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    Les «roulettes sexuelles» de Barcelone ne sont pas un vrai phénomène

    «Il n'y a qu'une personne qui m'a parlé de roulette sexuelle», explique à BuzzFeed News le médecin qui a alerté en premier lieu les médias barcelonais.

    De nombreux médias, reprenant une information de la radio catalane Cadena SER, ont récemment fait part d'un prétendu phénomène de «roulette sexuelle», présenté comme le «nouveau jeu inquiétant des adolescents» par Le Point.

    Voici comment est présentée la «ruleta sexual» par Cadena SER:

    «Il s'agit d'un groupe de personnes qui font une orgie lors d'une soirée, en invitant quelqu'un qui est porteur du VIH, sans informer les participants de qui il s'agit.»

    Josep Mallolas, responsable du service des maladies infectieuses à l'Hopital Clinic de Barcelone, est cité comme la seule source de l'information. Voici ce qu'il dit dans l'article de Cadena SER:

    «Il y a toutes sortes de fêtes: certaines sont des "roulettes sexuelles", d'autres ne sont accessibles que si vous êtes infectés.»

    Mais contacté par BuzzFeed News, le docteur Josep Mallolas explique qu'il n'a entendu parler des «roulettes sexuelles» qu'une seule fois au cours de sa carrière.

    «Le terme de "roulette sexuelle" ne m'a été donné que par un de mes patients, qui avait pris part à une fête "chemsex". Il s'agit probablement d'un phénomène marginal.»

    Les fêtes «chemsex» sont un phénomène bien plus documenté que les «roulettes sexuelles». Ces fêtes, qui ont récemment gagné en popularité au sein d'une frange de la communauté gay, consistent à consommer de la drogue avant d'avoir des rapports sexuels multiples.

    La consommation de substances est susceptible de favoriser les rapports non protégés. Une étude britannique, par exemple, montre la progression de la pratique chemsex à Londres.

    «Le chemsex est un phénomène récent, dont certains patients me font part lors de nos discussions», explique Josep Mallolas.

    Pour Antoine Henry, porte-parole de l'association Aides interrogé par Metronews, l'article de Cadena SER «témoigne d’une méconnaissance assez inquiétante du VIH.»

    «La personne séropositive est présentée comme un danger potentiel, alors qu'une fois dépistée et suivie médicalement, elle n'est en réalité plus contaminante», poursuit-il.

    En fait, le médecin barcelonais alerte surtout face aux hausses de pratiques à risques. Dans l'article de Cadena SER, il cite l'exemple d'un jeune homme qui lui dit qu'il ne veut pas mettre de préservatif:

    «Ma sexualité est très importante, et je ne veux pas me résigner. J'ai 20 ans, et le reste de ma vie pour mettre un préservatif.»

    Le terme hispanophone de «ruleta sexual», lui, n'est pas récent. Il est notamment apparu en Colombie en 2013, où il désignait une pratique différente, principalement chez les adolescents hétérosexuels. Mais il relevait plus de la légende urbaine ou de l'épiphénomène que de la tendance lourde. Voici ce que disait un article de la BBC à l'époque:

    «D'après certains récits, les règles de ce jeu impliquent des pénétrations successives, et le test de l'endurance des hommes. Toutefois, comme l'indique le maire adjoint de Medellin, tout ce qui a été dit et écrit sur le sujet l'a été fait sur la base de rumeurs sans confirmation.»

    De plus, le site Hoax-Net remarque que la première mention identifiable de la «roulette sexuelle» remonte à 1990. Elle a eu lieu dans le magazine satirique Weekly World News. L'article était titré: «Le nouveau jeu gay s'appelle la roulette russe sexuelle!»