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    Multiples plagiats dans un livre de Benoît Hamon

    INFO BUZZFEED NEWS - Dans Tourner la page, Benoît Hamon expose sa vision de l'économie. Dans ce livre, l'actuel candidat à la primaire copie-colle plusieurs auteurs, sans les citer.

    Le livre est sorti en 2011. À l'époque, Benoît Hamon est porte-parole du PS. Il soutient Martine Aubry et publie Tourner la page. Reprenons la marche du progrès social chez Flammarion.

    À la lecture de l'ouvrage de 300 pages, il apparaît que de nombreux passages ont été copiés-collés à partir d'autres écrits. Parmi les auteurs plagiés, un ancien député européen socialiste, un économiste, une confédération syndicale ou... le ministère de l'Économie. En tout, environ 10.000 signes ont été copiés-collés. Nous les avons compilés.

    Dans ce passage du livre, Benoît Hamon évoque l'économie chinoise. Il s'attarde d'abord sur la politique d'investissements à l'étranger de la Chine. Des phrases entières (nous les avons soulignées en jaune) sont directement issues d'une note publiée par le ministère de l'Économie en juin 2009 sous le titre «La Chine: "laboratoire du monde"?» Si la note est belle et bien évoquée dans l'ouvrage du candidat, à aucun moment il n'est indiqué que les lignes qui suivent en sont extraites:

    Plus loin, le candidat à la primaire évoque le nombre d'étudiants chinois:

    Enfin, Benoît Hamon se penche sur l'innovation technologique, fer de lance de l'économie chinoise:

    Nous avons tenté de joindre l'un des trois auteurs de cette note de Bercy. Nous n'avons pas réussi à obtenir de réponse pour le moment.

    Ancien député européen du Parti socialiste, Henri Weber écrit en 2010 un article intitulé «Pour le juste échange» à l'occasion de la Convention internationale du Parti socialiste. Un article copieusement repris par Benoît Hamon dans son livre, notamment dans le chapitre qui concerne l'écologie et les taxes à imposer aux produits ne respectant pas les normes de l'OIT:

    Joint par téléphone, Henri Weber évoque bien un «pillage» mais ne voit «rien d'étonnant» dans cette pratique et affirme que Benoît Hamon n'est «pas le seul»:

    «Je suis pillé massivement. Vous savez, ces petits gars là, ils font écrire leurs bouquins par des collaborateurs souvent jeunes. Ça ne m'étonne pas beaucoup. Je vois très bien ce qui s'est passé: il a reçu des fiches de ses collaborateurs et ça n'a pas été vérifié. Je n'ai à aucun moment collaboré à ce livre, c'est donc que j'ai été pillé.»

    La publication «empruntée» à Rémi Bourgeot n'est plus disponible en ligne. On la retrouve toutefois grâce au site web-archive.org qui permet de mettre à jour d'anciennes versions de pages aujourd'hui supprimées. L'article, intitulé «Aux sources du déséquilibre chinois», a été publié le 7 avril 2011 sur le site de La Revue socialiste. C'est un passage sur le PIB chinois et l'exode rural qu'a subi le pays qui a été recopié dans l'ouvrage du candidat à la primaire:


    Contacté par BuzzFeed News, Rémi Bourgeot, chercheur à l'IRIS, affirme qu'il n'était «pas au courant», sans toutefois s'alarmer de cette reprise:

    «C'était un travail indépendant, mais à l'époque, vers 2009, on avait échangé sur des sujets économiques. Je ne me sens pas outré. Dans mon cas, c'est plus une question de méthodologie que de plagiat.»

    Afin de critiquer la publication Doing Business de la Banque mondiale, Benoît Hamon recopie presque intégralement un article de la Confédération syndicale internationale publié le 9 septembre 2009 sur son site internet. L'extrait, d'une quinzaine de lignes, est identique au mot près dans les deux publications:

    Nous avons tenté, sans succès, de contacter la Confédération syndicale internationale, dont les bureaux sont situés en Belgique.

    «Un ouvrage collectif» plaide l'équipe de Benoît Hamon

    Contactée par BuzzFeed News, l'équipe de Benoît Hamon assure qu'il n'y a eu «aucune volonté de s'approprier» le travail d'autrui. Roberto Romero, directeur de campagne adjoint du candidat, explique:

    «Sur l'exemple d'Henri Weber, il cite lui-même l'OIT sans le préciser. Donc le livre de Benoît Hamon reprend en fait l'OIT (après vérification, il apparaît que le texte d'Henri Weber est un écrit original, en aucun cas copié-collé sur une note de l'OIT, ndlr). Quant à la note du ministère de l'Économie, elle est citée. C'est sans un doute un oubli dans les renvois de bas de page. (...) Sur ce livre, Benoît a écrit la structure et ensuite chacun a participé. Après, il a repris tout ou partie des idées. C'est un vrai ouvrage collectif, et un vrai travail collectif, on n'a pas les moyens de payer des gens pour écrire.»

    Ni sur la couverture du livre ni à l'intérieur il n'est précisé que l'ouvrage de Benoît Hamon est «collectif». Une simple note de remerciements à la fin du livre peut laisser penser que plusieurs auteurs y ont contribué. Toutefois, aucun des auteurs plagiés cités plus haut n'y est mentionné:

    Benoît Hamon n'est pas le premier à se faire pincer en flagrant délit de plagiat. En 2011, Rama Yade avait été accusée d'avoir plagié plusieurs parties de son livre Plaidoyer pour une instruction publique. Elle avait alors répondu qu'il s'agissait de «citations libres». La même année, le député LR Frédéric Lefebvre avait lui aussi été pointé du doigt pour avoir notamment copié... Wikipédia. De nombreux passages de son livre, Le mieux est l'ami du bien, provenait directement de l'encyclopédie en ligne. Plusieurs médias dont l'AFP ou La Dépêche du Midi avaient eux aussi été plagiés par l'élu.

    En Europe, les affaires de plagiat politiques sont prises très au sérieux. Karl-Theodor zu Guttenberg, ancien ministre allemand de la Défense, Pal Schmitt, ex-président hongrois, et Ioan Mang, autrefois ministre de l'Éducation en Roumanie, avaient tous dû démissionner suite à des scandales similaires, comme le rappelait Slate en 2012.