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    Nicolas Dupont-Aignan à BuzzFeed: «Demain, ce sera Le Pen, Mélenchon, ou moi»

    Il veut «changer les règles du jeu», dénonce «une immense manipulation» des «médias-sondages» et estime que la France assiste à un «remplacement rampant» de sa population. Tout en jurant ne rien avoir avec le FN. Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle, répond aux questions de BuzzFeed News.

    À 12 jours du premier tour de l'élection présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan nous a reçus dans son QG de la rue de l'Université, à deux pas de l'Assemblée Nationale. Entre deux portraits du Général de Gaulle, son modèle, trois drapeaux français et un buste de Marianne, le candidat de Debout La France a répondu aux questions de BuzzFeed News.

    Au JDD, vous avez déclaré que vos références étaient Barbara, Columbo ou encore Bertrand Tavernier. C’est un peu ancien, il n’y a rien aujourd’hui qui vous attire? Quel est le dernier film que vous avez vu au cinéma?

    Si évidemment, il y en a plein d’autres. J’en ai cité d’autres mais ils n’ont retenu que ceux-là. Non il y a plein d’autres choses. Heureusement. J’ai été voir le film américain, La La Land. J’ai vu... un film plus ancien, Delgado, Le Sel de la Terre, qui est un très beau film de ce photographe, je sais pas si vous connaissez. Je suis très cinéma.

    Dans une interview récente à Geek Le Mag, vous avez déclaré que vous aimeriez emmener Emmanuel Macron dans la Moria (une mine infestée de créatures du mal dans Le Seigneur des Anneaux), et l’y laisser. C’est un peu violent non?

    C’était pour rigoler. Non c’est un peu violent, mais ce que j’aime pas dans la vie politique c’est l’hypocrisie. Ce que je n’aime pas c’est qu’on se fasse passer pour moderne, mais que la modernité ça soit l’esclavage humain. C’est cette espèce de fausse modernité qui consiste à faire croire aux gens qu’être exploité, ne pas avoir de couverture sociale, c’est être super libre. Quand soi-même on a des stock-options de Rothschild. C’est usant. Et on l’entend tellement dans notre société française, des gens qui expliquent aux Français qu’il faut se saigner et qu’ils sont ringards s’ils acceptent pas de baisser leur salaire. Ça me choque.

    «Ce ne sont pas des communicants qui vont vous expliquer comment on va vous baiser avec la loi travail bis.»

    C’est votre deuxième candidature à la présidentielle, qu’y a-t-il dans cette campagne qu’il n’y avait pas en 2012?

    Ça n’a rien à voir, parce qu’en 2012 personne ne me connaissait. On me prenait pour un original parce que je défendais mes convictions. Aujourd’hui notre parti est installé, on a fait autant de voix que Mélenchon aux régionales. Personne ne le sait, en Île-de-France j’avais fait 6,5 ou 7% (6,57%, ndlr). Ça veut dire qu’on est dans les six premiers partis, même devant les Verts. J’ai un million de Français qui votent pour moi régulièrement. Je pense qu’il se passe quelque chose, parce que je veux changer les règles du jeu et rompre avec ce système qui nous tue à petit feu.

    Cette année, les affaires marquent comme jamais la campagne présidentielle. Vous vous présentez comme le plan B de la droite alors que François Fillon est empêtré dans les révélations sur de possibles emplois fictifs, et pourtant on a l’impression que ça a du mal à prendre. Comment vous l’expliquez?

    Moi j’attends de voir parce que les sondages ne veulent rien dire. Ce qui est sûr, c’est que le potentiel électoral joue pour nous. Le potentiel électoral, c’est le sondage derrière le sondage et qui dit: «Est-ce que vous accepteriez de voter pour monsieur X ou Y?» Je suis à 18%, c’est colossal avec 20 fois moins d’exposition médiatique et 20 fois moins d’argent. M. Fillon est 24, M. Hamon est à 29. Ça veut dire que ce sont des gens qui sont prêts à voter pour nous. Ce que je dis, c’est que le vote Fillon, il est perdu. Et j’invite les électeurs de droite à me rejoindre d’urgence pour gagner. Parce que qui peut gagner face à Macron? Il n’y a que moi.

    Vous pensez que les médias ont une responsabilité?

    Énorme. Je pense qu’il y a un couple médias-sondages… Il n’y a qu’à voir à qui appartiennent les médias, à qui appartiennent les sondeurs, quels sont ceux qui veulent gagner. On nous manipule. C’est une immense manipulation. Il y a une caste politique qui se croit propriétaire de sa charge, comme sous l’Ancien Régime. Lors du débat à 11, on le sentait physiquement. La preuve, ils ont refusé l’autre débat.

