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    «Enlèvement à Kiabi»: ces statuts Facebook partagés des milliers de fois sont faux

    Cette rumeur qui circule en ce moment sur Facebook date de plusieurs années, et elle est tout à fait fausse.

    Depuis plusieurs semaines, des internautes partagent sur Facebook un texte qui évoque une tentative d'enlèvement dans un magasin Kiabi.

    Facebook: isabelle.pollet.3762

    Ce texte –toujours le même à la virgule près– explique qu'un enfant dans une poussette a disparu alors que sa mère «s'est tournée un instant».

    Facebook: celyine.derain

    «Les gérants ont fermé les portes et fouillé le magasin», affirme le texte. «Le petit était dans une cabine d'essayage avec trois hommes d'origine roumaine, ils changeaient les habits du petit et étaient en train de lui raser les cheveux, faites bien attention à vos enfants dans les magasins!»

    Certains de ces statuts ont été très partagés, comme les deux ci-dessous, chacun partagé plus de 25.000 fois.

    Facebook: severine.debon

    Sauf que cette histoire est complètement fausse et que ce texte date au moins de 2011.

    Facebook: 156676818098620

    «C'est une légende urbaine à laquelle nous sommes confrontés depuis des années», détaille une porte-parole de Kiabi à BuzzFeed News. «Aucun fait ne permet de l'étayer, mais malgré ça, cette légende urbaine persiste.»

    En 2011, comme l'explique cet article de La Voix du Nord, ce même texte avait été partagé plus précisément au sujet d'un Kiabi à Sin-le-Noble, dans le département du Nord (alors qu'il n'y a pas de Kiabi dans cette ville; il est situé en réalité dans la commune voisine de Dechy).

    À la même époque, ce texte a été posté sur plusieurs forums... mais cette fois au sujet du magasin d'Exincourt, dans le Doubs.

    Cet article de La Dépêche de juin 2011 évoque toujours la même rumeur dans un magasin en banlieue de Tarbes et à Bayonne.

    «Il y a deux ans, c'était avec IKEA. Le texte était le même, à la virgule près, sauf que le nom de l'enseigne avait été modifié», détaillait, à l'époque, Anne Herlax, chargée de la communication à Kiabi, à La Voix du Nord.

    On retrouve régulièrement des légendes urbaines qui circulent sur des histoires d'enlèvement d'enfant dans des magasins.

    Dans le cas d'IKEA, on retrouve une rumeur ressemblante dès 2005 en Belgique, selon Aurore Van de Winkel, spécialiste des légendes urbaines, dans son ouvrage Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits. La légende a même voyagé jusqu'à Hong Kong en 2010, avec quelques détails différents.

    Autre exemple, en 2012, Le Dauphiné rapportait une rumeur ressemblante sur le magasin Auchan de Guilherand-Granges. Le texte, partagé sur Facebook, disait:

    «Un papa faisait ses courses avec son petit garçon dans le chariot, au rayon fruits et légumes. Il se tourne pour la pesée, au moment de mettre les légumes dans son chariot, plus de chariot, et plus d’enfant. Il alerte les vigiles qui heureusement ont réussi à mettre la main sur deux Roumains qui avaient l’enfant. Mais ils ne sont pas seuls, d’autres tournent pour trafic d’organes.»

    Là encore, la rumeur faisait appel au stéréotype raciste des «Roumains voleurs d'enfants», là encore elle n'était pas fondée.

    Ces fausses informations font penser à la fameuse «rumeur d'Orléans», née en 1969, selon laquelle des femmes étaient enlevées dans les cabines d’essayage d'un magasin de la rue de Bourgogne tenu par des commerçants juifs.

    Bien que complètement fausse, elle a provoqué une vraie panique. Au fil des années, on a retrouvé des rumeurs très similaires dans d'autres villes, ne se basant sur aucun fait réel.

    Selon Aurore Van de Winkel, on retrouve plus généralement des histoires d'enfants enlevés et mutilés depuis des siècles. Autrefois, ces histoires ne stigmatisaient pas les Roumains mais souvent les juifs. Elle détaille dans son ouvrage:

    «À l'origine, les enfants étaient chrétiens et enlevés par des juifs à des fins de sacrifice rituel. Il existe toutefois une version symétrique antichrétienne. (...) Des chercheurs ont collecté, entre autres, des récits similaires d'enlèvement d'enfants retrouvés de justesse dans les cabines d'essayage ou les toilettes des grandes surfaces dans les années 70 aux États-Unis et en 1995 en Belgique, période de l'affaire Dutroux.»