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    Canular homophobe dans TPMP: comment Hanouna a réussi à se victimiser

    Après la séquence homophobe diffusée jeudi dans Touche pas à mon poste, Cyril Hanouna s'est expliqué vendredi soir. Une nouvelle fois, le coupable est devenu la victime.


    Mise à jour lundi: Cyril Hanouna est revenu une nouvelle fois sur cette séquence homophobe lundi soir. La majorité des chroniqueurs et Cyril Hanouna ont dénoncé un acharnement médiatique. Un invité a comparé les gays ciblés à des poissons pour justifier ce canular. Mais l'animateur a toutefois reconnu «une erreur». De son côté Mathieu Delormeau a durement critiqué ces canulars mais Cyril Hanouna l'a coupé quand il évoquait le suicide possible de certains gays ciblés.

    Voici la réaction de Hanouna quand Delormeau dit son mécontentement et évoque le suicide possible des jeunes gays p… https://t.co/61AvAAvg51


    Jeudi 18 mai, dans l'émission spéciale TPMP Radio Baba! sur C8, une énième séquence homophobe a choqué nombre de téléspectateurs. Vu l'ampleur de la polémique, Cyril Hanouna a décidé de revenir sur cet épisode vendredi. Pendant les trente dernières minutes de cette émission, les chroniqueurs, mais aussi deux membres d'associations luttant contre l'homophobie, ont été invités à réagir. Mais comme souvent, cette séquence de remise à plat a surtout servi à blanchir l'animateur et pire, à le transformer en victime. Voici, en sept leçons, comment retourner un mea culpa télévisé pour justifier un canular homophobe.

    1. Inviter une victime sur le plateau (sans la faire parler)

    Avant l'émission, de nombreuses associations LGBT ont dénoncé le canular de Cyril Hanouna et le CSA a annoncé avoir reçu des milliers de signalements. L'animateur a d'abord réagi auprès du site Morandini.com pour dire toute sa peine et dénoncer ce faux procès en homophobie. Il déclare:

    «Franchement, ce matin, je suis très triste et très peiné par toutes ces accusations. L'homophobie c'est tout ce que je combats depuis des années (...) Et aujourd'hui me faire traiter d'homophobe me rend vraiment triste. (Silence).»

    Le site de Jean-Marc Morandini annonce aussi «en exclusivité» que «le jeune homme gay piégé au téléphone sera ce soir sur le plateau de TPMP pour expliquer comment il a vécu cette séquence.»

    EXCLU - TPMP: Le jeune homme gay piégé au téléphone hier sera ce soir sur le plateau pour réagir à la polémique https://t.co/fFeAL7xjUM

    À 20h50 donc, Cyril Hanouna annonce que Kevin, l'un des jeunes gay piégés la veille, est sur le plateau:

    «Hasard total, il avait prévu de venir ce soir dans le public. Alors je pense qu'il est dans le public ce soir Kevin, je sais pas où il est, mais en tout cas il doit être dans le public. Ah je le vois en haut, on va peut-être pas le montrer...»

    Le réalisateur de l'émission n'aura en tout cas pas pris la précaution de protéger l'image de ce jeune garçon. En plus de montrer le visage de Kevin à plus d'un million de téléspectateurs, TPMP rediffuse juste après la séquence humiliante vécue la veille par le jeune homme. Contrairement à ce qui avait été annoncé, Kevin n'a toutefois pas été invité à réagir lors de cette émission.

    2. Faire réagir les chroniqueurs pour faire d'Hanouna une victime

    Cyril Hanouna demande à tous les chroniqueurs présents de dire ce qu'ils ont pensé de cette séquence. Il insiste: «Dites la vérité». Et hasard total (ou pas), l'intégralité de ses chroniqueurs le défend. Ils considèrent même qu'il est une victime dans cette histoire.

    C'est Mehdi, un téléspectateur handicapé et invité de cette émission, qui ouvre le bal des arguments visant à dédouaner l'animateur. «Ça m'a pas du tout choqué. Après, je crois de toute façon que dès que l'on peut attaquer l'émission sur ce qu'elle va proposer, bah on va essayer de t'attaquer, mais je n'ai pas trouvé cette séquence choquante», estime-t-il.

