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    En 2018, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas que la «blackface» est raciste

    Antoine Griezmann, star mondiale du foot entourée de communicants, a plaidé la «maladresse» après s'être déguisé en caricature raciste.

    Dimanche 17 décembre au soir, le footballeur Antoine Griezmann a créé la polémique en se grimant en «blackface». Ce déguisement raciste consiste, quand on n'est pas Noir, à se peindre la peau en noir ou à adopter des traits physiques associés aux personnes noires.

    Si un footballeur entouré de communicants, qui fréquente d'autres footballeurs noirs au quotidien, peut plaider la «maladresse» lorsqu'il se déguise en caricature raciste, c'est qu'il y a encore beaucoup de travail à faire sur la question de la «blackface».

    Faisons quelques rappels. La blackface est un terme anglais qui désigne le déguisement porté par des acteurs blancs dans les minstrel shows au XIXe siècle et lors de la première moitié du XXe siècle aux États-Unis.

    Si le terme est d'origine américaine, ce n'est pas parce que la blackface n'existait pas en France et en Europe. Comme le rappellait Slate l'année dernière, c'est juste que cette pratique n'était pas qualifiée.

    «Si le blackface est quand même plus américain que français — puisqu’il n’y a pas la même tradition profonde qu’aux Etats-Unis —, les caricatures racistes ont pu prospérer pendant longtemps et de manière absolument évidente dans l’espace public français, au cinéma ou dans le spectacle», explique l'historien Pap Ndiaye au site d'information. Et l'histoire colonialiste européenne s'appuyait sur des clichés racistes similaires à ceux qui ont nourri la culture esclavagiste américaine.

    D'autres termes se sont construits sur ce modèle pour désigner d'autres déguisements racistes : «yellowface», pour les personnes est-asiatiques, «brownface» pour les personnes latino-américaines, d'Afrique du nord, du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud et «jewface» pour les caricatures antisémites.

    Que ce soit au carnaval de Dunkerque, ou lors des festivités de Noël aux Pays-Bas, se grimer en personne noire fait partie de la tradition.

    Dans une tribune, le journaliste Pierre d'Almeida explique pourquoi ces pratiques «traditionnelles» sont racistes et renforcent les dynamiques racistes dans la société en général.

    «J’habitais alors à une vingtaine de minutes en voiture de la frontière belge. Au mois de mars de chaque année, des centaines de "Noirauds" paradent le visage maquillé de noir dans les rues de Bruxelles pour récolter des fonds. À l’école primaire, on m’avait une fois traité de "Noiraud"», raconte-t-il. «Quand vous êtes Noir-e le temps d'une soirée, vous ne l'êtes pas à un entretien d'embauche, quand vous cherchez à louer un appart, ou quand vous faites vos courses, suivi-e par un vigile.»

    Pourtant, la blackface ne se cantonne pas aux traditions et fait régulièrement son apparition dans les médias et au cinéma.

    Ce n'est pas parce qu'une pratique n'est pas haineuse qu'elle n'est pas raciste.

    Avant de supprimer la photo, Antoine Griezmann a parlé d'un «hommage». Une journaliste de Elle qui s'était «déguisée» en Solange Knowles en 2013, a expliqué dans ces excuses qu'elle en était fan. Cela n’enlève rien au caractère raciste de la chose. Quand on caricature les traits physiques de toute une population, on ne rend pas hommage.