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    La grosse manip' d'Anne Hidalgo pour afficher fièrement 700 km de pistes cyclables

    Les trois-quarts des voies pour vélo de la capitale sont en réalité des couloirs de bus, de simples «bandes marquées» au sol ou des contresens cyclables. «Ce n'est pas acceptable de parler d'aménagements cyclables», estime une association de cyclistes.

    Dimanche, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a donné une interview au Parisien.

    L'une des questions est posée par Thierry, l'un des lecteurs du journal invités à interviewer la maire de Paris. «Combien y a-t-il de kilomètres de voies cyclables sécurisées dans la capitale ?», demande-t-il.

    La réponse est sans ambiguité : «Aujourd'hui, il y a 700 kilomètres de pistes cyclables.»

    Huit jours plus tard, elle récidivait sur le plateau du Grand jury. « Nous n'avons pas assez de pistes cyclables sécurisées...», dit-elle en évoquant «les 700 kilomètres actuels»...

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    Un chiffre qu'on retrouve sur le site de la mairie de Paris.

    Et dans un certain nombre d'articles de presse, comme ici dans Libération.

    Du coup, en lisant Anne Hidalgo, on a l'impression qu'il y a à Paris 700 kilomètres «sécurisés» de pistes qui ressemblent à ça…

    Mais en fait, c'est pas du tout ça... Contacté par BuzzFeed News, le service de presse de la mairie de Paris a fourni un certain nombre de données précises sur les pistes cyclables à Paris.

    Selon ces chiffres, la mairie comptabilise officiellement 695 km de pistes cyclables à Paris actuellement. Sur ces 695 km, il y n'y a que 200 km de pistes en site «protégé», séparées de la circulation, soit à peine 29 % du réseau. Que trouve-t-on dans les 71% restant ? Des rues en «double-sens cyclables», particulièrement anxiogènes pour les cyclistes, dans lesquelles les vélos sont les seuls à avoir le droit de circuler dans le sens inverse de la circulation automobile, pour 275 kilomètres (40% des pistes cyclables). Des «couloirs de bus», fréquentés pas des bus (logique), des taxis et des véhicules de livraison pour 160 kilomètres (23% des pistes cyclables). Et de simples «bandes marquées» au sol sans aucune séparation pour 60 kilomètres (9%).

    On a tout résumé avec ce petit graph...

    A Paris, donc, 23 % de ce que Anne Hidalgo appelle des «pistes cyclables» ressemblent à ça :

    Ou, dans 40% des cas, à ça:

    On a demandé à un responsable de l'association Paris en selle ce qu'il en pensait.

    «Quand on parle d'aménagements cyclables, on parle de pistes et seulement de pistes. Or, pour nous, une piste, c'est une piste en site protégé, séparée de la circulation», tranche Simon Labouret, le porte-parole de Paris en selle. Pour ce responsable, comptabiliser les couloirs de bus ouvert aux vélos dans la catégorie des «pistes cyclables» n'a aucun sens.

    «Un couloir de bus, c'est une mauvaise chose, le sentiment d'insécurité y est très fort, le cycliste qui fait quelques dizaines de kilos y côtoie des bus de plusieurs tonnes, des véhicules de livraison et des taxis. Ce n'est pas acceptable de parler d'aménagement cyclable à ce propos», dit ce responsable pour qui les rues en double-sens sont en revanche les bienvenues dès que la circulation est «apaisée».

    Une autre association, Mieux se déplacer à bicyclettes (MDB), juge aussi que tous les aménagements de la mairie de Paris ne sont pas à proprement parler des «aménagements cyclables», mais que ce n'est pas vraiment ça qui importe.

    «Un double-sens ce n'est pas un aménagement cyclable, mais ça nous facilite la vie», explique à BuzzFeed News Dalila Sghaier de l'association MDB. «Quand il y a un couloir de bus ouvert aux vélos, il faut imaginer la même rue, avec les bus, et sans couloir ouvert aux vélos, et alors là vous vous direz que oui, ce couloir est bien un aménagement cyclable. Nous, ce qui nous intéresse, c'est la proportion de gens qui se déplacent à vélo, que ce soit sur une bande au sol, dans un couloir, ou grâce à un double-sens. À MDB, on se moque un peu de ces histoires de kilométrages.»

    Nous avons pris contact avec le service de presse de Anne Hidalgo et de son adjoint aux Transports, Christophe Nadjovski. Ces derniers n'ont pas donné suite.