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    Pas de femme socialiste à la primaire de gauche: «c'est affligeant», nous disent ces élues

    La candidate du PRG Sylvia Pinel a sauvé l'honneur en rejoignant in extremis la primaire de la gauche. Il y aura donc une femme candidate. Mais aucune femme socialiste. Face à beaucoup d'hommes. Comme s'il restait tout à faire au PS.

    Les candidats de gauche qui souhaitent se présenter aux «Primaires citoyennes» sauront le 17 décembre si la haute autorité à validé leur candidature. Les favoris sont quatre hommes socialistes: Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Benoît Hamon. D'autres hommes joueront les troubles-fêtes comme Gérard Filoche, François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias et Fabien Verdier.

    Du coté des femmes, le désert. Après six mois de campagne, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a renoncé dans la dernière ligne droite. Mais à quelques heures de la clôture des dépôts, la direction du PRG a finalement décidé de présenter la candidature de Sylvia Pinel alors qu'ils avaient d'abord rejeté cette option. Mais la candidate est crédité de 0 à 0,5% d'intentions de vote.

    L'absence de femmes socialistes sur la ligne de départ, et la sous-représentation des candidates dans cette primaire, fait grincer des dents jusque dans les rangs du gouvernement. La secrétaire d'État au numérique, Axelle Lemaire, a jugé «honteux qu'il n'y ait pas une seule femme sur la ligne de départ» dans un tweet (elle n'a pas souhaité en dire plus à BuzzFeed News). D'autres élues socialistes pointent une sous-représentation «dramatique» ou «affligeante».

    Ajout de la candidature de Fabien Verdier.

    «Je souhaite vivement que Sylvia Pinel rejoigne la primaire, ce serait impossible de voir une primaire sans femmes», nous a dit Aurélie Filippetti quelques heures avant l'annonce de la candidature de Sylvia Pinel. «Il faut qu'on s’interroge sur ce fait: de manière générale, il y a peu de femmes candidates à l’élection présidentielle. Les femmes sont plus enclines à faire passer l’intérêt collectif avant leur intérêt personnel comme on l’a vu avec Marie-Noëlle Lienemann.

    Un autre facteur explique la réticence de certaines. S’engager dans une telle campagne est beaucoup plus violent pour une femme que pour un homme. Les femmes sont davantage attaquées, elles en prennent plein la figure avec des remarques qui dépassent le domaine de la politique. Ce qui fait surtout hésiter les femmes, c’est qu'elle s'exposent à un niveau de violence inouï.»

    «C'est grave qu'il n'y ait qu'une candidate à la primaire, et encore elle n'est pas socialiste, déclare l'ancienne ministre de l'Écologie Delphine Batho à BuzzFeed News. C'est d'autant plus grave que plus de 52% des électeurs du PS sont des électrices. C'est de la faute du parti et de Jean-Christophe Cambadélis, car cela aurait dû être une de ses préoccupations pour cette primaire, la présence des femmes relèvent d'un intérêt collectif. La gauche a toujours défendu le droit des femmes, mais là, on est dans une phase de l'histoire où le PS recule».

    Jointe par mail avant l'annonce de la candidature de Sylvia Pinel, Marie-Pierre de la Gontrie nous a juste répondu: «C'est affligeant, que dire de plus ?» Sur Twitter, cette élue a plusieurs fois dénoncé le manque de femmes à la primaire de la gauche. Lorsque Marie-Noëlle Lienemann a renoncé à être candidate, elle a tweeté: «En politique, pourquoi est-ce toujours les femmes qui s'effacent pour préserver le collectif?» avant d'ajouter «Comme d'hab, non?»

    «Cette sous-représentation est une anomalie au regard de ce que le PS fait depuis vingt ans pour les femmes en politique. Les circonstances sont exceptionnelles avec un président qui a décidé de ne pas se représenter. Cela explique le retrait de Marie-Noëlle Lienemann, qui, dans un souci de clarté, a préféré rassembler son courant minoritaire. Ce sont plus souvent les femmes qui choisissent de mettre l'intérêt collectif au-dessus de leur intérêt personnel. Ni Arnaud Montebourg ni Benoît Hamon ne l'ont fait.

    Le goût est d'autant plus amer que nous sommes le premier parti français à avoir porté une femme au second tour de la présidentielle. Et nous avons fait la parité, installé des binômes lors des départementales, nommé un gouvernement paritaire avec des portefeuilles importants pour les femmes. Si les candidatures qui émergent sont essentiellement masculines, c’est qu'il y a encore des progrès à faire, on doit avoir plus de femmes cheffes de file.»

    «C'est très regrettable mais ça ne m’étonne malheureusement pas», nous dit Isabelle Bruneau. «Que seule Marine Le Pen représente la gente féminine à la présidentielle c'est vraiment dramatique. Je suis la première femme élue députée de l’Indre, je suis arrivée dans un paysage très patriarcal et ça a été une révolution culturelle. Les hommes politiques, qui sont là de très longue date, font tout pour conserver leur place. Il faut un renouvellement.

    Mais je ne crois pas qu'il faille instaurer une sorte de parité pour les primaires, il faut qu’une femme se sente d’y aller. Vouloir aller à l'Élysée, c'est un engagement de très important qui implique de sacrifier une bonne partie de son existence.»

    «Je regrette profondément cette sous-représentation et je ne suis pas la seule, j'en ai pas mal discuté avec de nombreuses militantes», dit Laurianne Deniaud, l'ex-présidente du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). «Aujourd'hui, on est dans une phase transitoire, où des femmes qui ont occupé de hauts postes (Aubry, Royal) passent leur tour, et où des figures qui montent (Vallaud-Belkacem, Hidalgo) ne se sentent pas encore prêtes.

    Le problème est plus général: les femmes n’ont pas encore suffisamment accès aux postes publics. C'est un milieu très masculin. Dès que l'on parle de choses sérieuses, d'économie ou de gros sous, je vois toujours des hommes à la tribune. Les partis politiques sont le reflet de ce qui se passe dans la société. Il y a tant à faire encore. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’en 2011 Martine Aubry et Ségolène Royal s'étaient présentées à la primaire».

    «J'ai rencontré Marisol Touraine et je lui ai dit que j'étais choquée qu'il n'y ait pas eu de candidature d'une des femmes ministres du gouvernement, dont le bilan a été positif», dit Hélène Conway-Mouret en pensant à la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem ou ministre de la Santé Marisol Touraine. «Ça me choque de voir qu'aucune n'a trouvé le courage d'y aller. Je ne comprends pas pourquoi des femmes compétentes s'auto-censurent, alors que des hommes moins compétents foncent. Comme si elles n'avaient pas suffisamment confiance en elles pour se lancer dans la course à la présidentielle.

    La gauche va évidemment en pâtir. Nous avons beaucoup agi pour la parité et le gouvernement a porté cette parité au pouvoir. Pourtant aujourd'hui, on ne voit que des hommes. Les Français vont penser: "Faites ce que je dis, pas ce que je fais!". On est dans l'exécrable.»