Aller directement au contenu

    Pourquoi il faut lire l'étude sur le vote FN des policiers avec prudence

    Une étude parue en mars 2016 refait surface aujourd'hui. Si une «vraie tendance» se dégage, les résultats ne sont pas aussi tranchés que certains médias veulent le croire.

    Sur BFMTV jeudi matin, Christophe Barbier réagissait aux manifestations sauvages de policiers, et estimait que l'orientation politique du vote des fonctionnaires de police était l'une des raisons de la colère:

    Pour l'éditorialiste, une étude du CEVIPOF apporterait la preuve de la montée du FN parmi les effectifs des policiers et des gendarmes français. Problème: cette étude repose sur un fondement statistique fragile, et ne suffit pas à tirer de conclusions sur le vote des fonctionnaires de police et de gendarmerie.

    Un échantillon imprécis

    En décembre 2015, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) publie une étude statistique intitulée «Les fonctionnaires et le Front national» dirigée par Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS. La note méthodologique du document explique que le sondage a été réalisé «auprès de 23 061, 21 385 et 21 326 personnes interrogées selon la méthode des quotas».

    Les résultats du sondage sont éloquents. Selon le graphique présenté, 53% des policiers et militaires interrogés ont voté pour le FN au premier tour des élections régionales de 2015.

    Une donnée qui fait dire à de nombreux médias qu'«un policier sur deux vote FN» ou «serait prêt à voter» pour le FN.

    Policiers et militaires mélangés

    Dans le document fourni par le CEVIPOF, le nombre de policiers et gendarmes interrogés pour mener l'enquête portant sur les élections régionales de 2015 n'est pas précisé. Ce sont donc 53% des policiers et militaires interrogés qui déclarent avoir voté pour le FN en 2015, et non 51,5% des policiers dont le nombre n'est pas connu.

    Plus loin dans l'étude, le CEVIPOF interroge policiers et militaires sur leurs intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2017. Deux hypothèses sont proposées aux sondés: soit le candidat de la droite est Nicolas Sarkozy, soit il s'agit d'Alain Juppé. Et là encore, les résultats sont significatifs:

    Selon le candidat de la droite, les résultats changent. Ainsi, si Nicolas Sarkozy est désigné par la primaire de la droite et du centre, 55% des policiers et militaires se tourneront vers le FN. Ils ne seront que 52,5% si c'est Alain Juppé qui se présente au premier tour en 2017.

    Encore une fois, difficile pour autant de tirer des conclusions de ce tableau. En effet, comme l'indique la dernière ligne de l'étude, l'échantillon de policiers et militaires interrogé n'est pas le même. Dans le premier cas, 383 personnes ont été interrogées, alors que dans la seconde hypothèse, ils sont 586. Encore une fois, policiers et militaires ne sont pas différenciés.

    Pour Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF, l'étude est tout de même significative:

    «Compte tenu des résultats obtenus pour Marine Le Pen, on a quand même une vraie tendance» résume le chercheur. «Il est très difficile de dire quelle est la marge d'erreur sur un échantillon de cette taille, mais il est vrai que si vous voulez être représentatif, il faut faire un sondage juste sur les policiers».

    Ce ne sont donc pas 57% des policiers qui disent vouloir voter pour le FN en 2017, comme annoncé par Christophe Barbier, mais entre 52,5 et 55% des policiers et militaires interrogés, soit moins de 300 fonctionnaires. Sur 144.000 policiers et 98.000 gendarmes que comptent les effectifs nationaux.