    Vous auriez souhaité un deuxième débat?

    Bien sûr, et puis trois! Il y en a eu trois pour les socialistes, trois pour Les Républicains. Et là on n’a pas le droit de débattre. Parce que ces seigneurs estiment que ce n’est pas bien de débattre avec des gens qui osent leur poser des questions. Mme Le Pen n’a pas supporté que M. Poutou l’interpelle. M. Fillon et M. Macron n’ont pas supporté que je les interpelle. Ah oui c’est pas des plans de com’. Ce ne sont pas des communicants, qui soufflent les réponses sur des portables, qui vont vous expliquer comment on va vous baiser avec la loi travail bis. C’est ça la réalité. Désolé d’être vulgaire, mais c’est ça quand même. Donc faut réagir, mais sans partir dans les extrêmes.

    «Il n'y a pas une police aussi douce que la police française.»

    Dans une vidéo publiée sur YouTube, vous avez déclaré qu’il y avait «sans doute eu un problème avec le jeune Théo» mais qu’il fallait «arrêter de prendre un prétexte pour cracher sur les forces de l’ordre». Est-ce qu’un viol présumé c’est juste «un problème» pour vous?

    Non c'est très grave. Et on doit être impitoyable s'il y a eu le moindre dérapage. En revanche, je n'accepte pas que lorsque c'est Théo, toute la République soit là, mais quand des policiers sont brûlés vifs dans leur voiture, le président de la République ne se déplace même pas. Lorsque des forces de l'ordre sont agressées en permanence, on ne dit rien parce que ce n'est pas politiquement correcte.

    Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, n'a cessé de s'exprimer pour défendre les forces de l'ordre...

    Oui, mais le président de la République ne s'est pas déplacé. Cela signifie qu'il y a deux poids, deux mesures. J'en ai assez. Je pense que toute bavure policière doit être clairement sanctionnée er je serai impitoyable là-dessus. Mais je pense aussi que toutes les bavures criminelles en permanence contre nos policiers ne sont jamais mentionnées. Et ce que vivent nos policiers, nos gendarmes et nos pompiers, est insupportable. Il n'y a pas une démocratie au monde qui accepte ça. Je dis basta! S'il y a un terme auquel je tiens, c'est la réconciliation, qui ne peut se faire que si l'ordre républicain est là.

    Certains dénoncent le terme de bavure et pensent qu'il y aurait des violences policières systémiques, qu'en pensez-vous?

    Je pense que nous sommes le pays au monde où la police est la plus surveillée, il n'y a qu'à voir ce qu'il se passe aux États-Unis. Il n'y a pas une police aussi douce que la police française. Il faut être républicain et arrêter ce que j'appelle le racisme anti-police.

    Vous pensez qu'il y a un racisme anti-police?

    Oh oui, très fort. Et que la loi n'est plus respectée dans nos villes. Les voyous tiennent le haut du pavé et discréditent 99% de la jeunesse de France qui respecte la loi. Vous savez si j'ai la plus grande popularité chez les jeunes, c'est bien parce qu'ils savent qu'il y a besoin d'ordre dans un pays et que ce sont les plus faibles, notamment les jeunes filles qui subissent la loi du plus fort.

    Justement puisqu'on parle des jeunes et de la banlieue, il y a un média qui représente cela, c'est le Bondy Blog. Vous étiez invité chez eux la semaine dernière et la directrice de publication, Nassira El Moaddem, a regretté que vous annuliez sans vous justifier.

    Le Bondy Blog ne représente rien du tout. Et c'est complètement faux. C'est que je ne pouvais pas. Je veux y aller, mais nous n'avons pas encore trouvé de date. La directrice de publication a fait une polémique gratuite. Le Bondy Blog n'est pas au-dessus de tout le monde.

    «Il y a l'une des trois forces alternatives qui va gouverner en France demain: C'est ou Mme Le Pen, ou M. Mélenchon, ou moi.»

    On vous a souvent posé la question, mais vous avez surtout répondu sur la forme: qu'est ce qui vous distingue véritablement de Marine Le Pen ?

    Il suffit de lire mon programme. Au-delà du fond, il y a d'abord la personnalité. Moi je suis élu à 80% dans une ville de banlieue à trois reprises. Est-ce que vous croyez que je serais élu dans une ville qui votait socialiste à 65% si j'étais proche de Marine Le Pen? J'ai aussi une équipe irréprochable avec qui il n'y a jamais eu le moindre problème.

