Le 12 avril, le compte Twitter @parispasrose, dont le pseudo est «Claire Underwood», a tweeté plusieurs extraits du livre Le Grand Dictionnaire des malaises et des maladies. Ce compte, qui commente régulièrement les questions LGBT, juge l'ouvrage problématique, et interpelle la Fnac qui l'avait mis en coup de cœur.
Le Grand Dictionnaire des malaises et des maladies (Quintessences, 2015) est un ouvrage qui se penche, selon la description de l'éditeur, sur «"l'aspect" métaphysique des malaises et des maladies en rapport avec les pensées, les sentiments et les émotions». L'ouvrage estime que les maladies sont «des conflits intérieurs non résolus qui s’expriment donc dans le corps», comme expliqué lors d'une chronique sur Europe 1.
Il a été écrit par Jacques Martel, un auteur québécois qui est présenté sur le site des éditions Quintessences, qui éditent son ouvrage en France, comme un «conférencier et formateur» qui «anime des ateliers de croissance personnelle». Le site précise qu'il a une «formation d’ingénieur électricien» et une «expérience de psychothérapeute».
Bien qu'elle ne soit plus considérée comme une maladie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1992, l'homosexualité figure dans ce dictionnaire des maladies et y est présentée comme un «choix».
Le compte de Claire Underwood a également tweeté l'entrée de l'ouvrage consacré au sida, qui semble expliquer la maladie par le fait que les personnes malades vivraient «une grande culpabilité par rapport à l'amour» et auraient «l'impression de ne pas être à la hauteur».
L'entrée concernant le viol indique quant à elle : «Si j’ai eu à vivre un viol, ou un abus sexuel, je regarde si mon ignorance de la sexualité, même inconsciente, était à ce point grande que j’ai "attiré" (énergétiquement parlant) cette situation comme pour me libérer de ma peur ou tout simplement pour cesser de me faire abuser.»
En août dernier, un autre internaute avait écrit un thread pour critiquer plusieurs entrées de cet ouvrage, notamment celles sur les fausses couches, la maladie d'Alzheimer, le cancer ou le harcèlement sexuel.
De nombreux internautes ont retweeté ou repris le tweet de @parispasrose.
Certains ont directement interpellé la Fnac sur Twitter, estimant que l'ouvrage n'aurait pas dû être sélectionné en tant que coup de cœur.
Joël Deumier, président de SOS Homophobie, juge qu'«on ne peut pas diffuser de tels clichés qui nourrissent et légitiment l'homophobie» et estime que l'ouvrage ne devrait plus être distribué.
Le service client de la Fnac a répondu que l'information «a bien été remontée à notre direction commerciale qui agira en conséquence».
«C'est un livre dans lequel il y a de bonnes choses, il y a des mauvaises, mais comme dans tous les livres», se défend Frédérique, la vendeuse de la la Fnac d'Avignon-Le Pontet qui a écrit ce coup de cœur et que BuzzFeed News a pu contacter.
Pour elle, «on ne va pas s'arrêter de faire des coups de cœur sur des livres parce qu'il y a des personnes qui pensent ça ou ça. Il y a des choses dans ce livre que je trouve vraies. Il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord mais on ne peut pas être d'accord à 100 % avec une personne ou un auteur.»
A propos du fait que l'homosexualité soit cité dans un livre sur les maladies, elle concède : «C'est vrai que ça me fait tiquer, c'est certain. Après, il faut savoir que Jacques Martel est un conférencier depuis 1978. Malgré tout, il ne faut pas dénigrer ce qu'il y a de bon dans ce livre.»
Elle estime donc son «coup de cœur» justifié même si elle précise, par ailleurs, qu'actuellement le livre n'est plus présenté en rayon en tant que tel.
Contactée par BuzzFeed News, la maison d'édition Quintessence estime «qu'il faut lire l'article dans son intégralité».
«D'abord l'auteur insiste sur le fait que ce n'est pas une maladie, ni inscrit dans les gênes, défend Philippe Lahille, le directeur éditorial. L'auteur envisage ensuite différentes pistes ayant pu conduire à cette orientation sexuelle, il en évoque cinq ou six, essayant d'envisager les différents cas de figure. En cela, il faut reconnaître qu'il a une approche nuancée et certainement pas binaire.
Ensuite, il insiste sur le fait que le plus important n'est pas son orientation sexuelle, mais l'amour, la profondeur de cet amour, sa sincérité. Et enfin il conclut qu'il est essentiel de ne pas lutter contre cette orientation mais de s'accepter et de l'assumer.»
Sur le principe même de l'ouvrage, qui tente d'expliquer les maladies par l'existence de certains sentiments, le directeur éditorial déclare que «la symbolique des maladies est de plus en plus souvent souvent prise en compte par de nombreux thérapeutes mais il est vrai que cette approche symbolique peut dérouter le grand public. Ce n'est évidemment pas une science exacte, tout comme la psychologie. Elle propose des pistes de réflexion qui peuvent s'avérer pertinentes (ou pas) et donner du sens, donner à réfléchir.»
Mise à jour
Le 13 avril, la Fnac a indiqué sur Twitter qu'elle «référence l’exhaustivité des ouvrages publiés et ne peut déréférencer que les titres interdits par la loi française». Elle précise cependant que «certains éléments contenus dans cet ouvrage ne correspondent pas aux valeurs de culture et d’humanisme que nous défendons depuis 60 ans» et qu'ils ont donc «supprimé toute mise en avant de ce livre».
BuzzFeed News a contacté le service presse de la Fnac. Nous avons également contacté Jacques Martel le 12 avril en fin d'après-midi via la maison d'édition qu'il a fondée, Atma. Nous mettrons à jour cet article en cas de réponse.