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    Les attaques sexistes contre Myriam El Khomri récupérées par le gouvernement

    La ministre est visée par des propos machistes ces derniers jours, que le gouvernement utilise contre ceux qui critiquent sa loi.

    Myriam El Khomri a été hospitalisée après un «petit malaise» mardi 1er mars. «Par prudence, elle passe des examens à l'hôpital» a indiqué son cabinet. Une indisponibilité qui a suscité de nombreux commentaires, en pleine polémique sur son projet de loi.

    Jean-Marie Le Guen a dénoncé dans la foulée «la manière dont cette jeune ministre est souvent attaquée parfois par des gens de gauche [et qui], je crois, pèse aussi beaucoup sur elle».

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    Le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement a également parlé d'un épisode de fatigue déjà survenu «il y a trois semaines».

    Mais, quelques heures plus tard, François Hollande corrigeait le tir en indiquant que Myriam El Khomri avait eu «non pas un malaise, mais un accident domestique» et qu'elle serait sur pied le soir même.

    Elle aurait en réalité «fait une chute à son domicile et le malaise est consécutif à cette chute», a ensuite détaillé le cabinet de la ministre à Reuters. Il ne s'agirait donc pas d'un épisode de fatigue dû à la protestation contre le projet de loi sur la réforme du travail.

    Le président de la République était visiblement soucieux que cette hospitalisation ne soit pas perçue comme un signe de faiblesse politique. Mais le terme choisi, «l'accident domestique», a fait tiquer.

    François Hollande «n'aurait jamais utilisé ce terme au sujet d'un homme», tranche Françoise de Panafieu, interrogée par BuzzFeed France. «L'expression me fait pleurer de rire, si ce n'est pleurer de consternation», ajoute celle qui à plusieurs reprises a dénoncé le sexisme en politique.

    «Ce n'est pas forcément sexiste s'il s'agit réellement d'un accident domestique» nuance de son côté Mariette Sineau, directrice de recherche CNRS au CEVIPOF spécialisée dans le genre et la politique. «Mais il est vrai que le mot évoque tout de suite la maison, où l'on renvoie souvent les femmes. C'est évident qu'il y a eu une maladresse de communication. Le président aurait mieux fait de nommer l'accident en question car la généralité du terme incite à douter.»

    Mardi soir, dans un édito sur L'Opinion, Nicolas Beytout évoquait, lui, une ministre «indisposée», «un peu frêle pour porter le boulet de la réforme du Code du travail» et proposait de la remplacer par le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.

    Les mots utilisés ont été vivement critiqués.

    #ElKhomri "indisposée" et "frêle" selon Beytout dans l'Opinion. https://t.co/OHpiBLVkud Aurait-on employé les mêmes mots pour #fabius?

    Laurence Rossignol, la ministre de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes a, de son côté, parlé de «misogynie poussiéreuse».

    Le choix du mot "indisposée" qu'utilisaient nos grand-mères pour parler des règles ou la misogynie poussiéreuse https://t.co/gs7OFnLZvT

    Une analyse partagée par Mariette Sineau:

    «La citation de Nicolas Beytout est le reflet d'une idéologie de droite particulièrement conservatrice teintée de sexisme.

    Il renvoie les femmes à leurs règles et au fait qu'elles ne seraient pas capables d'exercer une profession de haut niveau.»

    Myriam El Khomri, victime de remarques sexistes? Cela ne fait aucun doute pour Caroline De Haas, la militante féministe pourtant à l'origine de la pétition en ligne contre la loi travail qui rencontre un succès inédit en France.

    «En tant que femme, jeune et non-blanche, Myriam El Khomri est la cible de commentaires insupportables, c'est intolérable. Ça m'interpelle qu'on parle d'accident "domestique" alors que je n'ai pas l'impression qu'on utilise ces termes quand il s'agit d'un homme. Quant aux termes de Nicolas Beytout, ils ont vocation à la rabaisser et à l'humilier. C'est assez souvent ce qu'il se passe quand on parle d'une femme politique.»

    La militante cite également, comme autre exemple de remarques déplacées, des commentaires laissés sur la pétition en ligne évoquant la binationalité de Myriam El Khomri. «Bien sûr, nous les avons tout de suite effacés», précise-t-elle.

    Ce machisme tombe à pic pour le gouvernement, où des voix tentent de l'utiliser contre les critiques de sa loi. Jean-Marie Le Guen a estimé mardi que Myriam El Khomri était plus durement attaquée parce qu'elle était une femme, «y compris par des femmes».

    D'après Le Guen, si Myriam El Khomri est durement attaquée, c'est parce que c'est une femme https://t.co/4EyOvJX1KY

    «Myriam El Khomri a été la cible d'une attaque violente venant d'une femme», a abondé Ségolène Royal sur le plateau d'i-Télé dans la foulée.

    Interrogée par Laurence Ferrari sur un manque hypothétique de solidarité entre les femmes, la ministre de l'Environnement a estimé que sa consœur avait «été la cible d'une attaque féminine, venue d'une femme en tout cas, violente puisque même son nom a été utilisé dans cette diatribe.»

    En communiquant ainsi, les membres du gouvernement semblent vouloir récupérer les remarques sexistes essuyées par leur collègue afin de dénoncer ceux qui critiquent le projet de loi.

    Dans leur viseur: Martine Aubry, auteure d'une tribune virulente contre la réforme, et Caroline De Haas, ancienne militante PS, qui a lancé avec d'autres la pétition en ligne.

    Pourtant, les deux femmes n'ont jamais tenu de propos sexistes et se sont strictement limitées à la critique du texte et du gouvernement.

    Et les premières remarques déplacées ont surtout pris de l'ampleur mardi, une journée marquée par la communication maladroite de l'exécutif sur la chute de la ministre, qui a laissé penser à certains que ce «malaise» cachait un embarras politique.

    «En dézinguant sa loi, Martine Aubry a-t-elle fait glisser Myriam El Khomri mardi matin dans sa douche?» a ironisé, en réaction aux propos de Le Guen, la journaliste politique Laure Bretton dans un édito dans Libération qui dénonce le «bal des machos».

    «Le féminisme a bon dos parfois», renchérit Caroline De Haas:

    «Je trouve ça malhonnête que Jean-Marie Le Guen, qui ne brille pas par son engagement féministe, utilise le féminisme pour expliquer que c'est un problème qu'on lance une pétition en ligne.»

    Interrogée sur les compétences de la ministre, la militante féministe juge qu'il ne s'agissait pas «d'un problème de personne». «J'ai vu que certains l'attaquaient sur le fait qu'elle n'a jamais travaillé dans le privé, mais ce n'est pas le problème selon moi, ni sa potentielle "fragilité". Le problème, c'est sa loi, qui est une loi de droite.»