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    «Paye ta robe»: ce Tumblr dénonce le sexisme ordinaire que vivent les avocates

    «Pendant longtemps, la profession d'avocat n’a été exercée que par des hommes. Ce milieu reste dominé par des codes très masculins», explique une des cofondatrices à BuzzFeed News.

    Le Tumblr Paye ta robe a été lancé le 7 octobre dernier par deux avocates trentenaires, Emmanuelle et Marie (le second prénom a été modifié). Elles disent préférer garder l’anonymat pour être «plus libres de poster» ce qu'elles veulent.

    Sur ce Tumblr (dont le nom est un clin d'œil au Tumblr Paye ta shnek sur le harcèlement de rue), on peut déjà lire plus d'une trentaine de témoignages, qui montrent le sexisme ordinaire dans la profession d'avocat-e. Comme celui-ci:

    Ou celui-ci:

    On trouve plusieurs anecdotes sur des remarques condescendantes...

    ... sur des gros clichés...

    ... ou encore des remarques qui évoquent le paternalisme lubrique.

    «On entendait beaucoup de témoignages autour de nous sur des remarques sexistes, à l’école de formation, en audience...», explique Emmanuelle à BuzzFeed News. Elle raconte:

    «On a voulu les compiler pour mettre le doigt sur le sexisme de notre profession. Le but est de faire évoluer les mentalités. Certains confrères ne se rendent même pas compte que leur comportement dérange.»

    «Il y a 100 ans, quand il y a eu les premières femmes avocates, on se moquait d’elles, avance de son côté Marie. Les témoignages qu’on publie, ce sont beaucoup d'hommes qui se moquent de femmes.»

    «Là, on renverse la vapeur. Tout d’un coup, c’est nous qui nous moquons. C’est assez réjouissant.»

    Selon ces deux collaboratrices (et non pas associées) en cabinet, leur milieu professionnel est particulièrement touché par le sexisme:

    «Pendant très longtemps, la profession d'avocat n’a été exercée que par des hommes, décrypte Marie. Ce milieu reste dominé par des codes très masculins.

    Aujourd'hui, la profession est très féminisée et pourtant les hommes gagnent plus que les femmes, il y a seulement 20% de femmes associées dans les cabinets et 40% des femmes quittent la profession dans les dix premières années. L’évolution est très lente, c’est loin d’être brillant.»

    Par exemple, elles indiquent qu'il est «arrivé fréquemment que des avocates soient licenciées» au retour de leur congé maternité.

    Marie et Emmanuelle racontent que, depuis le lancement du Tumblr, elles ont reçu beaucoup de témoignages d'avocates, via le compte Twitter ou la page Facebook.

    «Les gens bossent beaucoup, ils sont dans leur cabinet, ils n’ont pas le temps de s’engager, mais ça ne veut pas forcément dire qu’ils ne sont pas scandalisés par ce qu’il se passe, analyse Marie. Avec Paye ta robe, ils peuvent assez facilement réagir sur la page Facebook, envoyer un témoignage...»

    «Ça permet de créer un élan collectif», observe-t-elle.

    À noter qu'il existe également une page Facebook intitulée «Sexisme de droit», qui a été lancée en février dernier.

    Elle est gérée par deux étudiantes en droit de Paris 1, Léna et Anissia, et a pour vocation de pointer du doigt le sexisme, dans la pratique juridique comme dans les textes.

    Pour ces derniers, Anissia donne en exemple les «droits de l'homme» qui sont toujours privilégiés aux «droits humains». Ou, encore, la notion juridique de «bon père de famille», aujourd'hui complètement archaïque.

    «On dénonce aussi les phrases sexistes qui sortent de la bouche de nos profs», ajoute Anissa à BuzzFeed News, ou les «publications sexistes que l'on peut trouver sur certaines pages Facebook suivies par les étudiants en droit». Et de conclure:

    «Le droit fait résonner l'idée de justice. Quand la justice est sexiste, ce n'est pas la justice.»