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    Une ONG critiquée pour une campagne fake de A à Z

    Une ONG a créé un faux blog et payé des blogueurs pour s'en indigner. Tordu?

    Une vidéo présentée comme le témoignage d'une mère de famille blogueuse est apparue sur Facebook lundi 28 septembre.

    Voir cette vidéo sur YouTube

    youtube.com

    Dans cette vidéo, une femme se dit victimes de critiques parce qu'elle a décidé de déscolariser sa fille. Avis négatifs face auxquels elle dit assumer ses choix.

    Un point de vue également développé dans un blog mis en ligne début septembre dernier.

    Les internautes qui ont vu la vidéo et/ou des posts du blog circuler sur les réseaux sociaux lundi sont, pour beaucoup, scandalisés par les propos qui y sont tenus.

    non mais je suis choqué par ce blog ... https://t.co/vSwVRTpWNM

    Et l'apprentissage SCOLAIRE se passe comment? Parce que balayer c'est sympa mais elle apprend à écrire cette gosse? https://t.co/Awujb7moJY

    Très vite, pourtant, certains se sont interrogés sur l'authenticité du «témoignage».

    C'est une campagne déguisée, ce blog, hein? Rassurez-moi??? https://t.co/1myzeEpI9w

    Et il s'est très vite avéré que les sceptiques avaient raison, comme l'a noté, agacée, la journaliste Sophie Gourion sur son blog.

    BLOG - Mon école pour Lina : la fin ne justifie pas les moyens, même dans l'humanitaire http://t.co/bf30xWmkpZ

    Le personnage de cette mère qui déscolarise cette petite fille a en réalité été inventé de toute pièce. Il s'agit d'une ficelle marketing pour soutenir une campagne de l'ONG Plan International, qui milite pour les droits des enfants.

    En ligne de mire: sa campagne de communication annuelle pour la journée internationale des filles, le 11 octobre 2015.

    Julien Beauhaire, responsable de la communication de Plan International en France, confirme à BuzzFeed France que la campagne a bien été réalisée dans ce cadre:

    «On mène une campagne sur l'éducation des filles depuis plusieurs années. Et cela fait partie du volet web de la communication, pour laquelle nous avons fait appel à des prestataires extérieurs.»

    Il nous explique par ailleurs que cet aspect de la campagne a été confié à l'agence de communication Buzz Paradise, qui n'a pas répondu à nos sollicitations pour l'heure.

    Créer un faux blog ne suffit pas. Encore fallait-il s'assurer un écho en ligne. L'ONG a donc proposé à des blogueurs de les payer pour s'indigner, et des billets de ce type sont apparus:

    En échange d'un coup de gueule, une rémunération qui pouvait s'élever à «500 euros», affirme Slate, qui a publié un mail envoyé à un blogueur:

    En résumé, Plan a demandé aux blogueurs d'écrire deux billets: le premier pour s'indigner et le deuxième, quelques jours plus tard, pour dévoiler la campagne et sa cause.

    Parmi les requêtes de l'agence Buzz Paradise aux blogueurs, on trouve, comme le montre Slate, une invitation à «ne pas faire la promo d'autres ONG».

    Interrogée, Plan International a refusé de nous répondre sur ces conditions car elle n'est «pas au courant».

    Les blogueurs qui ont accepté de jouer le jeu, n'avaient pas forcément anticipé le malaise. Franck, auteur de Papa Blogueur, nous explique un peu gêné avoir décidé de rajouter la mention «sponsorisé» à son post après publication pour clarifier les choses.

    Le problème, c'est qu'ajouter «sponsorisé» ruine l'effet du teasing. Par ailleurs, il est difficile de croire qu'un blogueur est tombé «par hasard» sur un blog s'il a été payé pour écrire dessus.

    L'agence de communication insistait même sur ce point dans ces recommandations au blogueur, selon Slate:

    Malgré ces contradictions, Julien Beauhaire de l'ONG Plan, qui avait déjà créé un faux site pour dénoncer les mariages d'enfants en 2014, reste convaincu de l'intérêt de ce coup de communication:

    «On fait appel à ce dispositif car c'est ce qui nous permet de toucher le maximum de personnes. Toutes les ONG font ça.

    C'est bien que les gens soient scandalisés, mais la seule chose qui est scandaleuse c'est qu'une fille sur cinq n'a pas accès à l'école dans le monde aujourd'hui. Le cas de cette mère, ça se passe à l'étranger.»

    Selon lui, il est dommage de «jouer les vierges effarouchées pour ce qui est fait sur internet» car la finalité du message justifie les moyens employés.

    L'impact de la campagne en ligne reste pour l'heure limité. La fausse vidéo a été vue un peu moins de 10.000 fois sur YouTube.

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