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    Après les révélations sur les enfants de Fillon, les gens racontent leurs galères d'étudiants

    «J'ai tweeté sur le hashtag #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon pour qu'il y ait une prise de conscience de la précarité dans laquelle évoluent les étudiants», explique un de ces internautes à BuzzFeed News.

    Selon Le Canard enchaîné, François Fillon aurait non seulement employé sa femme, mais également deux de ses enfants, comme assistants parlementaires.

    Sur Twitter, de nombreux internautes ont réagi à ces nouvelles révélations en ironisant sur la différence entre ces salaires et les difficultés qu'ils avaient rencontrées quand ils étaient étudiants.

    donc moi je passe mes samedis à prendre des appels pendant qu'une étudiante touche 4000 balles par mois avec l'argent public mdr

    La journaliste et directrice du Bondy Blog Nassira El Moaddem a lancé le hashtag #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon, très repris, pour «raconter la galère qu'ont été nos études».

    Allez on lance #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon pour raconter la galère qu'ont été nos études à bosser parfois comme des tarés pr se les payer

    Le hashtag est resté plusieurs heures dans les «tendances» de Twitter.

    «Je pense que, dans ce genre d’affaires, c’est toujours bien d’avoir en tête la réalité sociale de ce pays», dit-elle à BuzzFeed News. Et d'ajouter:

    «Ces révélations sont incroyables et elles le sont d’autant plus quand on connaît la réalité à laquelle sont confrontés la plupart des étudiants. Une bonne partie d'entre eux galèrent pour financer leurs études et quand on voit tous ces tweets, on en prend la mesure.»

    Nous avons demandé à six internautes qui ont tweeté leurs galères via ce hashtag de nous raconter pourquoi ils estiment qu'ils ne sont «pas les enfants de Fillon».

    Lilith, étudiante

    #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon j'ai dû quitter mon école avant la fin de mon diplôme parce que les banques me refusaient 7000€.

    #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon sinon je n'aurais pas eu besoin de rater des journées entières de cours le temps d'un CDD à temps plein.

    «J'ai réussi à financer ma première année d'école, mais pour la deuxième, ça a été autre chose...», dit Lilith à BuzzFeed News.

    «Toutes les banques rencontrées m'ont tourné le dos sous prétexte que j'avais déjà un petit prêt à mon actif et/ou que mon garant, pourtant fonctionnaire, n'était pas suffisant pour la somme demandée (que 7000 euros). Ce n'était pas facile, j'étais à 10 jours de la rentrée et je n'avais aucun plan de secours. J'ai dû quitter mon école.

    Sinon, j'ai dû aussi rater 10 jours de cours parce que j'avais décroché un contrat en CDD. C'est triste de devoir choisir entre étudier et gagner de l'argent, mais ça arrive souvent. J'ai aussi passé deux ans sans mutuelle parce que ça coûte moins cher d'aller chez le médecin une fois par an que de payer 20 euros par mois pour une mutuelle qui ne couvre rien.

    Je ne compte pas les amis qui vivent dans des 8m2, ceux qui n'ont même pas le droit à la bourse alors qu'ils n'ont plus de contact avec leurs parents, ceux qui ont arrêté leurs études pour travailler...

    On nous dit qu'on est l'avenir de cette société, mais personne ne croit à ça. Tout le monde se débrouille, tout le monde essaie. Certains échouent et certains réussissent.»

    Malik (Oswald sur Twitter), référent des filières du tertiaire dans un lycée, 29 ans

    #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon parce que j'ai dû sacrifier soirs week-ends et vie sociale pdt des années pour en arriver là ou j'en suis.

    «J'ai tweeté sur le hashtag #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon pour qu'on arrête de se payer nos têtes et qu'il y ait une prise de conscience de la précarité dans laquelle évoluent les étudiants», explique Oswald à BuzzFeed News. Il détaille son expérience personnelle:

    «Les revenus de mes parents étaient pile au-dessus du barème, je ne pouvais pas prétendre aux bourses. Mais ils n'avaient pas assez de revenus pour me payer mon école, mon loyer, mes courses -sachant qu'ils avaient aussi mes trois frères et sœurs à leurs charges.»

    Il dit qu'il n'a donc pas eu d'autres choix que de travailler «les soirs en semaine et tous les week-ends et pendant les vacances scolaires».

    «J'ai été livreur de pizza, manutentionnaire, serveur, caissier dans une supérette et même primeur sur les marchés. Je n'ai pas eu de vacances pendant plusieurs années afin de payer mon logement et mes frais de scolarité. Pour faire des économies, je ne chauffais jamais l'hiver et je prenais mes douches au boulot quand il y avait des salles de bain à disposition. Et pour manger je récupérais des fruits et légumes à la fin du marché.»

    Florentin, 27 ans, travaille dans le commerce en ligne

    #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon : chaque mois depuis 2 ans et jusqu'en 2019 mon budget est amputé de 500€ pour rembourser mon prêt étudiant.

    «Étudiant de 2007 à 2015, j'ai été boursier échelon 4 tout au long de mes études», se souvient Florentin.

    «Mes parents, séparés, ont fournis à mon frère et moi-même 400 euros par mois. Pour boucler mon budget, j'ai donc dû travailler tout au long de mes études: dans la restauration le soir et le week-end pendant quatre années, mais également pour le Crous en qualité d'agent d'entretien pendant une année.

