Aller directement au contenu

    Fillon avec l'imam de Stains: la photo qui embarrasse l'équipe du candidat

    Une photo montrant François Fillon qui pose avec le gérant de la mosquée de Stains circule sur les réseaux sociaux. Ce lieu de culte a été fermé par les autorités qui l'accusent d'être le «repaire d'une filière djihadiste».


    Mise à jour à 20h30: L'équipe de François Fillon reconnaît finalement l'existence de ce cliché et assure «qu'il n'y a aucun problème».


    Contrairement à «Ali Juppé», François Fillon avait été à peu près épargné par la fachosphère jusqu'à présent. Il y a quelques jours, le candidat LR à la présidentielle a d'ailleurs été victime d'une intox qui semblait tout droit venir de la gauche. Un photomontage bidon le montrait tout sourire aux côtés de Marion Maréchal-Le Pen. Mais ces dernières heures, la charge est venue de l'extrême droite.

    Mercredi, le frontiste Damien Rieu, qui travaille dans l'équipe de Marion Maréchal-Le Pen, a relayé sur Twitter deux photos: l'une montrant François Fillon poser avec le recteur de la mosquée de Stains, Salih Farhoud. L'autre, montrant ce même recteur avec une arme dans les mains.

    L'équipe de Fillon plaide l'intox

    Sur Twitter, certains défendent l'ex-Premier ministre en assurant que la photo est, là-encore, une intox. Contacté par BuzzFeed News, l'un des membres des relations presse de François Fillon est catégorique, sous couvert d'anonymat:

    «Il s'agit d'un photomontage. Comme pour celui le présentant avec Marion Maréchal-Le Pen. Il y en a plusieurs qui circulent. Mais ce qui est certain, c'est qu'il n'a jamais rencontré cette personne.»

    Il nous a même fait suivre des tweets de personnes assurant avoir prouvé l'intox.

    Une vidéo dément la version de l'équipe Fillon

    Après publication de notre article, l'attachée de presse de François Fillon nous rappelle pour finalement nous confirmer cette rencontre:

    «C'était une erreur (d'un collaborateur, ndlr). Il n'y a aucun problème avec cette photo qui a effectivement été prise à la mosquée de Drancy (...) Où François Fillon avait répondu à l'invitation du maire.»

    En réalité, cette photo n'est pas truquée et contrairement aux affirmations de l'équipe de François Fillon, ce dernier a bien rencontré Salih Farhoud, président du centre culturel franco-égyptien et gérant de la mosquée de Stains (qui se fait aussi appeler Salih Attia). Joint par BuzzFeed News, ce dernier livre quelques détails:

    «La rencontre a eu lieu en 2014 à la mosquée de Drancy. C'est mon ami, l'imam Hassen Chalghoumi, qui m'avait invité avec François Fillon.»

    À l'époque, cette rencontre n'avait suscité aucune polémique, d'autant que la presse n'était pas présente. Le seul article évoquant cette visite est rédigé en arabe et, bizarrement, n'a été publié que le 22 novembre dernier juste après le premier tour de la primaire de la droite. Son titre: «Le candidat à la présidence de la France rencontre le président de la communauté égyptienne dans une mosquée».

    Preuve supplémentaire qu'il ne s'agit pas d'un montage, BuzzFeed News s'est procuré une vidéo de cette rencontre. On y voit distinctement François Fillon échanger avec Salih Farhoud.

    Voir cette vidéo sur YouTube

    youtube.com / Via BuzzFeed News

    Un recteur qui «milite contre les islamistes»

    Alors pourquoi l'équipe de François Fillon semble-t-elle gênée par cette rencontre? À priori, Salih Farhoud est loin de coller à l'image radicale que tente de lui imposer la fachosphère. Très proche d'Hassen Chalghoumi, il dit avoir déjà rencontré François Hollande et Nicolas Sarkozy et milite pour un «islam républicain». Régulièrement sur sa page Facebook, il soutient également le général Al-Sisi le président de l'Egypte connu pour mener une guerre contre les islamistes et plus précisément contre le Frères musulmans. «Je soutiens totalement l'armée égyptienne et je milite depuis très longtemps contre les Frères musulmans», nous précise Salih Farhoud. Plus étonnant encore, il ajoute:

    «J'ai beau gérer la mosquée de Stains qui accueille de nombreux fidèles, je vais vous dire, je n'aime pas trop les salafistes, ce qui me vaut beaucoup de critiques.»