    C'est là que Cyril Hanouna insiste sur la blessure que lui a causé cette polémique:

    «Moi, j'ai un peu été blessé. Parce que c'est vrai qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont traité d'homophobe alors que vous me connaissez et c'est vraiment tout ce que je combats dans cette émission. (...) Vraiment, ça m'a beaucoup blessé

    Et de lancer cette injonction:

    «On peut dire voilà que c'est pas drôle, c'est pas approprié, ça je peux tout entendre, que le sketch était un peu un sketch à la con, c'était caricatural tout ça, mais dire que je suis homophobe, ça vraiment, je ne veux pas l'entendre

    C'est ensuite au tour de l'ancien journaliste Gilles Verdez de réagir. Pour lui, ce n'est pas le fait d'avoir moqué et piégé des jeunes gays qui est problématique, mais l'ampleur des réactions après l'émission:

    «Moi je vous dis franchement, ce qui m'a choqué, c'est l'ampleur de la polémique. Mais on a l'habitude. Tout ce qui va autour de vous ou de l'émission, ça prend des proportions hallucinantes.»

    «Le procès qui est fait est absolument délirant», renchérit Jean-Michel Maire. Émilie Lopez, rédactrice en chef de l'émission et lesbienne assumée, donne son avis et explique, les larmes aux yeux, pourquoi Cyril Hanouna (les larmes aux yeux aussi) ne peut pas être homophobe.

    «Moi j'ai été blessée par cette polémique. Vraiment. J'ai les larmes aux yeux rien que d'y penser. Moi je sais ce que c'est l'homophobie, je sais ce que c'est les insultes, je sais ce que c'est de se faire frapper parce qu'on est gay, ça m'est arrivé (...) Je travaille avec vous et je suis ravie de travailler avec vous. Vous faites de grandes choses à l'antenne et en dehors contre l'homophobie et ça les gens ne le savent pas forcément et ça me blesse qu'on puisse penser qu'une personne comme vous véhicule ce genre de choses.»

    3. Dénoncer une atteinte à la liberté d'expression (et comparer Hanouna aux journalistes de Charlie Hebdo)

    Benjamin Castaldi use des mêmes arguments d'autorité mais, en prime, met en cause une association luttant contre l'homophobie (et ce, même si C8 a diffusé l'un de ses spots à titre gracieux pendant la publicité) et regrette qu'on ne puisse «plus rien dire»:

    «Le faux procès qui vous est fait là, ça me dérange. Avec le nombre de choses qui sont faites dans l'émission, notamment pour Le Refuge qui fait un communiqué de 27 lignes en expliquant que c'est honteux etc.. je trouve que là, pour le coup, ça n'est pas juste et pas approprié. (...) Moi ce qui m'inquiète plus, c'est que honnêtement plus les années passent, en télé ou en radio, on ne peut absolument plus rien dire.»

    @lerefuge En fait c'est pas la faute de Hanouna, c'est parce qu'"on ne peut plus rien dire aujourd'hui" #TPMP

    «Au mieux, on peut vous taxer de lourdeur ou de maladresse», ajoute Valérie Bénaïm qui va jusqu'à comparer le droit à l'humour de Cyril Hanouna avec le droit à la caricature des journalistes de Charlie Hebdo tués le 7 janvier 2015.

    4. Inviter une association LGBT pour réhabiliter Hanouna

    Par téléphone, le président de SOS homophobie, Joël Deumier, dénonce de façon très claire l'aspect homophobe du canular de Cyril Hanouna. Il explique pourquoi l'animateur a une responsabilité particulière et pourquoi il a contribué «à nourrir l'homophobie dans le pays». Accusé pendant plus d'une minute, Cyril Hanouna croit trouver une parade pour désamorcer les arguments de son interlocuteur:

    «Oui mais alors Joël, qu'est-ce que vous disiez de la Cage aux folles ou peut-être de Pédale douce, des films qui sont sortis, qui ont fait des millions d'entrées. Comment vous avez réagi sur ces films-là?»