    J'ai dû contracter un emprunt afin de financer mon école de commerce, qui coûtait 6000 euros annuels. Emprunt que je rembourse aujourd'hui à hauteur de 450 euros mensuels jusqu'en mars 2019.»

    Florentin précise qu'il ne se considère pas «parmi les étudiants pauvres».

    «Néanmoins, ce fut des années éreintantes, de fatigue mais avant tout de stress: stress de ne pas savoir comment manger après le 15 du mois, stress de la boîte aux lettres. Et avec cela le sentiment d'une double peine: financière d'une part mais également sociétale car l'on prend de plein fouet la honte d'être dans les fourchettes précaires. Faire la queue à la CAF, ou dans les CCAS, n'est pas chose aisée et demande de mettre sa fierté de côté.»

    Noraiya, étudiante, 24 ans

    Toujours vendeuse pendant mes études. Il m'est arrivé de commencer à 6h avant d'aller en cours jusqu'à 21h. #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon

    Pas eu de vacances d'été depuis mes 16 ans car chaque été il faut taffer pour mettre un max de côté. #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon

    «Mes premières années de fac ont été financées par la bourse et je vivais en cité U dans une chambre de 9m2», raconte Noraiya à BuzzFeed News.

    «Je travaillais tous les étés. Au début, je faisais le ménage dans les campings, puis j'ai travaillé à l'accueil d'une banque, à La Poste, dans une mairie... Lors de mon premier M1, j'ai dû refuser un stage car il était dans une autre région et je ne pouvais pas payer deux loyers en même temps. J'ai donc fait un stage à mi-temps et je travaillais comme préparatrice de commande.»

    Elle explique qu'elle a ensuite déménagé à Paris et qu'elle est désormais vendeuse, en plus de ses études.

    «J'ai commencé par faire de l'aide aux devoirs dans les écoles, avant de prendre un CDI comme vendeuse car je ne pouvais plus subvenir à mes besoins. Je n'ai pas de bourses et mes parents ne peuvent pas m'aider.

    Je fais ça depuis maintenant deux ans. J'ai très peu de temps pour moi, je fais souvent des doubles journées où je commence très tôt le matin (6h ou 7h) avant d'aller en cours jusqu'à tard le soir. C'est compliqué pour les révisions et le travail à rendre, notamment pour les travaux de groupe.»

    Audrey, journaliste, 29 ans

    @NassiraELM Caissière, babysitter, vendeuse, contrôleuse SNCF (ça s'invente pas !) Serveuse #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon

    @NassiraELM Sans compter correspondante locale pour un hebdo de l'Essonne, payée des cacahuètes #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon

    «J'ai eu envie d'utiliser ce hashtag parce que j'ai longtemps eu honte du milieu d'où je venais et de mon parcours, qui ne correspond pas du tout à la grande majorité des journalistes», raconte-t-elle à BuzzFeed News.

    «Et là je me suis dit: "Mais en fait, c'est pas à moi d'avoir honte." Au contraire, je suis fière de ma débrouillardise, des gens que j'ai rencontrés dans mes différents boulots, qui font ce que je suis aujourd'hui.

    J'ai grandi en banlieue, dans le 91, mes parents n'avaient pas de thune, je n'étais pas destinée à être journaliste. Je n'avais ni l'argent, ni les contacts, ni les codes pour entrer dans ce milieu.»

    Elle raconte qu'elle a donc dû faire toute une série de petits boulots à côté de ses études:

    «J'ai commencé à travailler dans un magasin de sports dès mes 17 ans. Puis en tant que contrôleuse à la SNCF. J'avais des horaires décalés: je pouvais commencer à 6h du matin ou finir à 23h et j'avais parfois des "découchés", c'est-à-dire que je dormais dans une ville pour reprendre le train le lendemain. J'ai aussi travaillé à la Fnac, chez Starbucks, fait des stages sous-payés...

    J'ai aussi fait du baby-sitting: je travaillais 35h par semaine. Je me levais à 6h30 pour aller à la fac à Saint-Michel à 8h. Je m'organisais pour choisir les TD du matin et des cours magistraux pas trop tardifs. L'après-midi, à partir de 16h20 , je devais garder les enfants jusqu'à 20h. J'arrivais chez ma mère vers 20h30-21h. Et rebelote le lendemain...»

    Sara, assistante commerciale et administrative, 22 ans

    Bourse échelon 4, alternance de 2 ans payée 70% du SMIC, stage sous-payé, chômage car manque d'expérience... #JeNeSuisPasLesEnfantsDeFillon

    Faire du baby-sitting à pas d'heures pour se payer le permis, emballer des cadeaux pendant les fêtes... #jenesuispaslesenfantsdefillon

    «Comme beaucoup, je suis stupéfaite des révélations sur l’affaire Fillon», commente Sara à BuzzFeed News. «Pour ma part, ma bourse n’atteignait même pas 1/10 de la somme que ses enfants percevaient.»

    «En alternance, je percevais 800 euros par mois pour un poste d’assistante de direction, dans une TPE où il fallait bosser comme des malades, faire des heures supplémentaires non payées, puis enchaîner les cours le samedi matin et passer son dimanche dans les bouquins pour valider les semestres à la fac!

    Quand on est indépendant et qu’il faut se payer de quoi se nourrir, se vêtir, le permis, puis les frais de voiture, au final il ne nous reste plus rien…»