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Ces Françaises vont adapter ce livre féministe culte sur la santé des femmes

Dix Françaises veulent adapter dans notre langue Our bodies ourselves, grand classique du mouvement féministe.

Un collectif français vient récemment de lancer un financement participatif pour adapter en français le livre féministe Our Bodies, Ourselves.

Cet ouvrage, publié pour la première fois dans les années 70, a profondément contribué à changer notre regard sur les femmes et leur santé. Voici l'histoire de ce livre culte.

L'histoire d'Our Bodies, Ourselves a commencé en 1969, lors de la conférence pour la libération des femmes de Boston.

Lors d'un atelier intitulé «les femmes et leur corps», les participantes se mettent à discuter de la contraception, de l'orgasme, de l'avortement. Mais aussi du paternalisme de certains médecins ou encore de la pratique qui consiste, après une épisiotomie, à recoudre plus serré le vagin de la femme afin que l'acte sexuel soit censément plus agréable pour le conjoint.

Pour beaucoup, c'est la première fois qu'elles peuvent partager ces expériences. Et c'est une libération !

Certaines de ses femmes décident donc de se revoir. Au départ, il n'est pas question d'écrire un livre.

Les fondatrices d'OBOS lors d'une cérémonie au Elizabeth A. Sackler Center for Feminist Art, à New York, en 2017. / Via facebook.com

Elles veulent surtout continuer à débattre, se renseignent sur certains sujets médicaux, et s'échangent les informations.

Mais l'année suivante, elles décident de regrouper tout leur travail dans une brochure intitulée Women and Their Bodies (Les femmes et leur corps), vendue 75 centimes, pour que le plus grand nombre de femmes possible puisse y avoir accès.

En 1973, la maison d'édition Simon & Schuster publie la première version commerciale de l'ouvrage, mis à jour, qui s'appelle désormais Our Bodies, Ourselves.

«A l'époque, nous avions très peu d'information sur la sexualité, nous étions au Moyen Âge», explique dans cette vidéo Judy Norsigian, directrice executive du Boston Women's Health Book Collective.

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«Il y avait énormément de sexisme, de paternalisme et condescendance dans la médecine. Ce n'était pas un très bon endroit vers lequel se tourner pour avoir des réponses à ses questions. (...) Nous devions donc nous éduquer nous-même.»

Il s'agit donc d'avoir plus d'informations sur la santé des femmes, mais aussi de produire une expertise des femmes sur leur propre corps.

«Nous avons été parmi les premières à demander plus de recherche sur la santé des femmes, indique Judy Norsigian. Mais nous avons aussi réalisé que nous étions souvent les meilleures expertes de nos propre corps, et que nous devions mieux comprendre comment nos corps fonctionnent et ce que nous vivions.»

C'est pourquoi Our Bodies, Ourselves inclut dans ses pages de très nombreux témoignages à la première personne.

À l'époque, la démarche affichée est très clairement féministe et l'ouvrage, surnommé «OBOS», n'hésite pas à aborder des sujets considérés polémiques, comme l'avortement (qui est encore illégal) l'homosexualité (qui est encore considérée comme une maladie mentale) ou la masturbation.

À cause de ces chapitres, certaines voix se font entendre contre le livre, comme celle de Jerry Falwell du groupe évangélique The Moral Majority, qui estime qu'il s'agit d'«obscénités».

Mais les lectrices d'OBOS ont un avis assez différent: le livre a profondément marqué la vie de nombreuses femmes. En 2011, le Washington Post listait les éloges de certaines de ses lectrices:

«Il m'a encouragé à me sentir bien dans mon corps», «Cela a eu un impact très important sur mon choix de carrière», «C'est un exemple de plus que le savoir est une arme», «C'était littéralement notre bible», «Je suis devenue quelqu'un qui n'avait pas peur de savoir des choses, puis, plus tard, de les partager», «C'était un coup de tonnerre - et une des choses qui ont faites que le mouvement de libération des femmes a été si libérateur».

Le livre, dans sa version américaine, a été actualisé à de nombreuses reprises. Il en est à sa neuvième édition.

Mais surtout, il a été traduit ou adapté dans de nombreux autres pays. Selon le site de Our Bodies Ourselves, il a été édité dans trente langues différentes.

OBOS est aujourd'hui célébré comme une des travaux collectifs les plus importants de la seconde vague du féminisme américain. Il a été désigné par la bibliothèque du Congrès américain comme un des 88 livres qui ont fait les États-Unis.

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Mais a-t-on encore besoin de ce genre de livre alors qu'il suffit de taper notre question sur un moteur de recherche pour obtenir une réponse? Oui, selon Judy Norsigian, citée par CNN :

«J'interviens en moyenne dans 60 universités par an et c'est incroyable à quel point les jeunes sont mal renseignées. (...) Il y a énormément de désinformation. C'est un des avantages de ce livre: c'est probablement la source la plus fiable disponible sur les femmes et leur santé».

En France, une adaptation a été publiée en 1977, aux éditions Albin Michel. Mais elle n'est plus disponible et n'a jamais été mise à jour depuis.

C'est pour cela qu'un groupe de 10 Françaises veut produire une nouvelle version, adaptée au contexte français de 2018, pour lequel elles ont lancé un financement participatif, qui permet de pré-commander Notre corps, nous-mêmes.

«Aujourd’hui, nous avons envie de rendre accessible une information fondée et bienveillante, de reconquérir ce terrain, de disposer d'un livre de confiance, qui soit transmissible à nos filles, nos sœurs, nos mères, nos amies, nos compagnes… dès l’adolescence et jusqu'à la vieillesse», expliquent-elles sur leur page.

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Cette nouvelle adaptation française devrait être publiée en septembre 2019 chez Hors d'atteinte, une nouvelle maison d'édition féministe.

Une adaptation est également en cours au Québec, par «La CORPS féministe». Ce collectif collecte actuellement des témoignages pour alimenter son futur ouvrage.

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