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    Agression transphobe à Paris: «On sentait la haine»

    «J’ai déjà vécu des agressions et des insultes transphobes au cours de ma vie, mais jamais aussi violentes», explique à BuzzFeed News Émilie Dauby, qui a été frappée devant le Centre LGBT, à Paris. Elle a porté plainte. Plusieurs témoins confirment l'agression auprès de BuzzFeed.

    Mardi 11 avril, le Centre LGBT Paris-Île de France a publié un communiqué pour dénoncer l'«agression transphobe» qui est survenue quelques jours avant «devant le Centre LGBT».

    «C'est avec émotion et colère que les bénévoles, associations membres et adhérent-e-s du Centre LGBT de Paris Ile-de-France ont appris qu'un motard a agressé violemment Émilie Dauby, bénévole et militante à l'ANT et membre du conseil d'administration du Centre LGBT jeudi 6 avril 2017», indique le communiqué.

    «J’étais en train de traverser la rue, pour aller à la brasserie d'en face, Le Brelan, quand un motard a voulu passer entre le trottoir et moi», explique Émilie Dauby à BuzzFeed News.

    «Comme il m’a frôlée de très près, j’ai crié “connard”. Je n’aurais pas dû mais c’est sorti du cœur: un piéton engagé est prioritaire sur tout véhicule, c’est le code de la route!»

    Elle explique que l’homme a alors freiné et garé son véhicule sur le trottoir et a «commencé à [la] bousculer».

    «À ce moment, je lui explique qu’il faut s'arrêter quand il y a un passage clouté. Mais là, il se rend compte que je suis une femme transgenre et les injures à caractère homophobe et transphobe fusent: “Fil de pute, sale pédé, travelo, enculé…”

    Il me suit à l‘entrée de la brasserie. Je lui réponds que je suis une femme. Je me tourne pour rentrer dans la brasserie et là il me décoche un coup de poing sur le côté. Je suis tombée au sol, je pissais le sang. Il a voulu continuer à me frapper à coup de pieds, mais un client de la brasserie l’en a empêché.»

    Résultat de l'agression: Émilie Dauby dit avoir avec un nez cassé et une arcade sourcilière fendue. «Les cervicales ont aussi pris, je dois porter une minerve. Et je vais être opérée du nez jeudi», détaille-t-elle.

    «On connaît la victime, elle déjeune souvent chez nous», explique Mme Lim, la patronne du Brelan, à BuzzFeed News. Et de raconter:

    «Je n’ai pas vu le début de l’altercation mais j’ai vu l’homme lui donner un coup de poing sur la figure. Elle avait du sang qui coulait de son nez. Avec une autre personne, je l’ai aidée à se relever et à s’asseoir sur une chaise. L’homme est parti comme ça, sans rien dire.»

    Le chef du Brelan, qui a vu le début de la scène, confirme qu’un homme sur un scooter «a accéléré au lieu de freiner». Il décrit:

    «Dès qu’il est descendu de son scooter, la première chose qu’il a dite c’est “sale pédé, sale travelo” et il l’a frappée. Si ç'avait été contre un mec comme moi, il ne l’aurait jamais fait.»

    Émilie Dauby explique que le personnel du bar a alors appelé les secours et que plusieurs personnes ont eu le temps de relever le numéro de la plaque d'immatriculation. «Ils m’ont vraiment aidée. D'ailleurs, je suis revenue vendredi pour leur offrir un bouquet de fleurs», précise-t-elle.

    Émilie Dauby a porté plainte le jour-même et dit avoir eu 12 jours d'ITT. Pour elle, le caractère transphobe de l'agression ne fait aucun doute:

    «Si j’avais été une femme cisgenre, je pense qu’il aurait eu des scrupules à taper. Dès qu’il s’est rendu compte que j’étais une femme transgenre, c'est là que les insultes à caractère homophobe et transphobe ont commencé à pleuvoir.»

    Sur la première page du procès verbal de sa plainte, que BuzzFeed News a pu consulter, l'infraction est qualifiée de «violence suivie d'incapacité supérieure à huit jours» et d'«injure publique envers un particulier en raison de son orientation ou identité sexuelle».

    «Il y a un traumatisme extrêmement violent, témoigne encore Émilie Dauby. C’est très choquant car on est agressées pour ce que l’on est.»

    «J’ai déjà vécu des agressions et des insultes transphobes au cours de ma vie, mais jamais aussi violentes. Je ne pensais pas, à titre personnel, être victime d’une telle agression un jour.

    À partir du moment où il a réalisé que j’étais une femme trans, c'est devenu très agressif, très violent. S’il avait pu en faire plus, il l’aurait fait, on ressentait la haine.»

    «On va demander des dommages et intérêts car il y a un préjudice physique, un préjudice de douleur; c’est une agression transphobe», indique à BuzzFeed News Me Emmanuel Pierrat, dont le cabinet a pour cliente Émilie Dauby.

    «Ça me semble nécessaire, moralement, de montrer que les agressions à caractère transphobe sont réprimées. Symboliquement, c’est important. Il faut qu’elles soient pénalement sanctionnées.»

    L’avocat précise qu’il n’est pas certain que la police arrive à retrouver l’agresseur car la plaque d'immatriculation ne signifie pas que le propriétaire est forcément l’agresseur.

    Selon lui, «à Paris, les policiers sont assez conscients de la nécessité d'agir, on n’a pas les mêmes soucis qu’il y a quelques années, avec des cas où ils pouvaient considérer qu’“elle l’avait bien cherché”. Aujourd’hui, l’attitude de la police a évolué. Mais malgré leurs efforts, cela peut être compliqué de rapporter la preuve de l'agresseur.

    Si l’agresseur est retrouvé par la police, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, alors ça peut se traduire symboliquement par des dommages et intérêts.»

    Le 12 avril après-midi, Anne Hidalgo, la maire de Paris, a indiqué sur Twitter qu'elle condamnait «avec fermeté cette agression» et qu'elle apportait son soutien à la victime et au Centre LGBT.

    Je condamne avec fermeté cette agression et apporte mon soutien à la victime et au @CentreLGBTParis. Soyons unis co… https://t.co/nojtjwGHZo

    Dans son communiqué, le Centre LBGT rappelle que «pas moins de 63 témoignages de transphobie ont été enregistrés par SOS homophobie sur l'année 2016, faisant bien souvent état de violences physiques ou de menaces».

    Mise à jour

    Ajout du tweet d'Anne Hidalgo.