    Il y a eu des problèmes, comme certains membres de votre parti proches du mouvement d'Alain Soral.... (Dans son ouvrage Vol au-dessus d'un nid de fachos, le journaliste Frédéric Haziza avait révélé que Marion Sigaut, alors membre de l'équipe dirigeante du parti de Dupont-Aignan écrivait sur le site d'Alain Soral, Egalité et Réconciliation, depuis octobre 2011 et avait donné des conférences avec lui en février et mai 2013, ndlr).

    Jamais. C'est complètement faux et délirant. Nous sommes des gaullistes républicains et là-dessus je n'ai jamais cédé parce que je crois à l'unité républicaine. Chez nous, il n'y a pas d'arrière boutique. Et puis le projet est différent, comme il est différent de celui de Mélenchon. Vous savez, il y a l'une des trois forces alternatives qui va gouverner en France demain: C'est ou Mme Le Pen, ou M. Mélenchon, ou moi. Eh bien lisez les trois programmes et vous verrez les différences. Je suis pour une baisse d'impôt massive, une politique de justice sociale et une politique équilibrée sur les thèmes sociétaux... Quand je parle du «produire français», je suis plus proche de Montebourg que de Le Pen. Tout le monde dit Le Pen parce que le petit système qui nous gouverne veut rester au pouvoir pour ses petits privilèges, pour nous faire l'Europe fusionnée et a besoin de Le Pen pour survivre. Si elle n'est plus là, il reste des gens équilibrés comme moi, qui tiens la route, qui ne suis pas xénophobe du tout, qui suis rassembleur. Le système a besoin de caricaturer. J'en ai rien à faire, car je sais que la vérité triomphe.

    Loin des caricatures, on va prendre des faits. En 2015 lors des élections départementales, vous avez passé plusieurs accords avec le parti d'extrême droite de Jacques Bompard, la Ligue du Sud, pour présenter des candidats. Interrogé sur cette alliance, vous avez affirmé que Bompard n’était pas d’extrême droite?

    Soyons précis. Il n'y a pas eu d'alliance avec Jacques Bompard et il y a eu deux candidats.

    Il y a eu au moins quatre candidats qui se sont présentés sur des listes communes où il était indiqué sur les affiches qu'ils étaient soutenus par vous et M. Bompard (nous lui tendons les affiches en question)...

    Oui, et alors?

    Jacques Bompard est un des cofondateurs du Front national. Et lorsque l'on regarde un petit peu le bilan de la Ligue du Sud, on s'aperçoit qu'il refuse de célébrer des mariage de personnes de même sexe, qu'il compare le mariage pour tous à la polygamie ou à l'inceste, qu'ils sont opposés au droit à l'IVG... N'y a t-il pas un problème de clarté?

    Vous procédez par amalgame. Vous êtes en plein délire. C'était au niveau local avec trois ou quatre personnalités qui ont été sur des listes cantonales soutenues par les deux. Si vous reprenez toute ma vie politique, il n'y a pas l'ombre d'une proximité avec l'extrême droite. Et en plus, nous avons désavoué ces personnalités à la fin. Et je n'assume pas ce choix-là, car ce n'est pas le mien, c'est tout.

    Question d'un internaute: Pourquoi n'assumez-vous pas d'utiliser le terme de «grand remplacement» en parlant d'immigration, alors que vous utilisez exactement les mêmes arguments?

    Pas du tout. Oui j'en ai parlé, j'ai même parlé de «remplacement rampant». Je dis la vérité, ce que pensent tous les Français et notamment les étrangers et les enfants d'étrangers dans ma circonscription. Ils me disent qu'il faut arrêter avec l'immigration massive. C'est très simple, si on veut garder le modèle assimilateur français, il faut arrêter avec l'immigration excessive.

    Il y a une différence entre ce discours que vous tenez, et l'utilisation du terme de grand remplacement qui est utilisé par une partie de l'extrême droite et qui repose sur la théorie complotiste de Renaud Camus?

    On est dans le délire. Je n'ai jamais parlé de grand remplacement. Vous procédez par amalgame.

    Vous avez dit dans Valeurs actuelles : «Va-t-on vers le grand remplacement? Oui.»...

    Ce n'est pas la même chose. J'ai dit qu'il y avait un changement de population parce qu'on a réduit les subventions aux familles et que parallèlement on acceptait une immigration clandestine et que l'on aboutissait à un chaos qu'il fallait arrêter. Je remarque d'ailleurs que ce sont ceux qui font venir cette main d'œuvre bon marché qui sont ravis de l'exploiter alors que notre boulot serait de leur donner un destin dans notre pays d'origine. Et je suis un des seuls à parler du développement de l'Afrique. Ce n'est pas encore le grand remplacement, mais cela donne du crédit à ces thèses et il faut arrêter, c'est tout. J'ai dit ce que pensent tous les Français. Il n'y a pas un grand complot, mais un laxisme gouvernemental avec pour conséquences six millions de chômeurs. Je veux offrir du boulot à la jeunesse de mon pays, c'est tout.

