Aller directement au contenu
  • Viral badge

«On va s’occuper de toi»: une féministe harcelée par les fans d’un dessinateur

Sur Facebook, Marsault a publié le post d'une jeune femme qui se félicitait de la suspension de la page de ce dessinateur controversé. Cette militante féministe a alors reçu de nombreuses insultes et menaces de mort de la part de ses fans.

Marsault est un dessinateur de BD controversé, liké par plus de 220.000 personnes sur Facebook.

Il est édité par les éditions Ring, maison d'édition sulfureuse, connue pour avoir publié des auteurs très à droite, l'ouvrage La France Orange mécanique, succès en librairie en 2013 et «tissu d’âneries qui sert le FN» pour le politologue Thomas Guénolé.

Marsault publie régulièrement des dessins sur Facebook et est notamment apprécié par l'extrême droite. On peut ainsi trouver certains de ses dessins repris sur le site Égalité et Réconciliation d'Alain Soral, ou sa tribune contre le concert de Black M à Verdun republiée sur le site Fdesouche.

Sur ses pages Facebook, Marsault a notamment posté des dessins sur les féministes...

... ou les personnes qui dénoncent le racisme, le sexisme, la transphobie...

Le 6 août, il a annoncé sur une seconde page Facebook, intitulée «Marsault 2», que sa page principale n'était plus en ligne, car Facebook a estimé que son contenu «ne respecte pas les conditions d'utilisation de Facebook et les standards de la communauté».

Ce n'est visiblement pas la première fois que Facebook dépublie la page «Marsault» puisqu'on peut voir qu'en février dernier, l'auteur écrivait que sa page avait été bloquée pour un mois.

Le 7 août, l'auteur a posté sur «Marsault 2» la capture écran d'un post Facebook d'une jeune femme (dont nous avons flouté le nom) qui a partagé sa publication sur la suspension de sa page et qui commente «HAHAHAHAHA DANS TA GUEULLLEEEEE».

On peut également voir des commentaires des contacts Facebook de la jeune femme, qui se félicitent de la dépublication de cette page et proposent de signaler la page «Marsault 2»: «on s'attaque à la 2?^^», «on signale tous les posts j'imagine?», ou encore «c'est génial!»

Marsault commente cette capture écran en demandant: «Quand on affiche une connasse hystérique qui se vante de signaler et d'anéantir une communauté de 220.000 personnes, on est misogyne?» Il la félicite «pour [son] acharnement» et précise «tu vas peut-être recevoir 3-4 messages, hein».

Megane, la jeune femme en question, indique avoir reçu des centaines de messages d’insultes sur Facebook après le message de Marsault. Elle explique à BuzzFeed:

«En quelques heures, j’ai reçu plus de 300 messages, avec des insultes sexistes, racistes, des menaces de mort, de viol... Ensuite j’ai arrêté de compter.»

Cette militante féministe et antiraciste de 24 ans dit que, malgré ce que son post pourrait laisser penser, elle n'a pas signalé la page de Marsault:

«C’est un contact qui m’a envoyé en MP le lien du post de Marsault. J’étais contente de voir que sa page avait été suspendue, et c’est pour ça que j’ai fait ce post, mais je ne l’ai pas signalée et je n’ai jamais lancé de raid contre cette page.»

Sur les captures d'écran qu’elle nous a fournies, on peut en effet lire des insultes:

Ainsi que des menaces de mort:

Megane explique également que des internautes ont publié la ville où elle habite, et que son petit ami et certains de ses amis avaient reçu des insultes ou des menaces.

«C’est complètement illogique, ils n’arrêtent pas de me taxer de porter atteinte à la liberté d’expression, mais visiblement je n’ai pas le droit de donner mon avis sur le travail de Marsault», expose Megane.

Le 7 août, le compte Facebook de Paye Ta Shnek, qui traite de harcèlement de rue, a appelé à signaler la publication de Marsault sur Megane.

«Le but était de faire supprimer en urgence la publication où Marsault incitait à envoyer des messages à Megane», explique Anaïs, à l’origine de Paye Ta Shnek, qui précise que Megane est très active sur cette page féministe.

