Aller directement au contenu

    Une buraliste refuse de donner des colis à des femmes voilées: trois mois avec sursis requis

    La buraliste est visée par quatre plaintes venant de femmes voilées.

    Mise à jour du vendredi 25 mai : Le procureur de la République d'Albi a requis 3 mois de prison avec sursis et 3000 euros d'amende contre Marie Pinier, qui comparaissait jeudi 24 mai pour discrimination fondée sur la religion et refus d’un bien ou d’un service dans un lieu accueillant du public.

    Le tribunal a mis son jugement en délibéré le 28 juin. Anaïs Raillant, une des quatre plaignantes, s'est dite «très satisfaite» de la réquisition auprès de BuzzFeed News.

    Anaïs Raillant a récemment emménagé à Albi, dans le Tarn. Cette stagiaire de 29 ans s'est rendue le 13 avril au Tabac Pinier, le relais Pickup le plus près de chez elle. Sauf qu'elle porte un voile, et que la gérante a refusé de lui rendre son colis si elle n'enlevait pas son voile.

    Facebook: anais.riallant.7

    «De ma vie, je n'ai jamais autant été humiliée», dit-elle à BuzzFeed News après avoir raconté l'incident sur Facebook. La cliente disait porter un jilbeb, une robe longue et ample qui ne cache pas le visage et qui est légal dans l'espace public en France.

    Elle confirme auprès de BuzzFeed s'être rendu au commissariat pour porter plainte pour «discrimination».

    Lorsque la jeune femme a demandé à pouvoir récupérer son colis, la gérante lui a demandé de se découvrir. Anaïs Raillant lui a proposé de retirer son voile, mais dans un espace moins exposé, ce que la gérante à refusé.

    Contactée par BuzzFeed, la gérante assume sa décision. «Je n'ai pas d'endroit à part dans un bureau de tabac, nous dit-elle. En France, si on autorisait les personnes à porter un foulard sur les cartes d'identité, je les reconnaîtrais», a-t-elle ajouté.

    La gérante du tabac avait affiché sur sa devanture la circulaire du 2 mars 2011 relative à la mise en œuvre de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, qui ne concerne donc pas les femmes qui portent un simple voile. Cette affiche est accompagnée de photos qui présentent les conditions requises pour faire des photos d'identité règlementaires, ce qui n'a rien à voir.

    Ce n'est pas la première fois qu'un incident de ce genre se déroule à ce tabac. Deux autres plaintes, portant sur des faits similaires ont été déposées contre ce bureau de tabac, d'après Me Guez Guez, avocat du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui s'est constitué partie civile.

    Une plainte date de décembre 2016, une autre de décembre 2017. La gérante du tabac a confirmé l'existence de ces deux plaintes. Un procès se tiendra le 14 mai, à Albi, sur la base de ces deux plaintes. Contacté, son avocat ne nous a pas répondu.

    Voici un enregistrement audio de la discussion entre la plaignante de décembre 2016 et la gérante du tabac, qui venait pour la deuxième fois chercher son colis.

    Facebook: video.php

    L'enregistrement s'est fait à l'insu de la gérante. Sa voix est clairement reconnaissable sur l'enregistrement. En voici une retranscription, lorsque la gérante arrive :

    «Pour des raisons de sécurité, on n'accepte pas les gens qui ont un voile sur le vis... sur la tête, dit la gérante.
    — Mais j'ai pas de voile sur le visage là, répond la cliente.
    — Non, sur la tête.
    — Mais monsieur a un chapeau.
    — Monsieur a un chapeau, mais les bérets et les bonnets c'est le seul truc qu'on accepte. Qu'est-ce que vous faites avec votre téléphone, là, madame ?
    — Je fais rien !
    — Ensuite, je vous explique pourquoi, c'est parce que votre voile a un grand truc derrière et que vous pouvez dissimuler votre identité. Et pour des raisons de sécurité...
    — Mais non, on voit très bien sur ma carte d'identité.
    — Non.
    — Vous avez pas le droit de faire ça.
    — Regardez madame, c'est marqué dehors.
    — Oui, mais c'est une loi que vous avez inventée.
    — Non, c'est pas une loi qu'on a inventée, dans les lieux publics. Normalementn on ne doit pas dissimuler le visage.
    — Mais mon visage il est pas dissimulé, là, madame !
    — Votre identité ! Votre identité madame.
    — Mais mon identité vous la voyez très bien (...) Je paye des chèques avec, madame.
    — La pièce d'identité doit correspondre à ce que l'on voit en face.
    — C'est complètement hors-la-loi ce que vous faites.
    — Le colis n'est pas encore arrivé, dit un employé.
    — Le colis n'est pas encore arrivé mais je reviendrai comme ça.
    — On ne vous le donnera pas parce qu'on ne pourra pas contrôler votre identité. Est-ce que sur votre photo vous avez un voile ? (...) Madame, vous n'avez pas de voile sur votre pièce d'identité, pourquoi je pourrais pas contrôler votre identité comme sur votre pièce d'identité ? Voilà. Je vous souhaite une bonne journée madame.»

    Le groupe La Poste, maison mère des relais Pickup, a indiqué à BuzzFeed News ne pas demander aux relais de faire enlever leur voile aux destinataires de colis.

    «Les relais Pickup doivent vérifier l’identité des personnes qui se présentent pour retirer un colis. Un voile ne faisant pas obstacle à un contrôle d’identité, Pickup ne demande jamais à ses relais de le faire retirer aux destinataires de colis.

    Nous avons donc averti ce relais, en lui demandant de ne pas exiger des clients retirant un colis Pickup qu’ils ôtent leur voile.»

    La gérante du tabac Pinier, elle, se dit «outrée et choquée» des messages qu'elle a reçu après la publication Facebook d'Anaïs Raillant.

    «Je suis outrée et offusquée que ça prenne autant d'ampleur juste pour un contrôle d'identité. J'ai l'impression d'être la tête à abattre.»

    Mise à jour

    Ajout de l'enregistrement audio.