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    La Licra publie des faux tweets du KKK sur un camp d’été antiraciste

    La comparaison a choqué sur Twitter, mais le président de la Licra la défend auprès de BuzzFeed News par la nécessité de «créer un électrochoc».

    Un «camp d'été décolonial» a lieu, près de Reims, du 25 au 28 août.

    Cet événement antiracisme est non mixte. Il est réservé «uniquement aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’État» et propose aux concerné-e-s de se «réunir afin de se former, de partager et de nous renforcer pour les luttes et mobilisations à venir».

    Le 25 août, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) a posté plusieurs tweets à son sujet. Dans un premier message, on peut voir un faux tweet de Robert Ménard disant au compte du camp d'été: «Lâchez rien! On vous déteste mais on vous aime.»

    Un autre faux tweet, de Marine Le Pen cette fois, indique: «On n'en demandait pas tant. Merciiii!»

    Enfin, un dernier message montre plusieurs faux tweets du compte du Ku Klux Klan où il est écrit: «Si vous êtes des antiracistes, nous sommes des antiracistes aussi»:

    «100% d'accord avec vous. Ne nous mélangeons pas entre blancs et personnes de couleur»

    «Ils ne vous comprennent pas en France? Nous oui»

    Ou encore «nous organisons aussi des camps d'été non mixtes. Quel est le problème?» accompagné d'une photo d'un rassemblement de membres du KKK brûlant une croix.

    Ces tweets renvoient vers un texte du président de la Licra, Alain Jakubowicz, posté sur son blog personnel et intitulé «Camp d’été décolonial: Rosa Parks doit se retourner dans sa tombe».

    Dans celui-ci, il écrit que ce camp d'été «est une injure faite au combat antiraciste et à la République et ceux qui en ont pris l’initiative sont des imposteurs».

    «Prétendre qu’il faut avoir été victime d’une discrimination pour la combattre est une aberration qui, sous couvert d’antiracisme, établit une ségrégation qui n’a rien à envier aux assemblées du Ku Klux Klan ou aux pires pavillons des expositions coloniales», détaille-t-il.

    Et d'ajouter: «L’idée de ce camp, au final, n’est pas de lutter contre le racisme mais de lutter contre "le Blanc".»

    Sur Twitter, si certains ont plébiscité les messages de la Licra, d'autres ont défendu la possibilité pour les minorités de se regrouper entre elles...

    .@_LICRA_ La non-mixité est un outil primordial pour les minorités. Il est important qu'iels puissent se regrouper sans leurs oppresseurs.

    Twitter: @chronolady

    ... et ont été choqués par la comparaison avec le KKK.

    @_LICRA_ Ce tweet est vraiment horrible, dégoûtant, indécent. Comparer une asso d'extermination à un évènement de libération ?

    Twitter: @SJ_Mage

    .@_LICRA_ @LaSaleGarce certaines réunions de #BlackLivesMatter sont en non-mixité. Vous oseriez aussi les comparer au KKK ?

    Twitter: @ThisisKiyemis

    Ce mouvement raciste américain prône la suprématie blanche et a tué des milliers de noirs américains.

    Contacté par BuzzFeed News, Alain Jakubowicz admet: «Oui, il y a peut-être de l’excès dans notre mode de communication. C’est violent, je vous le concède, mais c’est pour créer un électrochoc.»

    Selon lui, «ces prétendus militants antiracistes, qui sont en fait des racistes déguisés, ne font que faire le jeu de Marine Le Pen et de Ménard».

    «Si nous avons pris cette initiative, c’est pour ne pas laisser ce monopole à l’extrême droite, qui est trop contente de voir se développer ce genre d’initiatives qui constituent pour eux des armes. C’est de l’eau qui est apporté à leur moulin. C’est précisément pour dénoncer ça que nous utilisons cette forme, qui est aujourd’hui la forme moderne de communication et d'interpellation.»

    Pour le président de la Licra, la comparaison avec le KKK est «de bon sens» car «la philosophie générale est la même, c’est celle de l’essentialisation, de la ségrégation.»

    Mais pour les militants favorables au principe de non-mixité, celle-ci n'a rien à voir avec la ségrégation raciale car il s'agit d'une non-mixité choisie par les minorités.

    Comment on peut comparer, mettre côte à côte, la ségrégation raciale et la non-mixité temporaire + voulue entre racisé.e.s

    Twitter: @gynocrate

    Par ailleurs, elle est temporaire et seulement un moyen, et non pas «un but à atteindre».

    Dites à votre président @_LICRA_ que la non-mixité militante est un moyen, pas un but à atteindre

    Twitter: @3lawan

    Dans un texte publié en mai dernier, Sihame Assbague et Fania Noël, à l'initiative du camp d'été, défendaient le principe de non-mixité dans les termes suivants:

    «La non-mixité est une nécessité politique. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle a été pensée et utilisée par des milliers de militant-e-s, qu’ils soient féministes, antiracistes ou anticapitalistes, depuis des décennies.

    Comme nous, ils ont dû constater que les réunions mixtes sont certainement nécessaires pour faire avancer les luttes mais que comme tout le reste, elles ont leurs limites. Des limites qui peuvent constituer une vraie perte de temps, d’énergie mais aussi de leadership.

    C’est le cas, par exemple, de ces rencontres où l’on va passer 3h à redéfinir le mot « islamophobie » alors que les concernés préféreraient que l’on s’attaque au cœur du problème, à savoir la réalité de l’islamophobie. (...)

    On a besoin de reprendre confiance en nous, de croire en nos paroles, en nos actions, en notre organisation. On a besoin de faire les choses par nous-mêmes, pour nous-mêmes et avec nous-mêmes, c’est une forme de reconquête d’un pouvoir muselé. Et c’est l’un des atouts de la non-mixité. À cela s’ajoute aussi, et c’est lié, la libération de la parole.

    «Contrairement à nos détracteurs, on ne se pose pas la question de la non-mixité à l’échelle de la société ou d’une temporalité indéfinie, ça n’a jamais été le sujet», précise également le texte.

    Contactée, Sihame Assbague nous a indiqué ne pas souhaiter répondre à la presse.