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    Elle dénonce le stress des études de santé après la tentative de suicide d’une amie

    «Cette nuit mon amie a failli mourir parce que notre système éducatif ne prône aucune des valeurs qu'un aspirant médecin devrait posséder en priorité», a écrit sur Facebook l'amie d'une étudiante qui vient de faire une tentative de suicide.

    Marina Nowicki a 18 ans et elle est étudiante à l'université Lille 2.

    facebook.com

    Elle est étudiante en Paces. La Paces est la première année commune aux études de santé que doivent faire les élèves qui veulent ensuite poursuivre leurs études en médecine, dentaire, pharmacie ou maïeutique.

    Mardi 21 février, elle a posté sur son compte Facebook et sur le groupe de Paces de Lille 2 un témoignage poignant. Elle explique qu'une de ses amies de Paces a tenté de se suicider après avoir récemment appris qu'elle faisait partie des 15% les moins bien classés et qu'elle devait donc se réorienter.

    Facebook: nowickimarina

    «Cette nuit, à trois heures du matin, alors que la plupart devaient dormir, j'étais au téléphone avec le SAMU. Cette nuit mon amie a failli mourir parce que notre système éducatif ne prône aucune des valeurs qu'un aspirant médecin devrait posséder en priorité», y écrit-elle.

    «Cette nuit, mon amie a fait une tentative de suicide grave, et alors que j'essayais de la maintenir consciente, la seule chose dont elle me parlait, c'était de cette foutue PACES, continue-t-elle. A l'issue des concours de décembre, 15% des élèves sont "virés" de la fac. En plein milieu d'année, ils sont jetés, comme s'ils ne méritaient même pas de poursuivre au moins une année.

    (...) 15% sont virés qu'ils aient été travailleurs ou non, motivés ou non, tandis qu'une certaine proportion des élèves passeront en deuxième année en ayant eu un comportement exécrable, en ayant descendu les autres élèves.»

    Elle détaille ensuite les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les étudiants et étudiantes en Paces:

    «Parce que oui, gueuler des insultes dans les amphis, ça peut déstabiliser les plus fragiles. (...) Laisser un élève dégueuler par terre lors du concours et ne même pas l'autoriser à sortir cinq minutes, ça déstabilise les plus fragiles. Entendre que "vivement que les 15% dégagent" de la part d'un PROFESSEUR de la faculté, ça déstabilise les plus fragiles.»

    «Cette nuit, j'ai failli perdre une amie car notre système éducatif se fiche de vos motivations, parce que la prévention psychologique est jugée inutile, parce que la pression et le stress sont devenus les seuls moteurs de la filière "médecine"», se désole-t-elle.

    Elle donne ensuite des conseils aux étudiants en Paces:

    Gardez tous en tête qu'un putain de classement ne définit pas qui vous êtes. Que vous valez mieux qu'un chiffre sur une grille affichée dans le hall.»

    Elle explique regretter la concurrence qui peut régner entre les élèves.

    «N'oubliez jamais qu'une parole insignifiante pour vous peut être la goutte d'eau qui fera déborder le vase chez quelqu'un d'autre. Ne sous-estimez jamais les conséquences que peuvent avoir vos actes et vos paroles. Entraidez-vous, soyez attentifs les uns aux autres, prouvez que médecine ce n'est pas qu'une compétition, qu'au-delà de tout ça on peut être solidaires les uns des autres.»

    Son témoignage a été retweeté plus de 10.000 fois sur Twitter.

    Merci ÉNORMÉMENT à ceux qui ont partagé mon témoignage. Cette solidarité me touche beaucoup. J'espère réussir à fai… https://t.co/EKYgt5Ly4Z

    Il a également été relayé par la page «Et ça se dit médecin» et partagé plus de 5.300 fois.

    Facebook: ECSDM

    Contactée par BuzzFeed News, Marina explique que son amie est hospitalisée et que ses jours ne sont plus en danger. Elle détaille:

    «On a eu nos résultats de premier semestre début janvier. Elle était dans les 15% les moins bien classé et elle l’a très mal vécu. Les moins bien classés sont réorientés d’office. S’ils veulent retenter la Paces, ils doivent d’abord finir l’année dans un autre cursus, puis refaire une année à la fac pour valider des crédits ECTS, et seulement ensuite ils peuvent se réinscrire en Paces.

    Il y a une idée reçue qui veut que ceux qui sont dans ces 15% n’ont pas vraiment travaillé, mais j’ai vu des gens comme elle qui ont énormément bossé et qui n’ont pas réussi à être bien classés. Faire médecine, c’est son rêve. Ça l’a vraiment anéanti. Elle s’est retrouvée sans rien du jour au lendemain.»

    Marina raconte que, dans la nuit de lundi à mardi, elle a vu un message de son amie sur Instagram et qu’elle s’est doutée que quelque chose n’allait pas.

    «Je ne connais pas son adresse mais je l’ai contactée sur Facebook. J’ai vu à la manière dont elle me répondait qu’elle n’était pas dans son état normal et j’ai réussi à lui faire avouer qu’elle avait pris énormément de médicaments.»

    Marina a alors contacté le Samu, qui a pu se rendre chez son amie et la conduire dans un hôpital.

    Marina raconte qu’elle a «cogité toute la nuit» et que le lendemain elle a contacté le doyen de la faculté pour le mettre au courant de la situation. Avant d'écrire le texte qu'elle a posté sur Facebook.

    «J’ai reçu énormément de messages de personnes que je ne connais pas. Certains m’ont dit qu’ils avaient arrêté Paces en cours de route parce qu’ils n’en pouvaient plus, qu’ils ont fait des dépressions ou des tentatives de suicide...»

    Dans les commentaires sur Facebook, certains la remercient d'avoir écrit ce texte.

    D'autres débattent du stress des études en médecine.

    Marina souhaiterait que son amie puisse se réinscrire l’année prochaine en Paces, sans devoir valider une année supplémentaire à la fac. Plus généralement, elle aimerait que des choses soient faites pour améliorer les conditions d’études en Paces.

    «On n’est pas encadrés, on a très peu de vacances, énormément de personnes prennent du Guronsan pour arriver à tenir, il n’y a pas de solidarité entre les élèves... Comme c’est un concours, il peut y avoir une grosse rivalité entre étudiants et les gens se font parfois des sales coups entre eux.

    Je pense que le système de classement devrait être abandonné. Il faudrait mieux instaurer une note minimale: ça permettrait de supprimer cet esprit de question entre les étudiants. On devrait aussi avoir une épreuve orale pour évaluer pourquoi on veut devenir médecin. On nous bourre le crâne, des fois pour nous faire apprendre des matières qui ne nous serviront pas, sans se pencher sur notre motivation ou le fait de voir si on la vocation.»

    Contactée par BuzzFeed News, l'université Lille 2 a indiqué qu'elle avait bien reçu le mail de Marina mais qu'il ne leur était «pas possible de communiquer en réaction aux motivations, à l'état de santé et à la vie privée, sans l'accord d'une tierce personne qui ne s'est pour l'instant pas manifesté de sa propre initiative».

    L'université rappelle «que l'entrée dans le cursus des études de Médecine n'est pas restrictif, et qu'il ne comporte pas de concours d'admission» et avance qu'il «est notoire que la confrontation entre les ambitions de certains étudiants, leurs rêves et le concours de la Paces en cours de première année, forcement sélectif puisqu'il s'agit d'un concours, peut être un cap difficile à passer si on ne s'y est pas correctement préparé».