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    À la rencontre de jeunes pro-Fillon: «J’en ai rien à faire de ses affaires. C’est un complot»

    Ils ont moins de 28 ans et voteront François Fillon à la présidentielle pour son programme économique et son expérience. Rencontre avec sept jeunes venus assister à son meeting à Toulouse et Montpellier.

    À Paris, Toulouse, Montpellier ou Nice, les sympathisants venus assister aux meetings de François Fillon ont souvent le même profil. Des têtes grisonnantes, beaucoup de retraités, une majorité de plus de 50 ans. Les jeunes sont une denrée rare. Ceux qu'on a rencontrés sont souvent des adhérents des Républicains. Affublés du t-shirt «les étudiants avec François Fillon», ils applaudissent avec ferveur, lancent des slogans, distribuent des goodies.

    «Les universités jouent un rôle très important contre Fillon»

    Michaël, 21 ans, rencontré à la fin du meeting de Montpellier vendredi 21 avril, l'admet volontiers: il s'est senti un peu seul. «Nous n'étions pas beaucoup de jeunes, mais je sais qu'ils sont beaucoup à le soutenir. Ils ne se déplacent pas forcément», assure cet étudiant en fac d'économie. Michaël a son idée sur ce qui «démotive» les jeunes:

    «Les universités jouent un rôle très important contre François Fillon. Quand je vois l'enseignement clairement de gauche que je reçois dans mes cours de macroéconomie, je comprends que cela puisse compliquer la mobilisation des étudiants pour François Fillon.»

    Si Michaël, «anciennement sarkozyste», est venu faire la claque pour François Fillon, c'est qu'il croit à ses propositions pour «redresser le pays». «Il est humble et il incarne le mieux l'égalité pour tous les Français. Je veux un emploi lorsque j'aurai terminé mes études, il n'y a rien à Montpellier et c'est le seul à me rassurer pour ça», estime-t-il.

    «J'en ai rien à faire de ses affaires. Je pense que c'est un complot décidé par Hollande pour faire gagner Macron.»

    Édouard, 21 ans, également en fac de droit, à Toulouse, soutient aussi l'ex-Premier ministre «pour son programme économique» avant tout. «Il a des propositions rassurantes et il veut renforcer l'Europe sans la détruire. C'est ce qui me plaît», dit-il au meeting toulousain, jeudi 20 avril. Le point clé qui l'a convaincu? «La suppression de 500.000 postes de fonctionnaires. J'avoue que c'est un peu beaucoup, mais je ne pense pas qu'il ira aussi loin», dit-il bizarrement. Et si le second tour devait opposer Macron à Le Pen, Édouard irait voter pour la présidente frontiste, quitte à abandonner ses positions sur l'Europe:

    «J'assume. Mes racines françaises sont prioritaires, je ne veux pas d'un fédéraliste comme Macron.»

    Quand on demande à Tamby, 21 ans, pourquoi François Fillon n'a pas appliqué une partie de son programme en 2007, lorsqu'il était Premier ministre, l'étudiant en droit à Avignon ne perd pas la face. Il reprend les éléments de langage du parti, même s'il n'avait que 11 ans à l'époque: «Avec la crise, il n'a pas pu appliquer un programme véritablement libéral. Je retiens qu'il nous a sauvés de la crise de 2008. Sans lui et sans l'unité avec Sarkozy, on n'en serait pas-là.»

    Comme de nombreux militants, les jeunes rencontrés dans ces différents meetings disent ne pas trop faire attention aux affaires et notamment au «Penelope Gate». «Moralement, c'est condamnable, mais franchement c'est général. Tous les politiques font pareil. Je vote pour un projet, surtout», balaye Charles, un ingénieur de 28 ans croisé à Toulouse. «Les affaires, on ne sait pas trop encore de quoi il s'agit. Et puis, c'est pas en lisant le journal qu'on pourra le savoir», nuance Sébastien 18 ans. Parmi ces jeunes, un point commun: la haine ou la colère contre une presse qui «s'acharne». Charlotte, 23 ans, étudiante en informatique, va encore plus loin:

    «J'en ai rien à faire de ses affaires. Déjà, je pense que c'est un complot décidé par Hollande pour faire gagner Macron. Et puis, si même 10% de ses affaires sorties dans la presse sont vrais, cela pose un problème? Pas pour moi. Je suis convaincue que les autres politiques ont fait bien pire. Lui, c'est un homme droit malgré tout.»

    13% de l'électorat de Fillon a moins de 35 ans

    À Toulouse, lorsque le public n'est pas très réactif, des organisateurs demandent aux jeunes de crier et d'applaudir plus fort pour «tenir la salle». «Tape dans tes mains», me lance l'un d'eux, qui n'a semble-t-il pas vu mon badge presse. Et si François Fillon a dans chacun de ses meetings un mot pour «la jeunesse de France», rien n'y fait, il reste boudé par les futurs actifs du pays.

    «Près de 50% des électeurs de François Fillon ont plus de 65 ans, alors que les moins de 35 ans ne pèsent que 13% de son électorat», résument les spécialistes de l’opinion Chloé Morin et Cécile Lacroix-Lanoë dans une note publiée par la Fondation Jean Jaurès et relayée par Marianne. Selon un sondage Ifop/Paris Match de mars, le candidat enregistre même une cote de popularité de seulement 15% chez les moins de 35 ans.

    «Fillon, c'est Trump. Personne ne le voit venir, comme à la primaire, mais dimanche, beaucoup vont faire la gueule.»

    Pas de quoi casser l'optimisme d'Adrien, militant Les Républicains de 24 ans croisé lui aussi à Montpellier et un peu agacé par ces statistiques. «Vous en avez pas marre de sortir des chiffres, des sondages, des affaires, pour tuer notre campagne et faire prospérer le gauchisme médiatique?» interroge cet étudiant en école de commerce, avant de comparer la campagne de son poulain à celle de Trump:

    «Ce qui me fascine, c'est que personne n'a retenu les leçons des États-Unis. Fillon, c'est Trump. Il fait une vraie campagne, de fond, il est aimé par le peuple, il dit la vérité et ose enfin bousculer les codes. Personne ne le voit venir, comme à la primaire, mais dimanche, beaucoup vont faire la gueule quand ils verront sa tête apparaître sur les écrans.»

    Adrien n'était pourtant pas un filloniste historique. «J'ai longtemps hésité et mon soutien à François Fillon s'est finalement imposé. Ce qui me plaît chez lui, c'est qu'il met enfin en avant nos racines chrétiennes, qu'il souhaite stopper l'immigration, l'islamisme et qu'il tient un discours de vérité sur la dette», juge l'étudiant qui votera «tout de même Le Pen, si Fillon est éjecté». Et de conclure:

    «En réalité, je soutiens Fillon parce qu'il s'est radicalisé. Ce n'est pas la politique d'ouverture de Sarkozy, ni le gauchisme de Juppé. La droite a besoin d'un type comme ça, et il est l'un des derniers à avoir des couilles.»

    Preuve que l'unité fait grandement défaut chez Les Républicains, un homme, la cinquantaine, interrompt le jeune homme pour lui dire «de se casser chez Marine». Et vient défendre Juppé, «qui avait une certaine humilité», tout en portant un t-shirt arborant le nom de François Fillon.