    Une question sur Philippe de Villiers. Passé par l’UDF, il a suivi Raymond Barre et aujourd’hui il est à l’extrême droite…

    Non il n’est pas à l’extrême droite.

    Quel regard vous portez sur son parcours?

    Vous voyez l’extrême droite partout!

    C’est quelqu’un qui valide la théorie du grand remplacement…

    Eh bien il y a plein de gens qui valident la théorie et qui ne sont pas d’extrême droite. Je vais vous raconter une anecdote. Il y a une femme mahoraise, française de Mayotte, musulmane qui soutenait Ségolène Royal. Elle est présidente de mon comité de soutien à Mayotte. Vous savez pourquoi elle m’a rejoint? Parce qu’elle en a marre qu’il y ait trop d’immigrés à Mayotte et que l’État soit laxiste et que les Mahorais soient privés de droits pour des gens qui viennent piller et voler dans le pays. Il faudrait que les bobos commencent à comprendre que le peuple de France veut de l’ordre.

    Donc vous pourriez travailler avec Philippe de Villiers?

    Je travaillerai avec tous les Français qui voudront travailler avec moi et qui respectent ma ligne patriote, sociale et républicaine.

    Question d'un internaute: si vous êtes élu demain président, qui sera votre Premier ministre?

    Il y aura dans mon gouvernement des personnes qui ont prouvé par leur courage leur sens de l'intérêt général. Je pense à Natacha Polony qui serait une très bonne ministre de l'Éducation nationale, à un patron de PME qui serait un très bon ministre à Bercy, j'ai même parlé de Malek Boutih qui serait un bon ministre de la Ville car il a été courageux face aux salafistes. Et à Matignon, une personnalité que j'ai en tête.

    Sur France Inter, vous avez comparé la France à une femme battue. Vous accusez aussi régulièrement François Fillon et les socialistes de «violer la France». Toutes ces comparaisons provoquent des polémiques. Qu’est-ce que vous répondez?

    Je réponds que je suis le maire qui a été le premier en France à ouvrir et à mettre à disposition des logements pour les femmes victimes de violence et leurs enfants. J'ai une action exemplaire, et d'ailleurs discrète que je n'ai jamais mise en valeur, avec l'association Léa. Donc je sais le drame que ça représente. Je me bats à leurs côtés depuis des années. Ce que j’ai voulu dire, c’est que ce qui se passe par exemple en Grèce, et bien c’est une sorte de… J’ai pris cette expression, qui peut-être est excessive. En tout cas qui est parlante. Ce qui est fait aux chômeurs en France… J'ai eu quatre suicides dans ma ville de chômeurs de longue durée. Donc j'estime que oui, la France est violentée.

    Vous faites beaucoup de métaphores, est-ce qu’un candidat est obligé d’aller aussi loin pour exprimer ses idées?

    Oui parce que le pays n'en peut plus de l'eau tiède, de ces hommes politiques qui ne disent rien et qui dissimulent tout. Il faut que les Français réagissent. Parce que sinon, si M. Macron est élu, ce sera pire: détricotage de tous les droits d’indemnités chômage. Avec M. Fillon, fin de la durée légale du travail. Vous savez à combien on va revenir? 48 heures, comme en 1910. Un siècle de régression.

    Vous pensez que les Français ne peuvent pas le comprendre comme vous venez de le dire?

    Non, je pense qu’à un moment il faut réveiller les Français, parce qu’on est en train de les piéger. Et il y a une oligarchie qui gouverne le pays, qui s’appuie sur les chaînes de télévision, sur les médias qui manipulent l’opinion. Ce sont des intérêts, on les connaît. Les Français sont endormis par cette petite sirène du parti de l’étranger comme le disait Jacques Chirac dans son appel de Cochin. Au sens révolutionnaire, pas au sens xénophobe du terme. Les peuples qui n’en peuvent plus. Il y a eu Podemos en Espagne, Beppe Grillo en Italie, Mélenchon, Le Pen et moi en France. J'ai employé cette expression violente à dessein, mais au moins ça a fait réagir parce que cette violence sociale qu'on nous prépare est immonde. Je veux que les Français réagissent, ça n'est en aucun cas un mépris pour les femmes victimes de violence.