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    Cette artiste parisienne dessine au stylo-bille, et c’est génial

    «Imaginer des filles douces et dociles ne m’intéresse pas.»

    Helena Hauss est une artiste parisienne dont la particularité est de créer des œuvres entièrement à l'aide de stylos-bille.

    Oui oui, vous avez bien lu. Ce tableau (115x75cm) a été réalisé uniquement avec des stylos. Peuplées de détails minuscules et minutieux, ses œuvres mesurent en général plus d'un mètre de large, et leur réalisation prend entre 200 et 300 heures de travail.

    Pour elle, le stylo-bille est un instrument tout sauf anodin: «Aucun autre outil ne me permet de mettre autant l’accent et tant de détails dans les cheveux», avait-elle confié à Konbini. Et puis, «c’est l’outil des salles de classe», a-t-elle expliqué à BuzzFeed. Or l'adolescence et ses nombreux tumultes sont le thème de prédilection d'Helena Hauss:

    «C’est l’épisode ultime dans la vie de beaucoup, où tout bascule. C’est la perte de l’innocence.» Ses œuvres font ainsi écho à sa propre jeunesse, «assez chaotique». «Depuis j’ai grandi, je me suis calmée, [...] mais je n’ai jamais su devenir une adulte. D’ailleurs la grande majorité de mes dessins sont dérivés de mes propres souvenirs et expériences.»

    Alors qu'on n'est même pas fichus de dessiner un croissant de lune sur un post-it, Helena Hauss peut réaliser une bibliothèque ou une pierre tombale plus vraies que nature. Mais l'intérêt de ses dessins ne s'arrête pas au réalisme des détails: la plupart de ses sujets sont féminins, et notamment des «filles un peu rebelles, effrontées ou insolentes».

    C'est donc sans surprise que certaines de ses œuvres seront exposées à partir du jeudi 4 février à la Galerie Metropolis, à Paris, dans le cadre du projet Girls, qui vise à montrer la diversité des points de vue féminins dans le monde de l'art. «L’idée première de l’exposition était de regrouper plusieurs artistes féminines, sans justement les cantonner à leur propre féminité. Ce qui m’a immédiatement séduite», dit Helena Hauss à BuzzFeed.

    «Trop souvent, on va réunir un groupe d’artistes féminines pour leur sensibilité, leur sensualité, pour parler d’érotisme ou au contraire de douceur. L’idée était un peu de sortir de ce carcan et de montrer plusieurs personnalités bien différentes.»

    Marie Guilhot-Voyant, la galeriste qui a sélectionné les artistes de l'exposition, explique ce qui lui a plu chez Helena Hauss:

    «Les filles sont souvent vues comme des victimes, réputées pour ne s'intéresser qu'à leurs ruptures, à leur corps... [...] Quand j'ai vu son œuvre The Fight, j'ai adoré ça. Les filles ont un rapport à la violence comme actrices, et pas seulement comme victimes. [...] Ce qui me passionne chez elle, c'est le décalage complet entre la minutie du travail, et le fait que quand on regarde ses dessins comme ça, ça paraît facile. [...] Avec le stylo-bille il n'y a pas droit à l'erreur, elle ne peut pas "gommer", si elle fait une erreur l'œuvre est foutue. Elle prend un risque fou.»

    «Imaginer des filles douces et dociles ne m’intéresse pas, dit Helena Hauss. Les filles de mes dessins ne sont pas parfaites, elles sont pleines de défauts.»

    Les dessins d'Helena Hauss ont souvent une double lecture. À la fois espiègles et colorés, ils traduisent aussi la pression souvent exercée sur les jeunes femmes, à l'instar de Cover Girl:

    «Il s’agit d’une fille, limite "objet"», explique Helena Hauss. «On ne voit même pas son visage, elle ne se résume qu’à une paire de fesses. Elle est entourée de magazines féminins qu’elle lit religieusement, en quête de l’apparence parfaite. Et sur le magazine qu’elle lit un test indique que si elle fait tout ça, c’est pour plaire, pour être "aimée".»

    «C’est un peu une sorte de dénonciation des fonctionnement de notre société, mais aussi une satire. Car à la première lecture, on a tous aimé cette paire de fesses.»

    Même dichotomie pour Mia: «À première vue le dessin semble représenter la gourmandise avec une atmosphère colorée et sexy, mais en regardant de plus près certains indices révèlent un côté plus macabre.»

    Ainsi, le titre du tableau fait référence au mouvement pro-Mia (du terme anglais «Bulimia») créé par des jeunes filles revendiquant leur boulimie. «J'ai souhaité illustrer [...] le paradoxe entre consommation à outrance et obsession du corps qui fait pression sur les jeunes filles. Les cicatrices sur les phalanges par exemple, provoquées par les dents lors des vomissements à répétition, sont un des signes connus de la boulimie.»

    La jeune femme dit avoir constaté une «inégalité dans la réception» des discours des artistes. «Quand la source est masculine, qu’il s’agisse d’un artiste, d’un auteur, d’un humoriste, peu importe… il sera dirigé vers un public mixte sans que l’on se pose de questions. [...] Alors que les talents féminins seront souvent destinés à un public… féminin, bien qu’à mes yeux ils mériteraient la même popularité que leurs confrères du sexe opposé.»

    «Les œuvres [de l'expo Girls] ne sont pas forcément destinées aux femmes», confirme Marie Guilhot-Voyant. Helena Hauss compte en tout cas diversifier son œuvre: «Mon prochain dessin suit un protagoniste masculin, car je ne veux pas seulement explorer l’expérience féminine.»

    Pour suivre le travail d'Helena Hauss, vous pouvez consulter sa page Facebook, son compte Instagram ou son site internet. L'exposition Girls: En équilibre sur la fine pointe de l'instant se tient à la Galerie Metropolis du 4 février au 29 mars.