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    «Déchet pédérastique», «sodomite»: un cadre du FN dénonce l'homophobie dont il est victime

    Secrétaire général du collectif Marianne, Guillaume Laroze quitte le parti de Marine Le Pen. Il ne supporte plus l'homophobie ordinaire dont il était la victime et témoigne auprès de BuzzFeed News.

    Guillaume Laroze, secrétaire général du collectif Marianne, une organisation de jeunes frontistes, a publié sur Facebook et Twitter un message pour annoncer qu'il démissionnait de ses fonctions et qu'il quittait le FN. Il dénonce l'homophobie ambiante du parti et accuse les cadres du FN de laisser faire.

    Dans son message, Guillaume Laroze affirme quitter le FN «plein de regrets». Une position qu'il précise auprès de BuzzFeed News:

    «Je me suis toujours revendiqué de gauche, même au FN. Mais il y a eu la déception de François Hollande qui avait fait une campagne très à gauche, et qui avait très vite déçu. J'ai aussi adhéré au discours de Florian Philippot et Marine Le Pen, très anti-libéral. Ça m’avait séduit.»

    Homophobie ordinaire

    Arrivé au collectif Marianne en 2015, Guillaume Laroze prend très vite du galon. De secrétaire national, il passe secrétaire général et est chargé, entre autres, d'organiser le «maillage territorial» du mouvement, «un rôle de vice-président en quelque sorte». Mais rapidement, le ton change. Lui qui «assume», comme il le dit, son homosexualité, est très vite pointé du doigt pour ses positions pro-mariage pour tous, mais aussi pour sa sexualité.

    «J'entendais des remarques venant d'une certaine branche du FN. C’est la branche du Sud, sauce Marion Maréchal-Le Pen, qui passe son temps à ne parler que de l’opposition au mariage gay, à ne parler que de la famille traditionnelle. Ils voyaient d'un mauvais œil mes positions assez progressistes. Ces gens se sont déchaînés.»

    Comme il le raconte dans son message Facebook, les insultes pleuvent. «Déchet pédérastique», «sodomite», «parasite», autant d'injures que Guillaume Laroze assure recevoir d'anonymes sur Twitter mais aussi de «conseillers municipaux, départementaux ou régionaux»:

    «Pour eux, j'étais de ce que la ligne du Sud appelle vulgairement les "mignons" (terme utilisé pour décrire l'entourage de Florian Philippot, lui-même homosexuel, ndlr). Je recevais ces propos homophobes par messages privés. Des insultes comme “intrus du lobby LGBT”, ou alors on me faisait comprendre que j’avais pas ma place au FN. Je n’ai jamais caché ma sexualité, mais je ne l'ai jamais revendiquée non plus. Si on me posait la question, j’assumais», dit-il à BuzzFeed News.


    Un exemple de tweet adressé à Guillaume Laroze:

    @FrkGuiot @JSchenardi @CollecMarianne @Guillaume_Lrz C'est devenu un repère de gauchistes, laïcs et souvent "gais".

    Loin de susciter l'émotion auprès de sa hiérarchie, l'homophobie dont est victime Guillaume Laroze est traitée par l'indifférence. Les cadres du parti lui demandent de faire «le dos rond».

    «On doit garder l’électorat "droitard" parce qu’on en a besoin»

    Lorsque Guillaume Laroze prévient les cadres du parti que l'homophobie est monnaie courante parmi les militants et les élus locaux, on lui demande de ne pas faire de vagues.

    «J’en ai parlé autour de moi, et la réponse qu'on me donnait c’était: “Il faut faire le dos rond, il faut laisser passer, sinon on va encore avoir des réactions.” En clair, le message c'est: “On doit garder l’électorat "droitard" parce qu’on en a besoin.” Du coup, j'ai été étiqueté comme celui qui faisait scandale parce que je dénonçais l'homophobie.»

    Une rhétorique qu'il a entendue jusque dans les plus hautes sphères du parti, et dans l'entourage direct de sa présidente, Marine Le Pen. Certains cadres nationaux ont même déjà exprimé leur accord avec les positions de Guillaume Laroze, tout en lui demandant de ne pas les exprimer trop bruyamment.

    «En octobre, j’avais partagé un visuel du Refuge que je trouvais très bien, contre La Manif pour tous. Ça avait suscité bon nombre de réactions et notamment d’une partie du FN et du SIEL (micro-parti d'extrême droite autrefois allié au FN, ndlr) et la réaction que j’ai eue de l'entourage d'un cadre haut placé c’était: “On est d’accord toi et moi mais il faut pas le dire, il faut rester discret.”»

    Que pense le FN de l'homophobie qui touche certains de ses cadres? Pour Guillaume Laroze, la réponse est toujours la même:

    «Ils vous diront que ma décision est personnelle et qu'elle n'engage pas le parti.»

    Contacté par BuzzFeed News, Daniel Auguste, président du collectif Marianne, a donné, au mot près, cette réponse:

    «Je n'ai rien à dire de plus que c'est son choix personnel, que l'ensemble des insultes qu'il évoque n'engage en rien et ne sont en rien représentatives du Front national et des positions de notre candidate Marine Le Pen.»

    De son côté, le directeur du service de presse du Front national nous a indiqué que Marine Le Pen avait d'autres priorités: elle «est candidate à la présidence de la République». Il nous a renvoyés «vers le secrétariat général» dirigé par Nicolas Bay. Ce dernier n'a pas donné suite à nos messages.