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    Voiture de police incendiée: une femme trans détenue dans une prison pour hommes?

    Six personnes ont été arrêtées dans l'enquête sur l'affaire de la voiture de police incendiée à Paris. Parmi elles, Kara, une femme trans de 27 ans.

    Alors qu'une sixième personne a été arrêtée mercredi à Paris, dans l’enquête sur l’attaque d’une voiture de police incendiée le 18 mai dernier, les conditions d'incarcération d'une autre mise en cause font polémique.

    Trois semaines après les violents incidents qui se sont produits en marge d'une manifestation organisée par le syndicat de police Alliance, le parquet de Paris avait annoncé la mise en examen de «cinq hommes», dont trois toujours incarcérés.

    «Sa détention doit être adaptée à son cas»

    Sauf que le DefCol, (le groupe de défense collective de militants contre la loi Travail) précise dans un communiqué que la cinquième personne présentée par la justice et par la presse comme étant «un Américain», est en réalité une femme trans de 27 ans. Le DefCol précise:

    «Après la manifestation du jeudi 26 mai, une jeune femme trans, Kara, a été interpellée à quelques rues de la place de la Nation. Placée en garde à vue, elle a ensuite été conduite au palais de justice et mise en examen dans l’affaire de la voiture de police brûlée lors de la manifestation du 18 mai.»

    D'après ce groupe de défense qui n'a pas donné suite à nos sollicitations, le juge des libertés et de la détention aurait décidé de placer cette femme, accusée d'avoir jeté un poteau sur le pare-brise de la voiture, en détention provisoire dans une prison pour hommes.

    «Kara est de nationalité américaine. Elle a été présentée comme "un américain" par la presse et le parquet mais elle est trans et sa détention doit être adaptée à son cas. Elle doit aussi pouvoir avoir accès à son traitement hormonal», demande le DefCol.

    Jusqu'à présent, l'ensemble de la presse a évoqué la mise en examen d'un homme, ne semblant pas savoir qu'il s'agissait d'une femme trans.



    Le parquet retient David B. plutôt que Kara

    Contacté par BuzzFeed News, le parquet de Paris confirme que cette cinquième personne arrêtée a précisé être trans: «Cette personne mise en cause a d'abord signé avec Kara avant de préciser s'appeler David B.»

    Le parquet a également précisé «ne pas être en mesure de confirmer» que Kara était incarcérée dans une prison pour hommes ni qu'elle avait ou non accès à son traitement hormonal.

    Interpellée à cause de sa «silhouette particulière»

    Le Defcol s'interroge aussi sur les éléments ayant permis d'interpeller cette américaine. «Kara a été repérée sur des "caméras de vidéosurveillance" grâce à sa "silhouette fine, bien particulière". Comment peut-on prétendre identifier une personne masquée sur la base d’une simple "silhouette"?» interroge le groupe de défense.

    Ce ne sont pas les seules interrogations autour des méthodes d'identification. Les premiers suspects ont été identifiés grâce à un témoignage anonyme, qui s’est avéré être celui d’un policier infiltré sur place, son nom apparaissant sur un procès-verbal par erreur. Les avocats des mis en examen dénonçaient alors une enquête déloyale et sans preuves.

    «Nous n'avons rien à dire sur cet élément de l'enquête et ce témoignage est toujours anonyme. Les avocats n'avaient pas à faire fuiter cette erreur dans un PV», se défend le parquet, qui assure qu'il «y a un gros travail d'enquête effectué», permettant l'identification des différent-e-s suspect-e-s.

    Les femmes trans régulièrement abusées en prison

    S'agissant de Kara, le parquet de Paris admet toutefois qu'il «y a une vraie problématique à propos de l'incarcération des personnes transgenres».

    En France, c’est en effet l’état civil qui détermine la prison (hommes ou femmes) dans laquelle sera détenue une personne trans. Dans un article sur la question, Rue89 rappelle également la complexité pour les femmes trans d'avoir accès à un traitement hormonal ou d'être incarcérée dans une prison pour femmes:

    «S’il est inscrit sur ses papiers qu’elle est un homme, elle sera incarcérée parmi les hommes –peu importe [si elle] a une poitrine de femme, des attitudes de femmes, et se sent femme. ([Elle] peut même avoir un sexe de femme, les procédures de changement de l’état civil sont longues.)»

    Les associations ne cessent d'alerter sur la «violence morale» infligée aux personnes trans souvent victimes d’abus sexuels, d’humiliations ou de brimades de la part de leurs codétenus, mais aussi du personnel pénitentiaire.