcher Alexandre Benalla de commettre des violences contre une manifestante, il l'aide, en mettant notamment la main sur sa tête alors que cette dernière est assisse par terre.

    Un comportement que ne comprend pas une source policière qui nous assure que «ce jour-la, les CRS ne savaient pas qui était cette personne. Généralement, les civils qui ne portent pas de brassards lors des manifestations, appartiennent au renseignement territorial. Il pouvait aussi appartenir à la BAC». Et d'ajouter:

    «En voyant les images, on ne comprend pas vraiment l'attitude passive [du cadre de la préfecture] en tout cas.»

    Incompréhension aussi du côté de la Préfecture de police. Selon une source au sein de l'institution, «on ne sait pas pourquoi il ne portait pas de brassard de police». Par ailleurs, impossible de savoir si l'IGPN a ouvert une enquête pour le moment sur cet aspect du dossier Benalla: «Une enquête est en cours pour savoir ce qu'il s'est passé ce 1er mai, c'est tout ce que nous savons». Sollicité, le parquet n'a pas encore répondu. D'après nos informations, ce policier est visé par l'enquête de l'IGPN qui «devra éclaircir aussi son rôle». Le ministère de l'Intérieur n'a pas souhaité commenter ces faits. Une source du ministère a précisé que Gérard Collomb ne communiquera pas avant «lundi ou mardi» devant l'Assemblée puis le Sénat.

    Dans une nouvelle vidéo publiée vendredi 20 juillet, Mediapart montre comment Alexandre Benalla participe à l'interpellation des deux manifestants assistés des policiers présents sur place. Encore une fois, Philippe Mizerski assiste à la scène, et ne fait rien pour «encadrer» Alexandre Benalla comme il était censé le faire selon Le Monde.

    On le voit en revanche, à 4 minutes sur la vidéo, repousser des passants venus assister à la scène de violence qui se déroule juste devant leurs yeux.

    Déjà présent pendant la marche blanche pour Mireille Knoll

    Problème: Philippe Mizerski n'est pas n'importe qui. Nous l'avons retrouvé au salon de l'agriculture lors de la visite du Président. Mais aussi sur des images filmées par BuzzFeed News lors de la marche blanche en l'honneur de Mireille Knoll, et qui s'était tenue en mars dernier, à Paris. Il gravitait alors autour du cortège de membres de la France Insoumise, chahutés pendant la manifestation avant d'être finalement exfiltrés par les forces de l'ordre. On le voit plusieurs fois parler dans une radio.


    Contacté par BuzzFeed News, Alexis Corbière confirme que ce jour-là, Philippe Mizerski leur a demandé de quitter la manifestation. Le député FI raconte:

    «Des gens de la LDJ (la Ligue de Défense Juive, ndlr) tentaient de nous bousculer. C'est là que nous avons vu cet homme qui semblait ceinturer la situation. Il était étrange, n'a pas fait état de sa qualité de policier, mais a demandé à Jean-Luc Mélenchon de quitter la manifestation. Jean-Luc s'est agacé en lui disant qu'il devait nous protéger. Mais nous avons accepté. Puis il nous a raccompagné et a vérifié qu'on quittait bien les lieux.»

    Alexis Corbière s'interroge donc sur le rôle de Philippe Mizerski. «Mes questions sont simples: pourquoi il a passé la journée avec Benalla le 1er mai? Pourquoi on le retrouve sur tous les événement politiquement sensibles? Est-il-envoyé par l'Elysée sur ces terrains-là?»

    Des cadres de la préfecture de police mis en cause

    Plusieurs autres questions restent en suspens. Puisqu'il est établi que le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a été prévenu, dès le 2 mai, du comportement d'Alexandre Benalla, a-t-il été demandé à Philippe Mizerski de livrer sa version des faits? Comment le policier a-t-il expliqué à sa hiérarchie sa passivité face aux violences commises par un homme dont il savait pertinemment qu'il n'était pas membre des forces de l'ordre?

    Les cadres de la préfecture de police de Paris sont de plus en plus fragilisés. Trois cadres de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), qui gère les manifestations à Paris et dans la petite couronne, ont en effet été suspendus jeudi soir à titre conservatoire: Laurent Simonin, un contrôleur général membre de l’état-major de la DOPC; le commissaire Maxence Creusat, également membre de l’état-major; et un commandant, chargé de la liaison entre l’Elysée et la PP. Ils sont soupçonnés d’avoir fait parvenir un film de l’incident issu de la vidéosurveillance à Alexandre Benalla le jour des révélations du Monde, le 18 juillet.

    D'après un commissaire de la préfecture interrogé par le quotidien du soir, Alexandre Benalla n'en est d'ailleurs pas à sa première opération de maintien de l'ordre: «Cela fait des mois qu’il est présent sur les gros dispositifs de maintien de l’ordre. Il participe aux briefings préliminaires et aux débriefings et vient avec sa radio, donne des orientations à des commissaires en jouant de sa qualité.»