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    La patronne de Free épinglée par «Cash investigation» décorée de l’ordre national du Mérite

    Distinguée en présence de François Hollande, Angélique Gérard souhaitait «liquid[er] les 50 détracteurs», à propos de salariés grévistes d'un centre d'appel.

    Elle était au centre de l'émission «Cash investigation» diffusé le 26 septembre sur France 2, dont le sujet était «Travail, ton univers impitoyable». Mise en cause pour ses méthodes de management extrêmement brutales, la directrice de la relation abonnés de Free, Angélique Gérard, a été décorée huit jours plus tard de l’ordre national du Mérite, au rang de chevalière. Cette décoration a été remise mardi soir à Paris au restaurant la Maison Blanche par Pascal Lorot, président fondateur de l’institut Choiseul (un think-tank consacré à l'analyse des relations internationales).

    Elle avait été décidée par décret, bien avant la diffusion de «Cash investigation», en novembre 2016, par le président de la République de l'époque, François Hollande. Il était d'ailleurs présent à la cérémonie, comme le montre cette photo diffusée sur Facebook et comme nous l'a confirmé le restaurant.

    Cette décoration vise à récompenser les «mérites distingués». Des «actes de dévouement, de bravoure, de générosité, de réels mérites ou un engagement mesurable au service des autres ou de la France». Des qualificatifs en parfait décalage avec ce que montre le documentaire d'Elise Lucet.

    Les méthodes d'Angélique Gérard étaient en effet au centre du reportage, qui mettait en lumière, de manière accablante, le «système Free» : salaires trop faibles, sanctions illégitimes contre des salariés, «liquidation» des grévistes, avertissement contre une employée ayant fait une tentative de suicide…

    «Nous liquiderons les 50 détracteurs»

    Le 7 octobre 2014 par exemple, des salariés de Colombes (Hauts-de-Seine) cessent de travailler pendant trois heures pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail. Une semaine après, les représentants syndicaux reçoivent ce mail d'Angélique Gérard :

    «Jusqu'à apaisement de la situation sociale, il n'y aura plus le moindre recrutement sur le site de Mobipel [le centre d'appel de Free]...».

    Alors que c'est illégal, Free et Angélique Gérard sanctionneraient des salariés grévistes, selon «Cash investigation». Sur plusieurs années, 248 personnes seront licenciées après ce débrayage, dont 60 % pour faute grave.

    Le documentaire s'intéresse aussi à une grève qui a eu lieu dans un centre d'appel marocain. En 2012, les salariés de Total-Call, le centre d'appel de Casablanca, cessent de travailler. Encore une fois, ils dénoncent leurs conditions de travail. Et encore une fois, Angélique Gerard est chargée de régler le conflit.

    Dans le reportage, un ancien employé accuse la directrice d'avoir fait «du chantage à l'emploi». «Si cela continue comme ça, cela risque d'impacter notre politique d'investissement», aurait-elle d'abord menacé. La situation restant bloquée au sein de l'entreprise, Angélique Gerard se fait plus radicale.

    «En réalité nous n'avons encore que 50 grévistes (...) nous liquiderons les 50 détracteurs», répond-elle dans un mail que France 2 s'est procuré, au directeur général de Free qui lui demandait ses recommandations pour sortir du conflit.

    D'après France 2, la majorité des salariés seront licenciés, malgré l'interdiction par la Constitution marocaine de sanctionner des mouvements syndicaux. Contactée par BuzzFeed News, Angélique Gérard n'a pas donné suite. Egalement contactée, la grande chancellerie de la Légion d'honneur n'a pas donné suite.