Aller directement au contenu

    Cette vidéo choc rappelle qu'un enlèvement d'enfant est vite arrivé

    Le message est anxiogène pour les parents, mais il mérite d'être écouté.

    Le YouTubeur Joey Salads est une sorte de Rémi Gaillard Américain. La plupart de ses vidéos humoristiques consistent à se filmer en train de piéger des gens.

    Mais celle qu'il a postée samedi 2 mai est très sérieuse: il y mène une «expérience sociale» sur les enlèvements d'enfants.

    Voir cette vidéo sur YouTube

    youtube.com

    Sa démarche est simple: d'abord, il va discuter avec des parents qui surveillent de loin leurs enfants jouer au square.

    Au cours de la discussion, il demande aux mamans si elles pensent que leurs enfants sauraient dire non à un inconnu qui viendrait leur proposer de partir avec lui. Les mères semblent plutôt convaincues que leurs petits ne pourraient pas se faire avoir. Le YouTubeur leur demande donc si elles sont d'accord pour qu'il aille vérifier cela.

    Ensuite, Joey Salads va parler aux enfants. Il les attendrit avec son petit chien, Donut, et leur propose de l'accompagner pour voir d'autres petits chiens mignons. Résultat: les trois enfants testés acceptent.

    La vidéo se termine par un avertissement lancé par le YouTubeur aux parents: «Plus de 700 enfants sont enlevés chaque jour, soit plus de 250.000 chaque année. Vos enfants sont-ils en sécurité?»

    La vidéo a rapidement fait un carton. En cinq jours, elle a déjà dépassé les cinq millions de vues sur YouTube.

    Ce clip, pour le moins choquant, fait la part belle à l'émotion. Trop?

    Plusieurs observateurs ont nuancé depuis certains propos tenus par Joey Salads. Le site ThinkProgress, qui s'appuie sur un rapport de la justice américaine de 2002 explique qu'il s'est emmêlé dans les chiffres. Environ 115 kidnappings d'enfants par un inconnu seraient en réalité à déplorer chaque année aux Etats-Unis –et non pas 250.000! Plus de 200.000 enfants sont en revanche victimes d'enlèvement au sein de leur famille. Le site accuse donc le blogueur de trop mettre l'accent sur ce phénomène et de créer la panique à tort.

    On peut aussi s'interroger sur le titre choisi pour sa vidéo, qui mentionne une «expérience sociale», là où il ne présente que trois cas à l'écran.

    Malgré ces réserves, la vidéo n'est pas inintéressante. «C'est un film que nous allons relayer comme nous l'avons déjà fait pour d'autres», explique à BuzzFeed France Anne Larcher, Directrice Générale du CFPE Enfants Disparus.

    La responsable de cette instance qui gère en France le numéro 116 000, destiné à «écouter et soutenir les familles d'enfants disparus», explique: «Cette vidéo montre qu'on peut très facilement enlever un enfant et c'est la réalité. C'est anxiogène, mais comme peuvent l'être les spots de prévention routière, estime-t-elle. Evidemment, cela n'arrive pas tous les jours en France que des enfants se fassent enlever par des inconnus. Mais il ne faut pas attendre que cela se passe pour en parler», estime-t-elle.

    En France, en 2013, 379 enfants ont été victimes d'un enlèvement ou d'un détournement (dont 325 sont des enlèvements parentaux) et 46.798 au total ont fugués, selon les statistiques du ministères de l'Intérieur.

    D'autant qu'encourager les parents à en discuter avec leurs enfants est un bon conseil, selon elle.

    «Il faut que le parent dise à l'enfant que s'il ressent un malaise, s'il se pose des questions, il a le droit de dire non à un adulte. Que ne pas parler à un inconnu, ce n'est pas être mal élevé ou désagréable. Si ce dernier est bienveillant, il n'insistera pas et cherchera une solution pour rassurer l'enfant.» D'autant que ces conseils peuvent s'avérer utiles dans d'autres situations, comme face à un adulte qui essayerait d'abuser sexuellement d'un enfant.

    Elle cite en exemple le témoignage de Jérôme Janvier, frère du petit Ludovic disparu en 1983. Ce jour-là, Jérôme a vu son frère partir avec un homme qui affirmait avoir besoin d'aide pour chercher son chien. Il raconte avoir alors vu de l'inquiétude dans les yeux de «Ludo», qui n'a néanmoins rien osé dire. Lui a pris conscience du malaise et est allé prévenir ses parents, mais il était trop tard.

    La démarche de prévention est finalement plus délicate pour le parent que pour l'enfant, estime Anne Larcher: «Les contes comme le Petit Chaperon Rouge avaient autrefois cette fonction d'apprendre aux enfants à se méfier. Si l'on passe par des moyens adaptés et que l'on explique les choses à l'enfant, cela ne va pas l'effrayer.»

    «Enfin, je remarque que ces vidéos sont souvent anglo-saxonnes, conclue Anne Larcher. Ils sont plus réalistes que nous. En France, on est frileux, comme si ne pas en parler empêchait les choses.»

    Suivez BuzzFeed France sur Facebook et Twitter!