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Des «discours intégristes» à Pontoise? Ce qu'on a vu au salon musulman

De nombreux opposants ont dénoncé le maintien ce week-end du salon musulman à Pontoise et la présence «d'intégristes». BuzzFeed France s'est rendu sur place.

Le salon musulman qui s'est tenu à Pontoise dans le Val d'Oise, est loin d'être passé inaperçu. Cette troisième édition organisée par Isla events (une agence événementielle) et initialement prévue en mars dernier avait dû être repoussée après de nombreuses critiques d'élus FN. Avant sa tenue samedi, une pétition a même circulé pour dénoncer la présence de «prédicateurs fondamentalistes». BuzzFeed France s'est donc rendu sur place pour vérifier toutes ces accusations.

Après avoir payé 7 euros l'entrée du parc des expositions de Pontoise, les participants ont eu accès à deux énormes halls: l'un dédié aux démonstrations de Choumicha, animatrice d'émissions culinaires et véritable star au Maroc et aux conférences de plusieurs imams. L'autre, prévu pour accueillir différents stands de bijoux, vêtements, livres etc.

Dans le salon, des centaines de personnes se sont promenées pour acheter quelques articles, donner de l'argent à quelques associations communautaires ou écouter quelques chants. Malgré ce qu'on a pu lire sur les réseaux sociaux, le salon était bien mixte et la majorité des femmes portait non pas un niqab ou une burka, mais un hijab qui laisse le visage apparent (nous avons vu deux femmes porter le niqab). Une librairie était également installée et proposait des livres sur l'islam ou les différentes façons de pratiquer sa religion.

Cette année, Isla events a décidé de dédier cette manifestation «à la femme» en proposant de multiples informations et conférences sur ce thème. Mais l'invitation de certains conférenciers a pu surprendre.

Parmi ces huit intervenants, on trouvait en effet Rachid Abou Houdeyfa, imam de la mosquée de Brest qui, comme l'a relevé la journaliste ex-collaboratrice du journal conservateur Causeur Isabelle Kersimon sur le HuffPost, enjoint sur les réseaux sociaux les femmes musulmanes à porter le voile «islamique» sous peine d'encourir «les feux de l'Enfer dans l'au-delà, et des agressions sexuelles en ce bas-monde».

À la 5e minute de la vidéo postée en 2012 ci-dessous, il ajoute:

«Si la femme sort sans honneur, qu'elle ne s'étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là».

Voir cette vidéo sur YouTube

youtube.com

Nader Abou Anas, imam qui enseigne à l'association D'CLIC à Bobigny et Medhi Kébir, prédicateur à la mosquée de Villetaneuse ont également donné une conférence samedi soir sur «la valorisation de la femme dans l'islam».

Leur présence a également suscité de vives réactions car certaines vidéos montrent des discours très radicaux sur la femme musulmane justement. Mais samedi, pas trace de ce discours. Nader Abou Anas a dit pourquoi «elles devaient être respectées». L'imam a poursuivi en livrant cette injonction:

«À toute personne qui agit mal avec sa femme, craignez Allah».

Il est aussi revenu sur un verset du Coran qui explique que «l'homme a autorité sur sa femme». D'après lui, les musulmans interprètent mal ce passage qui «ne dit pas à l'homme de se comporter comme un tyran, ni de se faire servir», mais incombe au mari «d'être responsable de son épouse, de sa sécurité et qu'elle puisse se nourrir». «Nous avons eu un prophète exemplaire avec sa femme, qui ne se faisait jamais servir, à nous de suivre ce modèle», a-t-il ajouté, tout en précisant que le mariage forcé était interdit dans l'islam.

L'autre invité, Medhi Kebir, a tenu le même genre de propos et n'a livré aucun message fondamentaliste. Et a lui aussi exhorté le musulman à «éduquer ses enfants et aider son épouse dans les tâches ménagères», avant que les Femen ne fassent irruption sur la scène pour interrompre le discours.

Mais si les deux imams ont débuté la conférence en regrettant qu'on leur reproche de tenir un «double discours» et en dénonçant des vidéos «tronquées», des archives montrent qu'ils se lançaient dans des diatribes bien plus radicales.

Dans cette vidéo ci-dessous, Nader Abou Anas expliquait par exemple en 2014 que l'homme avait toute autorité sur son épouse:

«La femme, elle ne sort de chez elle qu'avec la permission de son mari (…) Le soir, il a un besoin, il a une envie, elle ne veut pas... L'homme il craque… Qu'elle sache que les anges la maudissent toute la nuit dans le cas où elle se refuse à son mari sans raison valable».

Voir cette vidéo sur YouTube

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Enfin dans une autre vidéo postée en 2013, c'est au tour de l'imam Medhi Kébir de fustiger les femmes «qui sortent parfumées (...) comme si elles cherchaient un autre époux». Et d'ajouter:

«La femme qui sera sortie parfumée est une fornicatrice. (...) comment est-ce que le frère pourrait accepter de voir sa sœur ou sa fille sortir ainsi?...».

Voir cette vidéo sur YouTube

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Interrogé sur l'invitation de ces deux imams, l'organisateur de ce salon et responsable de Isla events balaie les critiques:

«Vous avez écouté tout le discours et vous avez bien vu qu'il n'y avait absolument rien de radical. Ils prônent le respect et la tolérance comme tous les intervenants de ce salon. Je ne vais pas répondre à des attaques sur les réseaux sociaux ou de certains extrémistes, mais je les invite à venir pour constater par eux-mêmes que c'est un salon tolérant».

Et de conclure:

«Nous acceptons tout le monde. Je suis un entrepreneur musulman, et je prône un islam tolérant. Les terroristes, Daesh... ce ne sont pas des musulmans pour moi, que cela soit bien clair».

Précision

La version des Femen erronée

Inna Shevchenko, porte-parole des Femen à Paris, a affirmé à l'AFP que les «deux imams étaient en train de parler de la question de savoir s'il faut battre ou non sa femme», lorsqu'elles ont fait irruption. Elle a ajouté sur Facebook qu'au «salon musulman», on apprend «à accepter le viol conjugal...».

Cette version est fausse. Medhi Kabir était en train de demander aux musulmans d'avoir un comportement exemplaire avec les femmes, «de suivre le modèle du prophète», qui ne «tapait jamais sa femme» et qui ne «se faisait pas servir». Voici la dernière phrase prononcée:

«Nous voulons des musulmans et des musulmanes qui se comportent comme s'est comporté le prophète...»

Update

Dans une interview aux Inrocks, Inna Shevchenko précise à propos de ce qu'elle a dit à l'AFP:

«J’ai dit que les imams ont abordé cette question par le fait même d’expliquer que, comme Mahomet ne battait pas sa femme, les hommes ne doivent pas le faire. Pour nous, le fait même de rappeler qu’il ne faut pas battre sa femme est en soit un débat puisque cela n’est pas évident pour toute l’audience. Certains d’entre eux se sont d’ailleurs empressés de ne pas suivre ce conseil et de frapper nos deux activistes.»

Voici les 4 minutes du discours avant l'interruption des Femen (à la 4e minute)

w.soundcloud.com / Via w.soundcloud.com

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