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    Un conducteur BlaBlaCar a-t-il refusé un passager car il ne prend pas «d’étranger»?

    BlaBlaCar dit à BuzzFeed News que le conducteur nie les accusation de «xénophobie», qu'il n’aurait «pas très bien compris» ce que voulait dire «passagère en transit» et qu'il a «peut-être eu peur».

    Romy Duhem-Verdière, 44 ans, travaille dans la conception web à Paris. Sur son blog, elle a publié lundi 22 août un post dans lequel elle assure avoir été témoin d'un cas de «xénophobie» de la part d'un conducteur BlaBlaCar.

    BlaBlaCar est un site de covoiturage qui, comme il est indiqué sur son site, «met en relation des conducteurs qui voyagent avec des places libres avec des passagers recherchant un trajet».

    Le site créé par le Français Frédéric Mazzella en 2004 dit posséder 25 millions de membres et être présent dans 22 pays dans le monde.

    La scène s'est déroulée au téléphone quand elle a voulu confirmer un covoiturage pour l'un de ses amis pour un trajet entre Toulouse et Le Mans. Elle appelle le conducteur, «un habitué qui est positivement apprécié de ses passagers» pour convenir d'un horaire et d'un lieu de départ. Mais au téléphone, il se ravise car «il ne prend pas d’étranger à bord».

    «Je reste un instant sans voix, sans comprendre le sens de sa phrase, ni le rapport avec notre conversation. Puis je tilte: xénophobie.»

    Romy Duhem-Verdière résume ensuite les arguments qui ont poussé le conducteur à refuser de conduire son ami:

    «Fantasmant sur la base d’un prénom peu traditionnel, pas strictement franco-français et peut-être aussi parce qu’une frontière est approchée sur le trajet qu’il propose, il cède à la peur de l’autre.

    Sans doute imagine-t-il être confronté au flux des migrants, avoir affaire à quelque passager clandestin, à quelque potentiel violeur de "nos" femmes blanches, ou pire, à un terroriste de retour de camp d’entrainement au Jihad.

    «Il enchaîne: "Non, je préfère pas. Avec tout ce qui se passe en France en ce moment, vous savez ma p’tite dame" et déroule la litanie des arguments superficiels et autres superstitions xénophobes qu’alimentent nos chaînes d’info, terrorisant mes concitoyens.»

    Elle décide alors de raccrocher, ne supportant pas d'entendre ce qu'il lui dit:

    «Son ton paternaliste, de quinqua qui croit édifier l’oiselle que me découvre être pour lui, achève de m’écœurer et me tire de ma stupeur. Je le coupe net, remercie ironiquement son ouverture d’esprit et lui raccroche au nez. Non, je ne veux pas entendre ses inepties. Ce n’est pas bon pour le moral.»

    Puis, elle se connecte sur le site de BlaBlaCar pour rapporter la scène quand l'un des Helpers du tchat lui répond que «le conducteur est le seul maître à bord».

    «Mon interlocuteur semble oublier que la loi française condamne "toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion." Je crains soudain que, au delà d’un manque de discernement, celui-ci ne partage l’opinion du conducteur.

    BlaBlaCar serait-il complice de la xénophobie de ses membres?»

    Contactée par BuzzFeed News, Romy Duhem-Verdière dit avoir écrit cela car elle juge la réponse du site insuffisante. «J'ai choisi de poster un billet sur mon blog parce que je trouve inadmissible que BlaBlaCar ne se positionne pas sur des sujets où des actes sont contraire aux valeurs qu'ils dénoncent comme il est noté sur leur site.»

    La page de la charte de bonne conduite du site indique notamment qu'il faut adopter «les valeurs du covoiturage: tolérance, respect, partage et convivialité». Mais à aucun moment il n'est mentionné de conduite à adopter en cas de discrimination.

    Contacté par BuzzFeed News, BlaBlaCar explique que cette charte a été mise à jour en 2015, pour insister «justement sur la notion d'ouverture, de tolérance et d'ouverture d'esprit».

    Or, si cette charte figure sur les profils des utilisateurs qui ont accepté de la signer, tous les membres ne sont pas tenus de le faire.

    «On peut être amenés à suspendre les comptes pour des comportements non appropriés, non conformes au covoiturage, mais plutôt pour des pratiques comme des appels aux volants. Mais c'est une poignée de personnes sur des millions de trajets», précise BlaBlaCar.

    Une réponse qui ne satisfait pas Romy Duhem-Verdière.

    «Ils engagent les conducteurs à respecter le code de la route, alors ils pourraient aussi encourager de la même façon à respecter les articles de la loi française concernant les discriminations. C'est comme s'ils se préoccupaient plus du respect du code de la route que du respect des valeurs humaines», dit-elle.

    Ce n'est pas la première fois qu'un conducteur BlaBlaCar fait parler de lui. En 2015, une adolescente affirmait avoir été refusée d'être conduite par un chauffeur BlaBlaCar parce qu'elle était voilée. SOS Racisme avait demandé au site d'introduire une clause de non-discrimination à son règlement.

    Le site avait expliqué ne s'occuper que de la mise en relation entre chauffeurs et passagers et assurait «ne pouvoir empêcher un conducteur de refuser un passager, quel qu'en soit le motif.»

    MISE À JOUR: Après s'être renseigné pour «avoir l'avis des deux parties prenantes», BlaBlaCar indique à BuzzFeed News avoir parlé au conducteur. Selon ce dernier, il n'y avait rien de xénophobe dans son refus.

    «Le conducteur nous a informé ne pas avoir refusé la réservation à cause de l’origine de la personne mais du fait que la passagère était en transit transfrontalier et qu’il n’avait aucune information sur elle, étant donnée que la réservation avait été effectuée au profit d’une tierce personne.

    Romy Duhem-Verdière lui a dit au téléphone que la passagère était en transit mais il n’aurait pas très bien compris ce que cela voulait dire et s’est un peu imaginé des choses, il a peut-être eu peur. Il rentrait de vacances et ne voulait pas être embêté, donc il y a plusieurs éléments qui font qu’il ne se sentait pas vraiment en confiance», explique BlaBlaCar.

    Un avertissement a été adressé au conducteur «comme à chaque fois qu’un signalement est effectué», précise le site. «Si on voit que les faits se reproduisent, ça peut amener à des sanctions, mais là ça semble être un cas isolé.»

    MISE À JOUR: Cet article a été mis à jour avec les commentaires de BlaBlaCar après que l'entreprise a parlé au conducteur.