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    D'après une note confidentielle, le Royaume-Uni va fortement pâtir du Brexit

    Info BuzzFeed News : L'économie de toutes les régions du pays et de quasiment tous les secteurs va se détériorer, quelle que soit l'issue des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

    Le rapport confidentiel du gouvernement britannique sur les conséquences du Brexit que nous avons pu consulter montre que l'économie britannique va se détériorer quelle que soit l'issue des négociations que Londres et Bruxelles s'apprêtent à engager pour arrêter la nature de leurs relations à venir après la sortie définitive du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE).

    Ce rapport, intitulé «EU Exit Analysis – Cross Whitehall Briefing» est daté de janvier 2018. Il examine les conséquences des trois scénarios de sortie de l’UE les plus probables, selon les accords aujourd’hui en vigueur.

    Dans le cas d’un accord de libre-échange global, la Grande-Bretagne perdrait 5 points de croissance au cours des quinze prochaines années par rapport à ce qui aurait été observé si le Brexit n'avait pas été décidé.

    Si Bruxelles et Londres n’arrivent à aucun accord et que le Royaume-Uni revient aux réglementations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la croissance britannique perdrait 8 points de croissance sur la même période.

    Selon le scénario le plus optimiste, c’est-à-dire si la Grande-Bretagne reste dans le marché unique européen, le produit intérieur brut britannique perdrait tout de même 2 points de croissance au cours des quinze prochaines années.

    Ces calculs qui ne prennent pas en compte les répercussions à court terme du Brexit sur l’économie britannique, par exemple ceux liés à l’ajustement aux nouvelles normes douanières.

    À la question de BuzzFeed News «Pourquoi la Première ministre ne rend-elle pas cette analyse publique ?», une source au sein du département pour la sortie de l'Union européenne (DExEU) a répondu : «Parce que c’est gênant.»

    Manque à gagner pour l'économie britannique

    Même si ce rapport part du principe que le Royaume-Uni va signer un accord commercial avec les Etats-Unis, même s'il prend en compte les dizaines d'accord commerciaux qui sont aujourd'hui en vigueur avec l'UE et même s'il anticipe un relâchement réglementaire à venir avec le Brexit, ses conclusions vont toutes dans le même sens : un manque à gagner pour l'économie britannique.

    Selon des responsables du gouvernement, la méthodologie employée dans ce nouveau rapport est meilleure que celles utilisées dans des analyses similaires effectuées avant le référendum.

    Ce rapport ne se fonde que sur des accords actuellement en vigueur avec l’UE, ce qui signifie que des accords ad hoc attendent encore d’être modélisés. Theresa May n’a eu de cesse de répéter qu’elle cherchait un «partenariat approfondi et spécial avec l’UE».

    Toutes les industries touchées

    Le rapport estime aussi que :

    • Quel que soit le scénario, quasiment tous les secteurs économiques seront affectés. L’industrie chimique, manufacturière, l’habillement, l’alimentation et l’automobile seraient les secteurs les plus durement touchés. Selon le rapport, seule l'agriculture pourrait ne pas avoir à souffrir du Brexit, et ce uniquement dans le scénario de retour aux règles de l’OMC.

    • Dans tous les scénarios modélisés, toutes les régions britanniques subiraient les effets du Brexit. Les effets les plus graves en matière de performances économiques se feraient ressentir dans l’Angleterre du Nord-Est, dans les Midlands de l’Ouest et en Irlande du Nord (sans même envisager l’éventualité d’un durcissement frontalier).

    • Il y a un risque que le statut de Londres, centre de la planète finance, soit gravement mis à mal. Avec une ampleur à peu près équivalente dans le scénario OMC que dans celui d’un accord global de libre-échange.

