Aller directement au contenu

    Cette affiche sur les troubles alimentaires choque sur Twitter

    «Je trouve ça tellement violent: cela nous fait culpabiliser à cause de notre morphologie», avance la lycéenne qui a tweeté l'affiche.

    Samedi 18 mars, une jeune fille qui tweete sous le pseudo d'«Opium» (et préfère rester anonyme) a posté sur Twitter la photo d'un poster affiché dans l'infirmerie de son établissement, le lycée Jeanne d'Arc à Clermont-Ferrand.

    il y a ça affiché à l'infirmerie de mon lycée ; vous trouvez pas que c'est totalement inapproprié ? ??

    Sur cette affiche, on peut voir des dessins montrant une jeune femme ignorée par un garçon dans une boîte de nuit, avec le slogan: «Dommage les filles, à force de vouloir être trop maigres, vous en devenez transparentes».

    En bas de l'affiche, on peut lire «Exposition réalisée par le conseil régional des jeunes d'Auvergne, en collaboration avec l'association Avenir Santé».

    Contactée, Opium dit avoir 17 ans et être en terminale L et explique qu'elle a été blessée par cette affiche. «Je ne trouve pas ça normal, ce n’est pas un beau message à faire passer à des jeunes filles. Je n’arrive pas à comprendre ce que les infirmières trouvent de bien dans ce visuel.»

    «Déjà, c’est un problème que l’affiche mette en avant le fait de plaire aux garçons», détaille la jeune fille, qui explique avoir des troubles du comportement alimentaire.

    «Les filles ne font pas forcément attention à leur physique pour plaire aux hommes. Il faut s'accepter pour soi, pas pour les autres.»

    Elle regrette par ailleurs le «lien fait entre transparence et maigreur».

    «Je trouve ça tellement violent: cela fait nous culpabiliser à cause de notre morphologie, alors que ce n’est pas forcément notre faute si on est très minces.»

    Elle explique regretter les moqueries dont peuvent être victimes les filles maigres ou très minces.

    «Aujourd’hui, j’ai des troubles du comportement alimentaire. Mais même avant ça, j’ai toujours été très fine, c’est ma morphologie, je n’ai jamais réussi à grossir. Ce n’est vraiment pas agréable de se faire traiter de “rachitique”, ou qu’on nous dise “faut manger”.

    De la même manière, pour cette affiche, je ne suis vraiment pas sûre que des slogans trash comme ça soient efficaces. Pour moi, elle ne traite pas le problème de la bonne manière. Elle est complètement à côté de la plaque. Il faudrait mieux faire passer le message qu'il faut aimer son corps, prendre soin de soi, faire attention à sa santé. Et être bienveillant envers son corps, insister sur le fait qu’il n’est pas notre ennemi.»

    Le tweet d'Opium a été partagé plus de 4400 fois. Comme elle, de nombreux internautes regrettent que l'affiche insiste sur l'importance du regard des hommes...

    Traduction de cette affiche indécente : "Mange à ta faim mais pas pour toi, pour les mecs !" https://t.co/Pc9maXiZMd

    [TW TCA] Le problème de l'anorexie n'est pas de ne pas plaire aux mâles. Elle tue. Les injonctions corporelles aussi https://t.co/ArTgvUnMtR

    ... qu'elle culpabilise les jeunes femmes...

    Les adolescentes trop maigres, on leur dit déjà en permanence qu'être plates les rend indésirables. Ça les enfonce. https://t.co/99gpbxAPNv

    En tant qu'ancienne ano cette affiche me dépite. Je le suis pas devenue pour me faire remarquer des mecs mais pcq j… https://t.co/v1TiXGejQC

    ... et qu'elle contribue au bodyshaming, c'est-à-dire au fait de faire culpabiliser quelqu'un en raison de son corps.

    20/20 en bodyshaming nonsense https://t.co/BdC7wqrS6P

    D'autres conseillent carrément d'arracher l'affiche.

    (TW bodyshaming, sexisme) Je te conseille d'arracher cette affiche et de la brûler dans un grand feu de joie devant… https://t.co/Zsa6PRslwh

    c'est horrible putain, arrachez l'affiche https://t.co/hte1BgDVsW

    «Cette affiche était là bien avant notre prise de fonction et on l’a laissée», nous indique une infirmière de l’établissement. «On ne s'est pas posé la question; elle ne nous a jamais posé de problème.»

    Elle avance qu’elle «entend les reproches», car «c’est vrai que le message n’est pas assez basé sur le bien-être», mais défend tout de même l’affiche:

    «Moi, elle ne me choque pas. Je trouve qu’elle parle bien aux jeunes filles. Le message est clair, et on sait que les jeunes sont aussi dans un rapport de séduction. Je crois que le message peut faire écho chez certaines jeunes filles.

    L'affiche évoque aussi la nécessité de faire trois repas par jour, et peut donc alerter des amis de jeunes filles qui ne mangeraient plus le midi.»

    L’infirmière met aussi en avant le fait qu'elle et ses collègues ont «peu d’affiches à disposition sur le sujet».

    «Cette campagne est particulièrement ancienne puisqu’elle date de 2002», précise Renaud Bouthier, le directeur de l’association Avenir Santé, qui a co-réalisé l'affiche. Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’une campagne auvergnate «qui avait la caractéristique d'être faite par des jeunes».

    «L’idée était de donner la parole à des jeunes pour que leurs messages sensibilisent d’autres jeunes. On avait fait une campagne sur différents thèmes, dont celui-là, avec une logique d’accroche assez forte, et de conseils. L’idée était de susciter par une accroche un peu impertinente, pourquoi pas choquante, la conversation et le débat. C’est une affiche qui a circulé dans les lycées pour susciter le débat. Ce sont des paroles de jeunes et on a voulu respecter cette parole-là.»

    Il explique cependant comprendre les critiques formulées sur les réseaux sociaux ces derniers jours.

    «C’est une affiche qui n’avait de raison d’être que si elle était accompagnée dans les établissements scolaires par les équipes de l’association. On en débattait. Il faut être bienveillant vis-à-vis des personnes qui ont des troubles du comportement alimentaire. Là, cette bienveillance peut ne pas apparaître si on ne va pas plus loin, si on s’en tient à cette forte interpellation voulue par les jeunes du conseil régional.»

    Ce pharmacien indique ne pas savoir si Avenir Santé referait la même affiche aujourd’hui.

    «Les temps ont changé, on est plus prudents. Ça serait peut être un peu plus travaillé sur les termes, on pointerait peut-être un peu moins ce côté “vouloir” être trop maigre, on atténuerait les choses. J’ai le sentiment qu’on serait sûrement allés sur d’autres idées. Car le terme “transparence” peut être difficile à vivre.»