    Le patron de SOS Homophobie répond que ce genre de films «donne une image stéréotypée des homosexuel-les» mais cela ne suffit pas à convaincre Cyril Hanouna qui persiste: «ça me faisait rire de camper ce personnage». Il finit par passer la parole au porte-parole d'une autre association, Stop homophobie, qui lui, aura un discours beaucoup plus clément à l'égard de l'animateur.

    Pour Alexandre Marcel, ce canular est simplement un «sketch des années 2000» et «évidemment» Cyril Hanouna «n'est pas homophobe». Mieux selon lui, l'animateur est une victime et les coupables sont les médias. «J'ai envie de dire, ce n'est pas réellement de votre faute. Les médias nous laissent nous exprimer deux fois par an, pour la journée internationale de lutte contre l'homophobie et pour la gay-pride», dit-il avant d'insister: «Bien loin de moi de penser que vous êtes un homophobe, vous utilisez l'humour».

    Interrogé par BuzzFeed, Alexandre Marcel assume son intervention et le fait qu'il n'a jamais qualifié ce canular «d'homophobe». «J'ai dit que Cyril Hanouna était une victime de la désinformation et je l'assume», martèle-t-il en s'en prenant au reste des médias dont BuzzFeed:

    «Tu vends du papier, moi je défends des gens qui crèvent.»

    À la fin de la réaction d'Alexandre Marcel, Cyril Hanouna a promis qu'il reviendrait sur le plateau dès la semaine prochaine pour parler une nouvelle fois d'homophobie. «Je n'ai pas eu de date de fixée», précise à BuzzFeed le patron de Stop Homophobie.

    5. Prétendre que vous avez été le seul à parler de la situation des gays en Tchétchénie

    Après avoir affirmé que non Hanouna n'était pas homophobe, Alexandre Marcel évoque le «génocide des homosexuels en Tchéchénie». Il est alors immédiatement coupé par Cyril Hanouna qui déclare sans sourciller:

    «On en a parlé il y a deux jours. On a été les seuls à en parler, je vous le dis.»

    Une rapide recherche sur Google actu permet pourtant de montrer que cette affirmation est totalement fausse.

    6. Désigner un autre coupable

    C'est d'abord le chroniqueur et journaliste au Figaro, Damien Canivez, qui a lancé les accusations contre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA):

    «Moi j'ai vu l'émission, honnêtement ça ne m'a pas choqué. Moi j'ai rigolé comme beaucoup. Moi ce qui m'a choqué plutôt c'est le CSA. Pardon d'en parler, mais le CSA qui a incité à vous dénoncer (Cyril Hanouna confirme) et ils ont tweeté à trois reprises.»

    «Ils ont essayé de faire parler d'eux sur le dos d'une cause et ça c'est nul, a dénoncé l'animateur avant que la chroniqueuse Émilie Lopez n'ajoute cette accusation visant l'autorité administrative:

    «Émilie Lopez: Et ils ont appelé les journalistes chaque heure pour les tenir au courant du nombre de signalements qu'il y avait.

    Cyril Hanouna: Le CSA qui appelle les journalistes, ça c'est extrêmement grave. C'est inadmissible. Inciter les gens à dénoncer et les journalistes à faire des papiers, ça c'est nul.»

    @lerefuge Enfin TPMP et Damien Canivez du Figaro, ont trouvé un dernier coupable à cette séquence homophobe: le CSA… https://t.co/aLpT2avXgS

    Le CSA a-t-il contacté les journalistes? En réalité, le gendarme de l'audiovisuel n'a fait que répondre aux sollicitations des médias. C'est le cas pour BuzzFeed News, comme pour l'ensemble des rédactions ayant écrit sur le sujet. Joint par BuzzFeed News, l'Express, Marianne et LCI confirment avoir contacté eux-mêmes l'institution.

    7. Donner l'avis (très partiel) des fanzouzes sur le sujet

    Comme c'est le cas à chaque séquence problématique de TPMP, l'animateur demande l'avis de ses fans sur Twitter. En fin d'émission, il projette donc le résultat qui montre que seuls 42% des personnes ayant répondu à la question ont trouvé la séquence choquante.

    Pourtant, les résultats finaux de ce sondage (toujours en ligne sur Twitter) n'ont rien à voir avec ceux annoncés dans l'émission. En réalité, 64% des personnes interrogées ont trouvé ces canulars choquants.