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    Bac: des lycéennes voilées disent avoir dû montrer ce qu'il y avait «sous leur robe»

    Deux lycéennes ont décrit des contrôles très poussés visant uniquement les jeunes femmes voilées dans un lycée parisien. «Elles ont subi un traitement inadmissible» selon leur cheffe d'établissement. Mais l'académie dément tout abus et parle de «vérification conforme».

    Dans une série de tweets, Randa, lycéenne en première ES au lycée parisien MHS (privé hors contrat), explique qu'elle et d'autres camarades voilées ont été contrôlées de façon très poussée lors de ses épreuves anticipées du baccalauréat.

    Je suis eleve en 1ere ES dans un lycee privee qui me permet de garder mon voile. Cette semaine jai passé mon de bac de francais et de scienc

    Ces contrôles, qui ont été menés pour éviter les tricheries, se sont passés au Lycée Victor Hugo, dans le 3e arrondissement de Paris, le jeudi 15 et lundi 19 juin. Randa dit à BuzzFeed News avoir dû «secouer ses cheveux».

    Randa a précisé à BuzzFeed News que contrairement à ce que ses tweets pouvaient laisser entendre, il n'y a pas eu de fouille au corps ou de palpation.

    «On était déjà en classe, on avait déjà les feuilles sur les bureaux» nous raconte Izza, une autre lycéenne en première S scolarisée dans le même lycée. Elle dit avoir dû remonter sa robe jusqu'aux hanches.

    «La cheffe d'établissement nous a demandé de venir dans une sorte de vestiaire. On nous a demandé de retirer le voile, ce que je trouve normal. Mais ensuite, j'ai dû écarter les jambes et lever ma robe jusqu'aux hanches», ajoute-t-elle. «Il y avait 5 autres élèves dans la pièce. Cela m'a beaucoup surpris, parce qu'étant redoublante, j'ai déjà passé l'épreuve de français dans un autre centre et on n'avait même pas vérifié mes oreilles.»

    Les lycéennes n'ont pas vu d'autres élèves contrôlées de la sorte. Il n'a été demandé à aucune autre élève aux cheveux attachés de les détacher pour vérifier la présence d'écouteurs ou d'anti-sèches, par exemple.

    «Elles ont subi un traitement inadmissible», estime Hanane Loukili, directrice pédagogique du lycée MHS auprès de BuzzFeed News. Elle a recueilli plusieurs témoignages de ses élèves. «On va se plaindre auprès du rectorat», ajoute-t-elle.

    «C'est la première fois que l'on constate de genre de chose, et nous souhaitons avoir des explications de la responsable. On ne veut pas que cela se reproduise.»

    Contacté, le ministère de l'Éducation nationale n'a pas souhaité commenter la situation et nous a renvoyé vers l'académie de Paris. Une porte-parole de l'académie de Paris dément tout abus et explique que «la vérification d'usage» s'est faite «conformément».

    «C'est la cheffe d'établissment qui a procédé à la vérification d'usage, qui s'est faite conformément. On demande à la personne de retirer son voile, et, si elle porte plusieurs couches de vêtements, de retirer les couches supérieures et de lever les bras. Il n'y a pas eu de jupe soulevée», affirme la porte-parole. Contactée, la directrice de l'établissement n'a pas encore répondu à nos solliciations.

    Les personnes portant des signes religieux qui se présentent au bac en candidat libre ou en venant d'un lycée privé hors contrat ne sont pas concernées par la loi de 2004 sur la laïcité à l'école:

    La loi ne s'applique pas «aux candidats qui viennent passer les épreuves d’un examen ou d’un concours dans les locaux d’un établissement public d’enseignement et qui ne deviennent pas de ce seul fait des élèves de l’enseignement public. Ceux-ci doivent toutefois se soumettre aux règles d’organisation de l’examen qui visent notamment à garantir le respect de l’ordre et de la sécurité, à permettre la vérification de l’identité des candidats ou à prévenir les risques de fraudes», explique une circulaire du ministère de l'Éducation nationale.

    BuzzFeed News a contacté l'avocat Sefen Guez Guez, qui traite régulièrement de ces questions —il a notamment traité la question du burkini en 2016 pour le CCIF.

    Il estime, d'après le récit des lycéennes, qu'il peut y avoir à la fois «une discrimination dans le contrôle» (seules les étudiantes voilées sont concernées) et «un caractère disproportionné» (si une étudiante a dû soulever sa robe).