    Il dit également avoir reçu des menaces notamment depuis qu'il s'est rendu en Israël avec le même Hassen Chalghoumi pour faire «passer un message de tolérance». Pour «prouver sa tolérance», il envoie même une photo de sa participation à la marche du 11 janvier ou après les attentats du 13-Novembre.

    S'agissant de sa photo avec une arme dans les mains, le recteur de la mosquée de Stains s'explique. «C'était chez un ami en Égypte l'année dernière. J'ai posé avec le fusil de mon ami mais c'était pour rire. D'ailleurs, son arme est déclarée aux autorités égyptiennes, il n'y a rien d'illégal.»

    Des propos anti-chrétiens tenus en 2014

    Mais si ce recteur semble bien éloigné des milieux islamistes et va jusqu'à soutenir François Fillon, «cet homme bien», un autre fait d'armes pourrait expliquer la gêne ressentie par l'équipe de Fillon qui n'a cessé pendant la primaire de faire des appels du pied à l'électorat catholique.

    En 2014, un journaliste de la chaîne égyptienne Al-Hayat avait dû interrompre Salih Farhoud alors qu'il tenait des propos anti-chrétiens. Il était alors invité à commenter le changement de régime en Egypte.

    «Nous sommes très heureux. Nous espérons que tous les responsables de l’ancien régime [de Moubarak] qui ont fui l’Égypte seront arrêtés, tout comme Boutros-Ghali a été arrêté aujourd’hui. J’ai toujours dit qu’il est inconcevable qu’un ministre… Un chrétien ne peut être affecté au Trésor. Ce portefeuille doit être détenu par un musulman.»

    Il est immédiatement coupé par le journaliste qui dénonce ses propos. «Non, non, Saleh. Je n’aime pas ce que j’entends. Avec tout le respect que je vous dois. Vous ne pouvez pas émettre des décrets religieux à l’antenne. Je ne l’accepterai pas. Il n’y a aucune différence entre un chrétien et un musulman…», rétorque-t-il.

    «Je regrette ces propos, mais il y a un contexte. Le journaliste me coupait tout le temps, ce n'est pas ce que je voulais dire», se défend aujourd'hui Salih Farhoud.

    Sa mosquée accusée d'accueillir des djihadistes

    Surtout, la mosquée de Stains fait l'objet d'une fermeture administrative depuis le 2 novembre dernier. Elle est soupçonnée d'accueillir des salafistes dont certains auraient cherché à monter une action terroriste en France. Depuis, le recteur de la mosquée de Stains est plongée dans une bataille judiciaire pour tenter de rouvrir la mosquée. Devant le tribunal le 2 décembre dernier, la représentante du ministère de l’Intérieur a qualifié le lieu de culte d'être un «repaire d’une filière djihadiste». Le Parisien, présent à l'audience, ajoute:

    «Une note blanche vise «un imam tenant des prêches radicaux, prônant l’application de la Charia (loi islamique) sur le territoire français. Or, aucun enregistrement, ni témoignage direct n’ont permis de confirmer ce point.»

    Par ailleurs, il a été établi que la mosquée de Stains a été fréquentée par les plus fervents partisans du djihad à l'instar de Fabien Clain. «Il y a plus de 1000 fidèles à chaque fois, comment savoir qui pense quoi, qui est pour le djihad?», interroge Salih Farhoud qui persiste:

    «On essaye de me déstabiliser, mais mes opinions sont publiques. Je lutte contre l'islamisme, et si un salafiste tient des propos contre la France dans ma mosquée, je le dégage. C'est aussi simple que ça.»