«D’autres communautés ont également appeler à signaler la publication. Il fallait protéger l’intégrité d’une personne jetée en pâture à des milliers d'abonnés Facebook qui ne demandaient qu’à se venger.»

Marsault a ensuite publié un autre statut expliquant qu'il avait «Paye Ta Shnek au cul» et a appelé ses fans à se «détendre». «Les connasses qui ont fait supprimer ma page méritent clairement 2-3 insultes par mp, elles les ont eues, faut pas que ça dépasse les frontières du virtuel», écrit-il.

Dans un deuxième post, publié le 8 août, Paye Ta Shnek précise que «la personne citée est harcelée de toute part, et menacée de la pire des manières, non stop, par des centaines de fans de l'artiste visiblement très bienveillants (non)».

«Pour se justifier, l'auteur prétend qu'elle a fait fermer sa page», note la page. «Qui découvre FB depuis hier, au point de croire qu'une personne seule peut faire tomber une page de 200.000 abonnés?

C'est donc, d'une part, totalement injustifié de diaboliser cette personne. (...) D'autre part, ça ne justifie en aucun cas de générer une telle situation et une telle mise en danger de la personne.»

La page «Marsault 2» a fini par être dépubliée le 9 août.

Anaïs explique qu'elle a, elle aussi, reçu des insultes et menaces, ainsi que des photos d'animaux morts, dans les commentaires de la page Facebook de Paye Ta Shnek, sur son compte Facebook personnel et par mail.

«J'ai aussi reçu des mails d'hommes qui m'envoyaient des photos de leur visage ou de leur bite, en évoquant un tchat, donc je pense que quelqu'un s'est fait passer pour moi sur un site en demandant des photos», ajoute-t-elle.

Plusieurs personnes ont également appelé à signaler la page Paye Ta Schnek sur le forum 18-25 de jeuxvideo.com, où un topic a été créé sur le sujet...

... ainsi que dans les commentaires sur la page Facebook de Ring, l'éditeur de Marsault, qui a posté plusieurs messages de soutien à son auteur.

«Le cyberharcèlement arrive de plus en plus souvent. Il faut en parler car c'est grave et ça peut avoir des effets très concrets sur les personnes harcelées», détaille Anaïs.

«À l’heure actuelle, Facebook et Twitter ne sont pas capables de protéger leurs utilisateurs de ce genre de comportements. Il faut absolument qu’on interpelle ces sociétés et qu’on arrive à avoir des chartes au niveau national, et pas que la charte américaine.

Ça m’est arrivé plusieurs fois de signaler des contenus à Facebook et qu’on me réponde que ça ne va pas à l’encontre de la charte alors que ce sont des menaces très concrètes de viol, de meurtre. On ne peut pas laisser faire ça éternellement.»

Nous avons contacté Marsault ainsi que Ring, son éditeur, mais n'avons pas obtenu de réponse à l'heure où nous publions cet article. Il sera mis à jour si nous recevons une réponse.

Mise à jour du 11 août à 14h20:

Après publication de cet article, David Serra des éditions Ring nous a fait parvenir les remarques suivantes:

« Merci de ne pas réduire Ring à La France Orange Mécanique comme vous ne réduisez pas Albin Michel à Zemmour et De Villiers. Ring est l’éditeur de Jimmy Page (Led Zeppelin), Norman Mailer, Zineb El Rhazoui (Charlie Hebdo), Frédéric Ploquin (Marianne), Stéphane Bourgoin, Pierre-André Taguieff, Frédérique Lantieri et Dominique Rizet (Présentateurs de Faites entrer l’accusé), Waleed Al Husseini, Alain Bauer pour ne citer qu'eux. Notre directeur littéraire, Raphaël Sorin, est l’éditeur historique de Houellebecq, Bukowski, Philip K. Dick, William Burroughs. Thomas Misrachi (journaliste phare de BFMTV), dirige les documents Ring. Tous les horizons se croisent chez Ring. Cela s’appelle la liberté. Sur le fond, si nous ne cautionnons en aucun cas les immondes menaces proférées par des fans de Marsault manifestement fous à lier (son public est vaste et divers), interrogeons nous aussi sur l’origine du clash et sur la surveillance générale : combien de temps tiendrait une page Facebook tenue par le regretté Reiser, avant de tomber pour signalement ? »