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    Hamon «islamogauchiste»? On a demandé au clan Valls de justifier ses accusations

    Dans l'entre deux tours de la primaire, les proches de Valls ont décidé de taper sur Benoît Hamon en l'accusant d'accointance avec l'islamisme. Mais lorsqu'il s'agit de justifier les critiques, plus personne n'assume.

    «Ça va saigner», soufflait le député PS Christophe Caresche le soir du premier tour de la primaire à gauche. Ce très proche de Manuel Valls annonçait la couleur avant la dernière semaine de campagne contre Benoît Hamon. Dans un article de Libération, le clan Valls a, par la voix de Sébastien Gros, l'ancien chef de cabinet de Manuel Valls, distingué les deux candidats en ces termes:

    «Maintenant, il faut faire le choix entre les valeurs républicaines et le communautarisme.»

    Et pour bien insister sur cette différence, les proches de l'ex-Premier ministre ont tous attaqué violemment Benoît Hamon pour affirmer que voter pour lui, c'est choisir le «communautarisme» et ses «dérives identitaires».

    Fourest, Sifaoui, Boutih chargent

    Le journaliste et soutien de Valls, Mohamed Sifaoui, a dénoncé à de multiples reprises la politique «clientéliste, communautariste, islamisto-compatible» de l'ancien ministre de l'Éducation jusqu'à assurer dans les dernières heures de la campagne qu'il était le «favori des islamistes». L'essayiste Caroline Fourest a elle, estimé que Benoît Hamon «incarne le manque de courage sur ces questions (de laïcité, ndlr)», jugeant que son porte-parole Alexis Bachelay «incarne la complaisance claire et nette avec ce qui aujourd’hui pour moi sont les plus grands dangers vis-à-vis de la laïcité». Le député Malek Boutih est allé encore plus loin dans ses accusations:

    « Il faut dire que c’est le candidat des Indigènes de la République (une association antiraciste controversée).»

    En off à Libération enfin, un ministre a carrément qualifié Benoît Hamon de «candidat des Frères musulmans». N'en jetez plus.

    Valls assume

    Loin de désavouer toutes ces attaques, jugées diffamatoires par l'équipe de Benoît Hamon, Valls a au contraire assumé toutes ces charges. Interrogé mercredi sur France Inter pour savoir si Malek Boutih avait eu raison d'avoir évoqué le parti des Indigènes de la république, Manuel Valls a confirmé:

    «Mais Malek Boutih a raison de pointer les ambiguïtés, ce qui se passe dans un certain nombre de quartiers, la radicalisation contre laquelle certains n'ont pas pris suffisamment conscience.»

    En meeting à Alfortville jeudi soir, le candidat a d'ailleurs cité tous ces accusateurs dans son discours.

    «Oui dimanche, c'est aussi une forme de référendum sur la conception de la laïcité qui doit être la nôtre: ou une laïcité qui s'efface ou une laïcité revendiquée. Cette belle laïcité qui est celle d'Elisabeth Badinter, de Caroline Fourest, de Mohamed Sifaoui (...) la laïcité de Malek Boutih.»

    «Non je n'ai pas d'éléments concrets contre Hamon»

    Nous avons donc demandé aux détracteurs de Benoît Hamon s'ils avaient des éléments concrets leur permettent d'affirmer que Benoît Hamon est le candidat des Frères musulmans, des Indigènes de la République ou qu'il est tombé, comme l'assure Malek Boutih, «dans une dérive identitaire».

    Interrogé par BuzzFeed News, Sébastien Gros, qui considère le vote pour Benoît Hamon comme le «choix du communautarisme», a refusé de s'expliquer:

    «Je ne m'exprimerai pas là-dessus. Je n'ai pas à vous parler, je ne réponds pas à la presse.»

    Nous avons rencontré Malek Boutih au meeting jeudi soir. Il assume l'ensemble de ses attaques mais nuance tout de même ses accusations lorsqu'il déclare que Benoît Hamon est le «candidat du parti des Indigènes de la république».

    «Non, Benoît Hamon n'est pas le candidat de ce parti, mais c'est une affirmation politique. Il est malin, il n'est pas membre du Parti des indigènes de la République (PIR), mais il donne des gages à cet électorat. Je ne suis pas non plus d'accord avec le ministre qui l'accuse d'être le candidat des Frères musulmans, mais je souhaite que les questions autour de sa politique sur les thématiques de la laïcité, du communautarisme... soient posées.»

    Et le député d'insister:

    «Son porte-parole Alexis Bachelay, par exemple, est proche du CCIF, il y a des éléments, des échanges sur les réseaux sociaux qui le prouvent. Et aujourd'hui, il ne l'assume même plus.»

    Contacté par téléphone, le député vallsiste Christophe Caresche n'assume pas non plus les charges du clan Valls. «Non, je n'ai pas d'éléments concrets contre Hamon. Il a eu des propos malheureux à propos des cafés à Sevran interdits aux femmes, mais je ne reprends pas les attaques de certains à mon compte. Je ne veux pas en rajouter là-dessus, je n'ai pas envie de rentrer là-dedans.» Et d'ajouter à propos de Malek Boutih:

    «Il a des positions très fermes sur le sujet, très fortes, mais ce sont les siennes et je ne sais pas si elles sont toutes partagées par Manuel Valls.»

    Certains reprochent en effet à Benoît Hamon la réponse qu'il a apporté à un reportage de France 2 diffusé en décembre 2016, et qui montrait que des femmes n’étaient pas les bienvenues dans certains cafés de Sevran, en Seine-Saint-Denis. Le candidat avait choisi de mettre en avant l’origine sociale plutôt que l'aspect religieux. Cette semaine, il a tout de même admis que ses propos avaient pu être maladroits.

    Le porte-parole de Hamon dénonce une diffamation

    Dans ses attaques, Malek Boutih reprend une charge de Caroline Fourest qui affirme dans un billet de blog que le porte-parole de Benoît Hamon a donné une conférence contre l'état d'urgence en compagnie du CCIF, une association qui lutte contre les discriminations anti-musulmans et qu'elle accuse d'être «proche des Frères musulmans et très anti-Charlie».



    Problème: si Alexis Bachelay participait effectivement à cette réunion, où se trouvait aussi un porte-parole du CCIF, une vidéo prouve qu'il disait avoir défendu la mise en place initiale de l'état d'urgence: «Évidemment, moi j'étais complètement d'accord lorsque le président de la République a annoncé la mise en place de l'état d'urgence pour faire face à une situation de crise exceptionnelle, et ensuite on l'a prorogé», déclare-t-il.

    Enfin, Malek Boutih dénonce la participation d'Alexis Bachelay à un dîner du même CCIF. Le député PS n'a pourtant jamais rien dit contre Corinne Narassiguin, porte-parole du PS qui avait «représenté» le patron du parti Jean-Christophe Cambadélis à un même dîner du CCIF en mai 2015. «Je ne savais pas», répond Malek Boutih.