Aller directement au contenu

    Le site d'extrême droite Fdesouche est-il vraiment victime d'une injustice?

    Le site emblématique de la fachosphère est visé par une plainte pour diffamation. Un cas qui met à jour l'organisation mise en place par le site pour éviter les poursuites.

    Fdesouche, qui se présente comme une «revue de presse» dont les thèmes de prédilection sont «l'immigration ou le racisme anti-blancs», est le site emblématique de la blogosphère d'extrême droite en France.

    Pierre Sautarel, qui se présente comme l'un des «co-animateurs» de Fdesouche, a raconté lundi soir sur Twitter avoir été convoqué par la police.

    Je rentre de ma "convocation" : Interrogatoire musclé, porte fracturée, perquisition , saisie smarphone et matériel informatique #fdesouche

    «J'étais convoqué lundi 27 juillet à 10h par la police à Paris», explique-t-il à BuzzFeed France. En cause: un article publié en octobre 2014, qui lui vaut une plainte de l'homme d'affaires Pierre Bergé pour diffamation.

    «À l'issue de la convocation, les policiers ont saisi mon smartphone et ont mené une perquisition dans mon appartement à Levallois, que je n'occupe pas l'été et dont je n'avais donc pas les clefs sur moi.

    Comme aucun serrurier n'était libre, ils ont forcé la porte, mais ils n'ont pas trouvé le matériel informatique qu'ils recherchaient, alors ils m'ont dit qu'ils mèneraient une deuxième perquisition à mon domicile à la campagne.»

    Pour sa défense, Pierre Sautarel explique que son site a juste «mis un lien». Ce dernier pointe vers le site Panamza, connu pour relayer des thèses complotistes et de fausses informations. Il est lui aussi visé par une plainte de Pierre Bergé.

    «Que l'auteur de l'article soit poursuivi, je le comprends, mais que celui qui ait mis un lien soit perquisitionné, c'est disproportionné. C'est la porte ouverte à tout. On peut baiser (sic) n'importe qui avec ce fonctionnement.

    À Fdesouche, on essaye de mettre au maximum des sources qui ont pignon sur rue. Les sites comme Panamza, c'est pas notre paroisse. D'ailleurs, beaucoup de sites de la "fachosphère" ne nous aiment pas parce qu'on ne les relaye pas.»

    «En dehors des commentaires, la majorité des contenus de Fdesouche sont aussi neutres que les dépêches AFP débitées par les sites d'info», estimait d'ailleurs Slate.fr dans un article publié 2011. Pour faire passer ses idées, Fdesouche se contente de multiplier les reprises d'articles sur ses thèmes préférés.

    Plusieurs figures de l'extrême droite française se sont empressées d'apporter tout leur soutien à l'équipe de Fdesouche, comme le relève Le Lab d'Europe 1. Au premier rang, on trouve le maire de Béziers Robert Ménard.

    #fdesouche persécuté par la police. Liberté d'expression menacée. Où sont les #charlies pour protester ?

    Le sénateur FN Stéphane Ravier:

    Ou encore le député Gilbert Collard:

    Abus de droit et méthodes policières contre @F_Desouche, ne pas le crier est lâche !

    Fdesouche est-il vraiment victime d'une injustice?

    Plusieurs éléments viennent contredire Pierre Sautarel. D'abord, mettre un lien peut être aussi grave aux yeux de la loi que d'avoir posté l'article. L'avocat-blogueur Maître Eolas nous explique:

    «La jurisprudence en la matière est claire: la personne qui met un lien vers un autre site est responsable de ses actes. Sauf, éventuellement, à évoquer cela avec prudence, en prenant ses distances avec l'article sur lequel est fait le lien.»

    Concrètement, cela veut dire que celui qui poste un lien vers un article diffamatoire sans prendre de pincettes s'expose à des poursuites pour diffamation.

    Surtout, la convocation de Pierre Sautarel par la police et ses suites font vaciller le «système» Fdesouche, qui permet au site d'éviter bon nombre de poursuites judiciaires depuis des années.

    Une question a été au centre de l'interrogatoire de Pierre Sautarel: est-il ou non le directeur de publication de Fdesouche? Pour l'intéressé, les choses sont claires:

    «Notre site est hébergé en Inde et notre directeur de publication y réside. Je ne vais pas vous dire pourquoi, mais ce qui est sûr c'est que cette personne existe. Si c'est une faille dans la loi, ce n'est pas mon problème, à eux de faire la loi différemment.»

    Tilak Raj semble en tous cas être un directeur de publication pour le moins discret: sa dernière apparition sur le site remonte au 21 décembre 2012. Il y évoquait une précédente polémique sur les statuts de Fdesouche, au cours de laquelle Marine Le Pen en personne avait défendu le site.

    Pierre Sautarel, lui, ne veut pas être présenté comme directeur de publication du site:

    «Moi, je suis un simple co-animateur du site parmi une trentaine d'autres (c'est d'ailleurs un certain Anthonin qui a signé l'article qui a entraîné la plainte de Pierre Bergé, ndlr).

    Comme les enquêteurs n'ont pas accès aux logs (les données, ndlr) du site et que je suis le seul de ces responsables à être connu, c'est moi qui prend. Je sers de paratonnerre.»

    La justice a bien essayé de retrouver Tilak Raj par le passé, mais sans succès...

    .@Mandrin_ Ils sont déja allés chez Tilak ms ces idiots n'ont pas compris qu'en Inde les adresses étaient relatives

    La mise en place d'un tel système autour de Fdesouche justifie le recours des enquêteurs à des perquisitions, estime Maître Eolas.

    À partir du moment où les enquêteurs estiment que Pierre Sautarel en sait peut-être plus qu'il ne veut bien le dire, ils peuvent utiliser les moyens à leur disposition pour obtenir des informations sur l'auteur du post, le rôle de Tilak Raj ou de Sautarel dans le fonctionnement du site, etc.

    «La police ne va pas se laisser arrêter par le fait qu'il ne donne pas ces informations. C'est la loi. Ce serait ironique que l'extrême droite se plaigne que les forces de l'ordre fassent leur travail, non?»

    Bien au-delà de la plainte de Pierre Bergé, toutes les contradictions de Fdesouche apparaissent dans cette histoire. Pierre Sautarel grince: «Si je n'ai plus d'ordinateur demain, je vous enverrai un télégraphe».

    Contactés par BuzzFeed France, le parquet de Paris, la préfecture de Police de Paris et l'avocat de Pierre Bergé n'ont pas donné suite à nos sollicitations.

    Suivez-nous sur Facebook et Twitter.