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    60.000 postes: le gouvernement a moins recruté que prévus

    Najat Vallaud-Belkacem a affirmé ce lundi que 35.200 postes ont déjà été créés et que l'objectif des 60.000 sera atteint en 2017. En réalité c'est moins, selon les calculs de BuzzFeed France.

    Créer 60.000 postes dans l'Éducation, c'était l'un des engagements phares de François Hollande en 2012.

    Je réitère aujourd'hui mon engagement de recruter 60.000 personnels de l'éducation sur la durée de mon mandat.

    Cette promesse «sera bel et bien respectée» a dit la ministre de l'Éducation Najat-Vallaud Belkacem mardi 25 août lors de sa conférence de presse de rentrée.

    À la rentrée 2015, 35.227 postes sur 60.000 ont été créés depuis 2012, soit environ 60% du total, a martelé Najat Vallaud-Belkacem sur France Inter ce lundi, chiffres à l'appui:

    #Rentrée2015 l'engagement 60000 postes pour l'Éducation sera tenu: 35200 postes créés,100000 enseignants recrutés 1/2

    BuzzFeed France a vérifié: les créations de postes ne sont pas aussi importantes qu'annoncé. Selon nos calculs, sur les 35.227 postes annoncés, entre 3.900 et 8.350 postes sont restés vacants.

    Pour arriver à ce résultat, nous nous sommes plongés dans les rapports annuels de performances (RAP) de l'Enseignement scolaire. Ces documents budgétaires, publiés plusieurs mois après la fin d'une année, font le bilan du budget de l'année précédente. Ils complètent les projets annuels de performances (PAP), qui sont des prévisions établies avant l'année.

    Concrètement, un PAP permet de savoir combien de postes il est prévu de créer quand un RAP nous dit combien ont été créés.

    «C'est le schéma d'emplois exécuté (c'est-à-dire celui figurant en RAP) qui fait foi et qui permet d'apprécier l'évolution du schéma d'emplois», nous confirme le ministère du Budget.

    Pourquoi ne pas compter l'Enseignement supérieur? Parce qu'il n'y a pas de bilan national sur les créations de postes. Le site EducPros a enquêté directement auprès des universités pour en arriver à un pourcentage de 40% des 1000 postes prévus restés vacants sur l'année 2014.

    Pour notre estimation, nous avons également retenu:

    - Une marge de 3000 postes pour le supérieur.

    - Une marge de 1382 postes pour l'année 2015 (les postes non pourvus aux concours du 2nd degré, dont on ne sait pas s'ils resteront vacants ou non).

    Ce qui explique ces mauvais chiffres, c'est que de la maternelle au collège, l'Éducation peine à recruter des enseignants, ce qui menace sa promesse de créations de postes.

    Frédéric Sève, secrétaire général du syndicat Sgen-CFDT, interrogé par BuzzFeed France, pose est catégorique:

    «Il y a des difficultés de recrutement en quantité et aussi en qualité. On a un problème d'attractivité.»

    Selon lui, ce manque vient d'une conjugaison de problèmes: la mauvaise image du métier, des salaires peu attractifs ainsi que des problèmes particuliers dans les académies «difficiles».

    Optimiste, Najat Vallaud-Belkacem a cité ce lundi les bons chiffres du recrutement 2015, meilleurs que les années précédentes: 100% de postes pourvus dans le premier degré, 90% dans le second - soit 1382 postes vacants, dont on ne sait pas s'ils finiront par être pourvus un jour.

    Pour atteindre l'objectif des 60.000 postes, il faudra néanmoins accélérer les recrutements en 2016 et 2017... Et donc trouver encore plus de candidats.

    Le syndicaliste Frédéric Sève prévient:

    «Cela ne sert à rien d'augmenter le nombre de postes proposés sans rien changer puisqu'on a du mal à les pourvoir.»

    Interrogé par BuzzFeed France samedi, l'ex-ministre PS de l'Éducation nationale Benoît Hamon reconnaît que l'objectif sera difficile à atteindre. Et propose un coup de pouce financier pour favoriser les recrutements: augmenter la prime accordée en 2013 aux professeurs des écoles pour la faire passer de 400 à 1200 euros.

    Contacté par BuzzFeed France, le ministère de l'Éducation nationale explique qu'aucune nouvelle mesure pour susciter des vocations n'est à l'ordre du jour.

    Interrogé sur le recours à des enseignants contractuels (non-titulaires de la fonction publique) pour gonfler les effectifs, le ministère répond que l'engagement de créer 60.000 postes est indépendant des statuts des personnes recrutées.

    Autre critique faite au ministère: la majorité des effectifs recrutés depuis 2012 sont des postes de stagiaires: 22.486, selon nos calculs, soit les trois-quarts des postes déjà créés.

    Les enseignants stagiaires passent la moitié de leurs temps devant les élèves et l'autre en formation.

    Les présenter comme des recrutements relève donc de l'«enfumage» et du mensonge», a taclé Jean-Luc Mélenchon dimanche, alors que les recrutements de titulaires se font rares -1467 dans le primaire et 138 dans le secondaire depuis 2012, selon nos calculs.

    Menteur, @fhollande ! Menteuse @najatvb ! Vous n'avez pas créé 60 000 postes dans l'Education nationale ! Menteurs ! Menteurs ! #RM2015

    Najat Vallaud-Belkacem lui a répondu sur France Inter qu'ils «ont vocation à enseigner l'année prochaine» et que ce sont «bien des postes créés».

    Fédéric Sève, du Sgen-CFDT, rejoint la ministre sur ce point: «Il faut saluer le retour de la formation», estime-t-il.

    Pour faire taire les critiques, le gouvernement devra prouver d'ici 2017 qu'il peut réussir à créer des postes de titulaires. La tâche s'annonce compliquée.

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