    • Parmi ses rares points positifs, le rapport envisage dans tous les scénarios un accord commercial entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui pourrait bénéficier au PIB national à raison d’environ 0,2 point sur le long terme. Des accords commerciaux passés avec d’autres pays et régions non-européens (la Chine, l’Inde, l’Australie, des pays du Golfe ou encore d’Asie du Sud-Est) pourraient, au total, ajouter entre 0,1 point de croissance à 0,4 point de croissance au PIB britannique sur le long terme.

    Le gouvernement britannique aura été mis à la peine sur la question de savoir si des études d'impact sur le Brexit ont été menées. L'année dernière, le Secrétaire d'Etat à la sortie de l'UE, David Davis, avait laissé entendre que des dizaines d’analyses avaient été réalisées «avec un degré de précision extrêmement détaillé». Mais après un vote du Parlement, il avait ensuite déclaré qu'il avait été mal compris et que de tels rapports n'existaient pas. Le DExEU a pour sa part publié une série d’«analyses sectorielles» d'envergure.

    Les conséquences les plus négatives du Brexit relèvent à la fois de la sortie de l’union douanière et du marché unique européens – un sujet qui ne cesse de diviser le parti conservateur britannique.

    Déréglementer pour atténuer le choc du Brexit

    Le retrait de ces arrangements engendre ce que l'analyse qualifie d’ «obstacles non tarifaires» au commerce, comme par exemple une perte d'accès au marché dans certains secteurs et la mise en place de nouveaux contrôles et pratiques douaniers et frontaliers.

    La portée de certains de ces obstacles pourrait être atténuée si le Royaume-Uni devait rester dans le marché unique via l'Espace économique européen (EEE), et l'impact pourrait être partiellement compensé par des politiques internes ou des accords commerciaux avec les États-Unis, entre autres. Reste que les pertes ne pourront pas être totalement corrigées une fois que le Royaume-Uni sera sorti de l'union douanière.

    Cette nouvelle analyse suggère que le Royaume-Uni pourrait conclure des accords commerciaux avec des pays tiers et déréglementer des domaines tels que l'environnement, les normes de produit et le droit du travail.

    Cependant, le rapport doute que ces bénéfices puissent être suffisants pour atténuer les pertes économiques causées par la sortie du marché unique et de l'union douanière. S'éloigner de l'ensemble existant de règles et de normes rendrait également plus difficile le commerce avec l'UE à l'avenir et, à un niveau national, serait difficilement tenable politiquement.

    «Ce rapport ne prédit pas les conclusions des négociations»

    Un débat qui risque d’accentuer les clivages au sein du parti conservateur entre ceux qui, à l’instar du ministre des finances Philip Hammond, veulent depuis des années tisser des liens plus étroits avec l'UE, et les Brexiteurs radicaux, menés Jacob Rees-Mogg, député de l'arrière-ban.

    Un porte-parole du gouvernement a déclaré à BuzzFeed News : «Nous avons déjà indiqué que le gouvernement conduisait une vaste gamme d’études à l'appui de nos négociations et de nos préparatifs de sortie de l'UE.»

    «Nous avons été clairs sur le fait que nous ne sommes pas prêts à commenter le moindre aspect de ce travail interne en cours et que les ministres ont le devoir de ne rien publier qui pourrait risquer d'exposer notre position de négociation.»

    Une source gouvernementale ajoute : «Dans le cadre de nos préparatifs pour quitter l'Union européenne, de nombreux responsables de Whitehall mènent actuellement un large éventail d'analyses.»

    «Une première ébauche de cette nouvelle version du rapport examinait différentes dispositions génériques ainsi que d'autres estimations externes. Mais elle n'indique ni ne mesure les détails de nos objectifs souhaités – un partenariat nouveau et spécial avec l'UE – et ne prédit pas non plus les conclusions des négociations.»

    «Le rapport contient également un grand nombre de mises en garde et se fonde sur un large éventail d'hypothèses, ce qui démontre qu’il y a encore beaucoup de travail à effectuer avant de pouvoir l’appliquer et en tirer des conclusions.»

    Ce post a été traduit de l'anglais par Peggy Sastre.