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    Triple meurtre devenu «drame familial» : la couverture de l’affaire de Sarcelles énerve

    Les expressions utilisées par de nombreux médias pour qualifier le triple homicide perpétré samedi par un policier et son suicide ont été beaucoup critiquées sur les réseaux sociaux.

    Samedi 18 novembre, un policier a commis un triple homicide et s'est suicidé à Sarcelles, dans le Val-d'Oise.

    Vers 20 h 45, ce fonctionnaire de 31 ans a tué deux personnes qui se trouvaient sur la voie publique avant de tirer sur sa compagne, qui lui aurait annoncé son intention de rompre. La laissant grièvement blessée, il s’est ensuite dirigé vers le pavillon de ses beaux-parents, où il a abattu le père de son épouse avant de blesser grièvement la mère et la sœur de la jeune femme. Le policier a ensuite mis fin à ses jours.

    L'affaire a été reprise dans plusieurs médias, dont certains ont parlé de «drame familial». C'est le cas de RTL, qui a publié le 19 novembre, un article reprenant cette expression.

    Quelques heures plus tard, Le Journal du dimanche choisit carrément de titrer son article sur le sujet en évoquant un «drame familial à Sarcelles».

    En fait, les médias ont repris une expression provenant d'une dépêche AFP. Cette dépêche, envoyée à 1 h 38 dans la nuit du 18 au 19 novembre citait elle-même «une source policière» :

    Peu importe qu'il s'agisse d'une citation : parler de «drame familial» pour une affaire de violence conjugale et de triple homicide est très mal passé auprès de plusieurs internautes.

    Plusieurs personnes, notamment des journalistes, ont vivement critiqué l'emploi de cette expression inappropriée.

    Il faut se débarrasser de l'expression "drame familial" quand un homme tue trois membres de sa famille. Un film de… https://t.co/Xr3LOBkN1g

    Twitter: @CCaldini

    Encore une dépêche @afpfr (reprise donc partout) parlant "drame familial" dans le cadre de violences conjugales. On… https://t.co/IIi2u9q3EH

    Le collectif de femmes journalistes Prenons la une, qui lutte pour une juste représentation des femmes dans les médias, a directement interpellé Le JDD sur Twitter.

    Le maire de Sarcelles, François Pupponi, en a rajouté une couche en parlant de «drame sentimental» sur France Info.

    Ce qui a valu à la radio une pluie de critiques.

    Tuerie du policier de Sarcelles (3 morts, 3 blessés), un "drame sentimental" selon @franceinter aux infos de midi.… https://t.co/n0agPwgqAp

    A l'instant sur une grande radio (que j'écoute pourtant...) "un drame sentimental hier à Sarcelles"....Non, non, no… https://t.co/Z4EzZMpR74

    Un drame sentimental vous êtes sûrs ? Non : ce type n’a pas supporté que sa femme le quitte. Il l’a tuée. Pas d’amo… https://t.co/478kB8gFSH

    Dimanche soir, Laurent Delahousse a quant à lui parlé dans son journal de 20 heures sur France 2 de «rupture amoureuse».

    Donc dans le #JTF2 sur Sarcelles : 1- @LaurentDelahous parle de "rupture amoureuse" ; 2- on dresse le portrait du p… https://t.co/qmGOJ11yQd

    Après avoir été interpellés sur Twitter, plusieurs médias ont modifié leurs articles. Le Parisien a par exemple remplacé l'expression «drame familial» par celle de «différend familial» dans un article mis à jour le 19 novembre. Grosse nuance...

    Face aux polémiques, Le JDD a également modifié le titre de son article le 20 novembre.

    Dans le même temps, d'autres internautes ont critiqué sur Twitter la mise en avant du policier... et la recrudescence des suicides chez les forces de l’ordre, au détriment des violences conjugales et des victimes de ce triple meurtre.

    Une femme quitte son flic de mec. Il tire sur elle, la sœur de cette dernière et sa mère. Il tue son père et deux g… https://t.co/XjMgd5Glfk

    Via Twitter: @Moom_light

    Dans un tweet, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, a cru recentrer la polémique en affirmant que le sujet de cette affaire était bien celui des violences conjugales.

    Ne détournons pas l'attention. Le sujet n'est pas le port d'armes des policiers. Le sujet c'est la violence conjug… https://t.co/jYqsaHE3EJ

    Sauf qu'elle l'a opposé à la polémique sur le port d'armes ravivée par l'affaire. Or, la mobilisation contre les violences conjugales n’exclut pas celle contre le port d’armes hors service, ont rappelé des internautes. Surtout que ce n’est que depuis les attentats du 13 novembre 2015 que les policiers ont le droit de porter leur arme de service en permanence.

    Vous employez le mot féminicide. Est-ce à dire que vous soutiendriez un projet de loi demandant l'inscription dans… https://t.co/kwmBOnSAz6

    Ces deux problématiques sont liées. Le port d'armes des policiers fait partie du sujet, ce n'est pas parce qu'on pr… https://t.co/32w1s1B9XH

    Il y a tout juste un an, le collectif de femmes journalistes Prenons la une organisait un colloque sur le traitement médiatique des violences conjugales et familiales.

    Les intervenantes y expliquaient notamment pourquoi il ne fallait plus utiliser l’expression «drame familial».

    Le rappeler sur Twitter ce 19 novembre n’aura visiblement pas été de trop.

    @leJDD "Drame familial", "crime passionnel"... ces expressions minimisent les violences contre les femmes. Quelques… https://t.co/fXuhnM6qs3